Maladie d'Alzheimer (hypothèse d'une cause fongique)
Les causes exactes de la maladie d'Alzheimer ne sont toujours pas connues. Des facteurs génétiques sont démontrés dans quelques cas, mais des facteurs environnementaux semblent également en cause dans la plupart des cas. Ceux-ci pourraient expliquer pourquoi la maladie est devenue plus courante, puis - récemment - montre une légère diminution du risque de la contracter.
Plusieurs hypothèses explicatives existent, dont la plus récente est l’hypothèse d’une origine fongique (une infection fongique du système nerveux). Cette hypothèse est apparue après que des infections fongiques ont été systématiquement observées dans le cerveau des patients atteints d'Alzheimer[1],[2].
Dans une étude statistique, corrélation a été trouvé entre la maladie d'Alzheimer et les mycoses systémiques[3].
Des travaux ultérieurs ont montré que les différentes zones du cerveau sont infectées par des champignons dans la maladie d'Alzheimer[2]. Cette hypothèse fongique est cohérente avec d'autres précédemment établies, comme l'hypothèse tau ou hypothèse de bêta-amyloïde[2]. Une autre hypothèse est celle de conséquences d'une infection par l'Herpes simplex virus de type 1[4],[1],[5].
Histoire médicale
L'hypothèse fongique est récente. C’est vers 2010 que des chercheurs de l'Université de Madrid et du CSIC ont découvert que des patients victimes de sclérose en plaques (maladie aux causes encore inconnues) sont aussi victimes d'infections par plusieurs espèces de microchampignons pathogènes[6]. Plus tard, ils découvriront la même chose chez des patients victimes de sclérose latérale amyotrophique[7].
Ceci leur donne l'idée d'également rechercher des champignons microscopiques chez des malades Alzheimer.
En 2014, le docteur en microbiologie Luis Carrasco et son équipe publient une étude statistique[8] basée sur la recherche d'indices sanguins d'infection fongique chez les patients atteints de la maladie d'Alzheimer.
Résultats, données disponibles
Des anticorps dirigés contre plusieurs espèces de levures et de protéines fongiques ont effectivement été aussi trouvés dans le sérum des patients Alzheimer, ainsi que du (1,3)-β-glucane fongique[8]. Des indices d'infection fongique diffuse ont aussi été trouvés chez tous les malades étudiés (et non chez les cas-témoins[9]).
Certains présentaient des taux élevés de polysaccharides fongiques dans leur sang périphérique[8]. C'est la première preuve de présence d'une infection fongique systématiquement associée à cette maladie[8].
Peu après, une analyse protéomique donne « des preuves convaincantes de l'existence de protéines fongiques dans des échantillons de cerveau de malades »[8].
La PCR met ensuite en évidence plusieurs espèces fongiques (différentes selon le patient mais aussi selon le tissu testé[8]). Le séquençage d'ADN confirme que plusieurs espèces fongiques peuvent être trouvées dans le cerveau même du malade[8]. Des chercheurs réussissent ensuite à rendre visible par immunohistochimie des composants fongiques présent dans une part significative (10 % environ) des cellules neuronales du cortex frontal de patients atteints de MA[10].
Avant cela, les auteurs avaient vérifié chez la souris de laboratoire qu'une levure (Candida glabrata en l'occurrence) pouvait effectivement s’« internaliser » dans certains tissus de mammifères[10]. Chez les souris expérimentalement infectées par le champignon, mais non chez les souris-témoin saines, le champignon a pu effectivement être détecté dans des cellules du foie, de la rate, ainsi que dans des échantillons de cerveau[10]. Par ailleurs, la microscopie confocale a confirmé une localisation parfois intracellulaire[10].
Les auteurs précisent que la morphologie spécifique du « matériau fongique » variait selon les patients : parfois localisée dans le cytoplasme, ou prenant chez d'autres malades l'apparence de petits corps punctiformes[10]. Plusieurs zones du cerveau sont ainsi infectées (dont cortex frontal externe, hémisphères cérébelleux, cortex entorhinal/hippocampe et plexus choroïde)[9].
