Robert Miguet
Robert Miguet, né le 30 décembre 1929 à Toulouse (Haute-Garonne), est un haut fonctionnaire français. Il exerça notamment ses fonctions, face à des mouvements contestant la légitimité du pouvoir exécutif qu'il incarnait, en Algérie, au début de son parcours, à la fin des années 1950, début des années 1960, puis en Corse, au début des années 1970, et en Guadeloupe, au début des années 1980.
Biographie
Robert Miguet a été élève du lycée Pierre-de-Fermat de Toulouse. Il est est diplômé de l'Institut d'études politiques de Toulouse (IEP Toulouse) et a été élève de l'École nationale d'administration (promotion 18 Juin, 1956-1958).
Ses premières missions sont en Algérie, auprès du préfet de Sétif puis de Tiaret, durant la fin de la guerre d'Algérie, de 1958 à 1961. C'est un moment où la tension est à son comble entre le gouvernement français, l'Organisation armée secrète (OAS) et le Front de libération nationale (FLN) algérien, marqué également par le retour du général de Gaulle aux « commandes » et le début de la Cinquième République. Il devient ensuite sous-préfet du Territoire de l'Inini, en Guyane, en 1961 et 1962, et délégué à la Conférence des Caraïbes en 1962[1].
En 1963, il revient en métropole et effectue un parcours comme secrétaire général ou sous-préfet dans divers départements : Territoire de Belfort, Calvados, Doubs, Haute-Garonne. Mais le poste le plus difficile est en Corse, comme sous-préfet de Bastia, de 1972 à 1974, dans une période caractérisée par les premiers attentats, avant même l'émergence du Front de libération nationale corse (FLNC) et avant l'affaire d'Aléria, étapes importantes dans l'organisation des mouvements autonomistes et de libération dans ce territoire. Le 17 février 1973, suite à l'une des manifestations provoquées par l’ « affaire des boues rouges » de la Montedison (un déversements de produits toxiques au large du cap Corse), quelques dizaines de manifestants réussissent à pénétrer dans la sous-préfecture de Bastia et à investir son bureau, et ce malgré les 300 policiers des Compagnies républicaines de sécurité (CRS) protégeant le bâtiment[2]. « À l'intérieur, les CRS, complètement désemparés, ne bougeaient plus. Ils n'avaient plus d'ordres. Et, au cinquième étage, dans le bureau du sous-préfet, la scène était incroyable […] Un groupe tentait de protéger le sous-préfet Miguet, un autre le chahutait. C'était une véritable mêlée. Des cris fusaient, des claques retentissaient. Il y avait quelque chose de bouffon. Edmond Siméoni ceinturait Miguet, il était difficile de savoir s'il le protégeait ou s'il l'immobilisait pour que les autres puissent le malmener. »[3]. Le drapeau corse remplace quelques instants le drapeau tricolore au fronton du bâtiment. Le sous-préfet est libéré quelques heures plus tard. L'affaire se prolonge par l'arrestation du responsable fédéral du Parti communiste français (PCF), adjoint à la mairie de Bastia, d'Edmond Simeoni porte-parole de l'Action régionaliste corse, et d'un jeune militant. Ils sont libérés dès le 26 février suite à une grève générale paralysant l'île. Le cycle des attentats est amorcé dans les mois qui suivent. Le 9 octobre 1973, un commando de militants corses dynamite une balise radio sur la base aérienne de Solenzara utilisée par l'OTAN. Dans la nuit du 3 au 4 janvier 1974, c'est la première « nuit bleue » corse, avec neuf attentats quasi-simultanés dans divers points de l'île dont Bastia[4]. Une façon pour les groupes contestataires insulaires de capter l'attention de l'opinion publique et des médias, reprenant des pratiques perpétrées par d'autres organisations dans les dernières années de l'Algérie française, une décennie plus tôt[Note 1].
Le 13 février 1984, il est à nouveau affecté à l'Outre-mer, comme préfet de Guadeloupe[5], à la demande de Gaston Defferre, dans une période là aussi tendue. Le lendemain de son arrivée, il reçoit la visite du ministre Defferre et du secrétaire d'État chargé des DOM TOM Henri Emmanuelli. Deux jours après son arrivée, la nouvelle tombe de l'assassinat du plus important planteur de l'île, Max Martin. Le climat politique est tendue et il est là pour maintenir l'ordre[5]. L'Alliance révolutionnaire caraïbe multiplie en 1983 les attentats à la bombe notamment en mai 1983 et novembre 1983. Robert Miguet envoie un message d'alerte au ministère de l'Intérieur : « Le contexte actuel des attentats par explosif en Guadeloupe s'apparente à celui de la Corse il y a dix ans: actions des indépendantistes qui utilisent l'insuffisance des services de la police. »[6]. Le Parti socialiste (PS) au pouvoir lui demande de quadriller le territoire, mais, parallèlement, se détache des indépendantistes, avec qui il entretenait des liens, pour jouer la carte de la décentralisation [7]. Robert Miguet reste en Guadeloupe jusqu'au 28 février 1984[8].
