Sainte Communauté

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Fichier:Yussuf el-Salîh (peinture faite en 1828).jpg
Portrait anonyme de Yussuf el-Salih (1828)

La Sainte Communauté (arabe: االجماعة الكريمة al-Jama'atu al-Karîma) est un mouvement réformiste islamique fondé par Yussuf al-Salîh (fa) au milieu du XIXe siècle en Bosnie-Herzégovine (cette province de l’Empire ottoman a été occupée en 1878 puis annexée en 1908 par l’Empire austro-hongrois). Ce courant, bien qu'il se réclame de l'islam originel, n'est pas reconnu par l'islam orthodoxe[réf. nécessaire].

Histoire

En 1825, Yussuf, bien lettré et éduqué, écrit son premier livre en persan : Tanhâ el-Quraan ("Le Coran unique"), qu'il traduira lui-même en arabe deux ans plus tard sous le titre : "Al-Quraan el-Wahîd". Il y établit les bases de sa future religion : le rejet des hadiths et une volonté d'interpréter le Coran à la fois littéralement et de manière allégorique (l'Ijtihad). Nombre de personnes adhèrent à ses idées, sans fonder de communauté au sens strict du terme[réf. nécessaire].

Les ouvrages de doctrine

Dans cet ouvrage Yussuf fait notamment l'éloge du Coran en tant que miracle linguistique venu de Dieu. Il conseille l'interprétation à la fois littéraire et allégorique du texte et met en garde contre le piège du pharisaïsme. Pour lui, le Coran possède un sens ésotérique et exotérique ; il faut tenir compte de ces deux sens, sans ignorer l'un et préférer l'autre ; l'ésotérique est le corps du Coran et l'exotérique son âme[1]. Il prône l'ijtihad et le présente comme une obligation du croyant pour une recherche spirituelle sincère et constructive.

Dans ce même ouvrage, Yussuf met en doute la valeur historique des hadiths et démontre, par des versets du Coran, que la Parole de Dieu se suffit à elle-même. Il redéfinit les piliers de l'islam et instaure une série de concepts propres au mouvement (As-Suffûf-e-Ulya, Al-Kalâm-e-Nazil…), considérés soit comme un rétablissement de préceptes anciens perdus soit par une révélation divine apportant de nouveaux commandements[2]. Il est considéré par les historiens comme un des premiers coranistes.

Yussuf a notamment critiqué la notion du Djihad, perçu comme non-islamique. Il a insisté sur la paix, l'amour et l'union mondiale, a combattu l'esclavage et défendu le rang de la femme. Cette citation du réformateur est célèbre :

« Je déclare, au nom du Seigneur, que quiconque se réclame de mes enseignements et prend les armes pour nuire à autrui n'est plus de moi et sera rejeté au Dernier Jour. De même, quiconque assujettit un homme à cause de sa race, sa couleur ou son origine et le réduit en esclavage n'est pas de moi et sera rejeté au Dernier Jour. Et je vous dis aussi, soyez-en sûrs, que quiconque rabaisse son épouse n'est plus de moi, et il sera rejeté au Dernier Jour, car les hommes, les femmes, les esclaves - tous les fils d'Adam et Ève sont égaux devant Dieu et liés par un amour divin et éternel » (Dawaat-e-Rassul, partie 2, vol. 4, p. 164).

Une œuvre importante de Yussuf, Hayat al-Nabî, la vie du Prophète, raconte en 500 pages la vie de Mahomet. Cette version de sa vie s'écarte en de nombreux points de la biographie officielle du prophète (Sira), acceptée par les sunnites et chiites. Elle n'est pas considérée comme une source de foi (bien qu'elle précise certaines circonstances de la Révélation) mais comme un complément historique.

La vision

En 1826, Yussuf aurait reçu une vision en présence de trois témoins. Il vit le prophète Mahomet accompagné d'anges lui annoncer sa mission : revivifier l'Islam et restaurer ses enseignements originaux, sur la base du Coran seul. Peu après cette vision, il publia trois livres : le premier, paru le 9 mai 1826, se nomme Kitab-e-Dîne, le second, paru le 12 novembre 1826, se nomme Kitab-e-Russul, et le dernier, paru le 2 janvier 1827, se nomme Kitab-e-Haqq. La plupart des membres les considèrent comme étant des interprétations personnelles de Yussuf, sans autorité particulière, puisque chaque adhérent est encouragé à méditer sur le Coran. Rassemblés, les trois volumes font plus de 1100 pages. L’œuvre intégrale de Yussuf, regroupant tous ses écrits, est publiée depuis 1890 par le mouvement sous le titre : Du'a li al-Haq, invitation à la Vérité.