D'autre part, plusieurs anticorps anti-fongiques différents ont pu révéler un même matériau parasitant les cellules, ce qui suggère une coinfection fongique[10]. Un autre article montre que des biomarqueurs de l'infection fongique (protéines et ADN fongiques) sont également présents dans le liquide céphalo-rachidien de malades Alzheimer[11]. Ceci rend possible la création d'un test slot-blot pouvant améliorer le diagnostic[11] sans avoir à pénétrer le cerveau. En amplifiant l'ADN fongique par PCR puis en le séquençant, il devient possible de distinguer les espèces ou souches fongiques présentes[11].
Infection fongique : cause primaire ou conséquence secondaire de la maladie ?
De 2010 à 2014 on ignore encore si ces infections fongique sont un facteur de risque, une cause directe possible de la maladie ou simplement l'une de ses nombreuses conséquence[8].
Une hypothèse est qu'une infection fongique disséminée asymptomatique pourrait se propager lentement, durant des années voire des décennies, jusqu'à ce que, peut-être en raison de l'âge et de l'affaiblissement de la barrière hémato-encéphalique, elle s'étende au système nerveux central.
À partir de ce moment, le système immunitaire génèrerait des protéines bêta-amyloïde pour se protéger de l'infection[12]. Ces protéines empêchant le fonctionnement synaptique normal, elles conduiraient aux symptômes de la maladie d'Alzheimer. Les analyses montrent des traces de champignons dans le sang. Elles pourraient « expliquer que des pathologies vasculaires soient fréquemment trouvées chez les patients Alzheimer »[9]. Une sous-hypothèse est que si un champignon arrive à coloniser le système nerveux (par exemple en affaiblissant notre immunité contre les champignons), il pourrait faciliter l'entrée d'autres champignons dans le cerveau, ce qui expliquerait les co-infections[9].
Nouvelles données en 2015
En 2015, la même équipe de chercheurs a publié un nouveau travail[2] dans lequel des biopsies portaient sur deux groupes de personnes.
Le premier groupe était composé de patients décédés de la maladie d'Alzheimer, le second était le groupe témoin composé de gens dont la cause de la mort n'avait pas de lien avec maladie d'Alzheimer.
Il a été découvert que 100 % de ceux qui sont morts avec la maladie d'Alzheimer présentaient une infection fongique dans le système nerveux central.
Au contraire, aucune infection fongique n'a été trouvée dans le groupe témoin. Cette étude fournit des preuves solides de la présence d'infections fongiques dans le système nerveux central des patients atteints d'Alzheimer. Ce travail a été publié dans le magazine Nature.
Débuts de preuves ?
Les publications existantes ne peuvent pas à ce jour confirmer avec certitude que la maladie d'Alzheimer est toujours ou parfois due à une infection fongique, mais plusieurs indications sont en faveur de l'infection fongique comme cause de la maladie d'Alzheimer.
- Une infection fongique disséminée semble être présente avant que les symptômes de la maladie d'Alzheimer n’apparaissent[8].
- Le lent développement des infections fongiques disséminées non traitées correspond au développement de la maladie d'Alzheimer[8],[2].
- Une infection fongique dans le système nerveux central produit des symptômes semblables à la maladie d'Alzheimer[8],[2].
- La diversité des espèces de champignons pouvant affecter le système nerveux central chez les patients atteints d'Alzheimer peut expliquer les différentes évolutions de la maladie[2].
- Les travaux de l'équipe Carrasco signalent deux cas documentés[13],[14] d'inversion de démences de type Alzheimer Les deux patient ont été traités avec des agents antifongiques, après un diagnostic de maladie d'Alzheimer. Cela suggère que des antibiotiques antifongiques existants pourraient être utilisés pour traiter la maladie d'Alzheimer.