De retour en métropole, il est nommé successivement préfet des Pyrénées-Orientales de 1984 à 1986, puis préfet du Gard de 1986[9] à 1987[10]. Devenu préfet hors cadre en 1987[11], après une première mission auprès du Premier ministre français, Jacques Chirac, sur les rapatriés, il devient directeur adjoint de l'Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN)[12] de 1989 à 1994. Ayant pris sa retraite de préfet, il continue pour autant en enseignant dans différentes écoles, et notamment à l'École des hautes études internationales (HEI) à partir de 1996[1].
Distinctions
- Chevalier (1984) puis officier de la Légion d'honneur (1995)[13].
- Commandeur de l'ordre national du Mérite[1].
Œuvre
- Chroniques de la vie préfectorale, 1958-1994, Phénix éditions, 2002, 378 p. (ISBN 2-7458-0652-1)[Note 2].
Notes et références
Notes
- ↑ Cf. les Nuit bleue (expression).
- ↑ L'ouvrage n'est pas déposé à la BNF ; il existe un exemplaire consultable à la bibliothèque universitaire de l'université Antilles-Guyane (source : catalogue SUDOC). Phenix est un éditeur réalisant des tirages numériques, renouvelables à la demande. Il a notamment publié cinq mémoires de préfets : Bulles d'histoire de Gérard Belorgey ; Préfet en Algérie (1945/49) de René Petitbon ; Au cœur du drame franco-algérien de Georges Audebert ; Le corps préfectoral face à l'occupation allemande, de Pierre Aubert ; Chroniques de la vie préfectorale de Robert Miguet.
Références
- ↑ 1,0 1,1 et 1,2 Who's Who in France - 2002-2003 - p. 1335.
- ↑ Ramsay 1983, p. 71.
- ↑ Pantaleon Alessandri, Indépendantiste corse : mémoire d'un franc tireur, Calmann-Lévy,
- ↑ Orsoni 2012.
- ↑ 5,0 et 5,1 Le Cornec 2005, p. 487
- ↑ Hebdomadaire Le Point N°584 du 28 novembre 1983
- ↑ William F. S. Miles, Paradoxe au paradis, Éditions L'Harmattan, , 252 p., p. 223
- ↑ Préfets de la Guadeloupe depuis 1947
- ↑ « Conseil des ministres du 18 juin 1986 Mesures d'ordre individuel. [... M. Robert Miguet, préfet, commissaire de la République du département des Pyrénées-Orientales, est nommé commissaire de la République du département du Gard [...] »].
- ↑ Bargeton 1994
- ↑ « Conseil des ministres du 30 septembre 1987 Mesures d'ordre individuel. [... M. Robert Miguet, préfet, commissaire de la République du département du Gard, est nommé préfet hors cadre [...] »]
- ↑ Sauvage 2001.
- ↑ JORF, JORF n°1 du 1 janvier 1995
Voir aussi
Sources
Éléments biographiques généraux.
- René Bargeton, Dictionnaire biographique des préfets : septembre 1870-mai 1982, .
- Who's Who in France : Qui est qui en France : Dictionnaire biographique de personnalités françaises vivant en France, dans les territoires d'Outre-Mer ou à l'étranger et personnalités étrangères résidant en France, 2002-2003 (impression en 2002), 34e éd., 2103 p. (ISBN 2-85784-041-1), p. 1335.
- Cet ouvrage ne regroupant que des actifs la dernière édition annuelle du Who's Who in France comportant une notice « Miguet, Robert, Félix » (préfet) est la 37e édition 2005-2006 (imprimée en 2005) (ISBN 2-85784-045-4) : voir à la page 1460.
Actions de Robert Miguet en Corse.
- Jean-Paul Delors et Stéphane Muracciole, Corse : la poudrière, Éditions Alain Moreau, .
- (en) Robert Ramsay, The Corsican Time-Bomb, Manchester University Press, .
- Xavier Crettiez, La Question Corse, Editions Complexe, .
- Pantaleon Alessandri, Indépendantiste corse : mémoire d'un franc tireur, Calmann-Lévy, .
- Alain Orsoni, Un destin corse: Le maquis ardent, Jean-Claude Gawsewitch Éditeur, .
Actions de Robert Miguet en Guadeloupe.
- Jacques Le Cornec, Un royaume antillais d'histoires et de rêves et de peuples mêlés, Éditions L'Harmattan, .
- François-Xavier Guillerm, (In)dépendance créole : brève histoire récente du nationalisme antillais, Éditions Jasor, .
Actions de Robert Miguet à l'Institut des hautes études de défense nationale.
- Jean-Christophe Sauvage, L'Institut des hautes études de défense nationale : une vision globale de la politique de défense de la France, Presses universitaires du Septentrion, .
Articles connexes
- Liste d'énarques par promotion#Promotion 18 juin (1958)
- Département de Sétif
- Département de Tiaret
- Territoire de l'Inini
- Arrondissement de Lisieux
- Arrondissement de Bastia
- Arrondissement de Montbéliard
- Liste des préfets de la Guadeloupe
- Liste des préfets des Pyrénées-Orientales
- Liste des préfets du Gard
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