La fondation

Le , Yussuf fonde officiellement la Sainte Communauté qui ne connaîtra de succès qu'à la fin de sa vie. Il base ses enseignements sur son interprétation du Coran. Dans son dernier ouvrage, Tandhîm ad-Dîn, il met sur place une hiérarchie divinement inspirée ayant pour but de gérer la Communauté.

La Sainte Communauté considère Yussuf comme le réformateur (mujaddid) de son temps ainsi qu'un détenteur de l'imamat. Cette croyance est une des raisons pour laquelle la Choura saoudienne les a déclaré « non-musulmans » en 1988[3].

Le nombre d'adeptes est estimé à 10 millions à travers le monde, majoritairement présents en Inde et au nord de la Turquie. Un nombre non négligeable d'adhérents est signalé en France[4].

La mort

Yussuf est assassiné le par une main anonyme, à l'âge de 38 ans. C'est Salim Khadmi qui lui succède à la tête de la Sainte Maison.

Croyances

Fichier:Signe religieux de la Sainte Communauté.gif
Signe religieux de la Sainte Communauté

La Sainte Communauté considère l'islam comme une religion universelle, qui a été sans cesse restaurée par divers prophètes des temps anciens. Elle ne considère pas Mahomet comme son fondateur, mais comme un simple prophète. De ce fait, son credo simplifié (Chahada) se limite à cette phrase : La Illaha ila Allah - "Il y a un seul Dieu : Allah", l'islam n'appartenant pas à Mahomet, mais à Allah.

La Sainte Communauté rejette les hadiths, considérés comme non-authentiques et faussement attribués à Mahomet, en raison de leur apparition tardive (deux à trois siècles après la mort du prophète) et de leurs moyens de transmission dénué de toute valeur historique. Yussuf les qualifie ainsi :

« Comment un musulman peut-il croire aux Hadiths ? L'Histoire nous a bien démontré qu'ils ne sont que pure fiction, ayant été rapporté plus de deux siècles après la mort du Saint Prophète (…) Nous ne possédons, en outre, aucune preuve de leur authenticité. Le Coran seul suffit pour un vrai soumis, sans que des paroles d'hommes, destinées à détourner la pure pensée islamique à leur avantage, ne viennent le défigurer. » (Quraan-e-Wahîd, partie 1, vol. 5, p. 174).

Pour eux, le Coran désigne, par la Salat, la Zakat etc de simples préceptes, et non des dogmes comme ceux décrits dans les Hadiths. Par exemple, la Salat peut se limiter à une simple phrase, ou à une prosternation, selon le désir du croyant : l'essentiel étant d'adorer son Créateur. De même, la Zakat désigne un devoir visant à donner de son argent aux pauvres de la manière que le croyant désire. L'orthodoxie musulmane aurait donc déformé ces ordres d'Allah dans la Sunnah, alors qu'ils n'étaient au départ de que de simples préceptes.

Les piliers de foi de la Sainte Communauté constituent son Credo. Ils sont :

L'unité de Dieu

La Sainte Communauté croit en un dieu unique sans représentation mentale possible, sans associé, sans égal et sans intercesseur, créateur de toutes choses, éternel, infini, miséricordieux (voir les Attributs de Dieu en islam). Dieu est seul, unique, n'a pas de fils, pas de parents, pas de proches, pas d’associés ni aucun semblable ou égal. Sa différence avec les créatures est absolue. Il faut donc vouer à Dieu une obéissance absolue et un culte exclusif, sans intermédiaire, L'invoquant directement et Lui Seul. Cet enseignement rejoint celui de l'islam sunnite. Le Tawhid est résumé dans la Chahada de la Sainte Communauté : "Je témoigne qu'il n'y a qu'un seul Dieu : Allah" Ashadou an la Illah illa Allah.