Références
- ↑ 1,0 et 1,1 (en) Itzhaki RF, Lathe R, Balin BJ, Ball MJ, Bearer EL, Braak H, Bullido MJ, Carter C, Clerici M, Cosby SL, Del Tredici K, Field H, Fulop T, Grassi C, Griffin WS, Haas J, Hudson AP, Kamer AR, Kell DB, Licastro F, Letenneur L, Lövheim H, Mancuso R, Miklossy J, Otth C, Palamara AT, Perry G, Preston C, Pretorius E, Strandberg T, Tabet N, Taylor-Robinson SD, Whittum-Hudson JA, « Microbes and Alzheimer’s Disease », Journal of Alzheimer's Disease, vol. 51, no 4, , p. 979-984 (PMID 26967229, DOI 10.3233/JAD-160152, lire en ligne)
- ↑ 2,0 2,1 2,2 2,3 2,4 2,5 et 2,6 (en) Diana Pisa, Ruth Alonso, Alberto Rábano, Izaskun Rodal et Luis Carrasco, « Different Brain Regions are Infected with Fungi in Alzheimer's Disease », Nature Scientific Reports, (PMID 26468932, DOI 10.1038/srep15015, lire en ligne)
- ↑ (en) R. Alonso, D. Pisa, A. Rábano et L. Carrasco, « Alzheimer's disease and disseminated mycoses. », European Journal of Clinical Microbiology & Infectious Diseases, vol. 33, no 7, (PMID 24452965, DOI 10.1007/s10096-013-2045-z)
- ↑ (en) Itzhaki RF, Wozniak MA, « Herpes Simplex Virus Type 1 in Alzheimer's Disease: The Enemy Within », Journal of Alzheimer's Disease, vol. 13, no 4, , p. 393–405 (ISSN 1387-2877, PMID 18487848, lire en ligne, consulté le )
- ↑ Cette surprenante hypothèse sur l’origine de la maladie d’Alzheimer que des chercheurs jugent de plus en plus plausible…, Atlantico.fr, 16 mars 2016
- ↑ Pisa D, Alonso R, Carrasco L. (2011), Fungal infection in a patient with multiple sclerosis ; Eur J Clin Microbiol Infect Dis. 2011 Oct; 30(10):1173-80. Epub 2011 May 1.
- ↑ Alonso R, Pisa D, Marina AI, Morato E, Rábano A, Rodal I, Carrasco (2015), Evidence for fungal infection in cerebrospinal fluid and brain tissue from patients with amyotrophic lateral sclerosis ; L.Int J Biol Sci. ; 11(5):546-58. Epub 2 avril 2015
- ↑ 8,00 8,01 8,02 8,03 8,04 8,05 8,06 8,07 8,08 8,09 et 8,10 (en) R. Alonso, D. Pisa, A. Rábano et L. Carrasco, « Alzheimer's disease and disseminated mycoses. », Eur J Clin Microbiol Infect Dis., vol. 33, no 7, (PMID 24452965, DOI 10.1007/s10096-013-2045-z)
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- ↑ (en) Deepak Kumar Vijaya Kumar, Se Hoon Choi, Kevin J. Washicosky et William A. Eimer, « Amyloid-β peptide protects against microbial infection in mouse and worm models of Alzheimer's disease. », Sci Transl Med., vol. 8, (PMID 27225182)
- ↑ (en) Thomas A. Ala, Robert C. Doss et Christopher J. Sullivan, « Reversible dementia: a case of cryptococcal meningitis masquerading as Alzheimer's disease », J Alzheimers Dis., vol. 6, no 5, (PMID 15505372)
- ↑ (en) Michael Hoffmann, Juan Muniz, Elizabeth Carroll et Jorge De Villasante, « Cryptococcal meningitis misdiagnosed as Alzheimer's disease: complete neurological and cognitive recovery with treatment. », J Alzheimers Dis., vol. 16, (PMID 19276545)
Voir aussi
Articles connexes
Liens externes
- Page du Gouvernement français concernant la maladie d'Alzheimer
- Portail d'Alzheimer de l'Union européenne partiellement en français
- Société Alzheimer du Canada
- Portail gouvernemental du Plan Alzheimer
- (en) Journal of Alzheimer's Disease
- (en) Journal of Alzheimer's & Dementia
Guides et recommandations
- diagnostic et la prise en charge de la maladie d’Alzheimer et apparentées a été publiée le par la Haute Autorité de santé.*
- RSI, IRCEM et France Alzheimer (2014) Guide interactif pour permettre aux indépendants de mieux connaître la maladie et mieux accompagner les personnes atteintes.
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Article publié sur Wikimonde Plus
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