Le Plan de Dieu

Allah nous a créé pour un plan : celui de nous guider. Au départ, Il voulait seulement nous combler de joie et d'amour au Paradis, mais depuis qu'Adam a goûté au fruit défendu, il a entraîné ses enfants et lui-même sur Terre, endroit imparfait et éphémère. Dieu a donc prévu de nous faire retourner au Paradis si nous suivons et écoutons les prophètes de Dieu. Si nous nous rebellons contre eux, nous serons punis selon nos fautes en Enfer

Le Paradis est éternel, mais l'Enfer est éphémère, c'est-à-dire qu'excepté pour Satan, toute personne ayant été punie en Enfer pourra revenir au Paradis après un moment donné. L'Enfer sert à purifier l'âme afin qu'elle puisse se tenir devant Dieu. C'est obligatoire pour ceux qui ont commis beaucoup de péchés et que le pardon de Dieu n'a pas suffi à purifier. "Rien d'impur ne peut supporter la présence de Dieu, et donc, du Paradis"[5]

La continuité des prophètes

Bien que Yussuf n'ait pas prétendu être un prophète mais seulement un réformateur, il a enseigné une doctrine connue sous le nom de Tawassul-a-Nubuwa, la continuité, ou la chaîne ininterrompue des prophètes. Les prophètes sont organisés en hiérarchie complexe définie dans les livres de Yussuf. En résumé, chaque prophète a un sceau (khatîm, celui qui ferme, qui scelle) qui clôt sa lignée. Le sceau d'Adam est Noé. Le sceau de Moïse est Jésus. Le sceau de Jésus est Mahomet, et ainsi de suite. Un prophète "ouvre" une lignée, composé d'un nombre indéfini de prophètes et de messagers, et un sceau la ferme, la clôt, pour commencer une nouvelle lignée. De cette manière, le cycle des prophètes est éternel. Quand le message de Dieu commence à être oublié, une nouvelle lignée se forme.

La Révélation continue

Du moment que les prophètes sont ininterrompus, les Révélations aussi (Tawassul-a-Nuzul). Des livres peuvent donc descendre en plus du Coran, une fois que le message du Coran aura été abrogé par une autre Révélation. Le canon de la Sainte Communauté est donc un canon ouvert, pouvant accueillir divers livres par le biais des prophètes au fil des siècles. Mais Yussuf prévient : "Tant que cette Communauté ne sera pas anéantie, tant qu'il en restera encore ne serait-ce qu'un seul membre, nul prophète ne sera envoyé en ce monde, et nulle révélation ne descendra du Ciel. Pour ma part, j'ai simplement été un instrument entre les mains de Dieu pour réformer l'Islam" (Discours du réformateurs, éd. Aqwal, p. 125, traduction Jonnet)

La Torah et l’Évangile

L'une des principales croyances sunnites est que la Torah et l’Évangile (Tawrat et Injil) ont été falsifiés. La Communauté Sainte n'adhère pas à cette croyance. Si la Parole de Dieu peut-être détournée ou oubliée, si elle n'est pas invulnérable aux mauvaises interprétations, elle ne peut toutefois pas être modifiée au sens strict du terme. La Torah et l’Évangile sont, pour cette raison, considérés comme des textes sacrés venus de Dieu au même titre que le Coran. Ils renferment des morales pures et de vraies histoires, mais leurs lois et ordonnances ont été abrogées par le Coran.

Les devoirs et les obligations des croyants

Ce sont à peu près les mêmes que chez les sunnites : le Ramadan (trente jours, du coucher au lever du soleil), la prière - Salât, qui consiste à adorer Dieu de la manière qu'on veut, du moment qu'on Le remercie, la Zakat - aumône annuelle qui consiste à donner le plus de biens possibles aux pauvres et aux nécessiteux, le pèlerinage - Hajj qui consiste en le fait de visiter les lieux saints en signe d'hommage aux gens qui y ont jadis habité (sans les rituels prescrits par la Sunnah). Outre ces obligations fondamentales, le croyant a plusieurs autres obligations, comme celle d'aider son prochain, les malades, de se sacrifier pour le bien-être des autres (Ithar en arabe), de faire le bien… Tout ce qui découle du bon-sens. Le fanatisme, l'extrémisme, le Djihad (Guerre sainte) sont interdits. Toute violation aux Péchés capitaux en islam mène à l'excommunication.

Organisation

La Sainte Communauté est régie par la Sainte Maison (Al Manzil-e-Muqadass). La Sainte Maison rassemble l'ensemble des autorités dans la Communauté. Les prêtres sont chargés de convertir les personnes désirant rejoindre l'islam, de décider de l'excommunication des membres ayant commis de grands délits, de gérer les différends entre les membres. Les savants (oulémas) se consacrent aux questions posées par les membres (Halal/Haram…). Les missionnaires (Russul) sont envoyés pour prêcher et convertir les gens. Les Présidents (Ru'uss) sont chargés de décider de la construction de mosquées et de gérer l'ensemble des aspects de la Sainte Maison…

Le tout est soigneusement organisé pour le bon déroulement des affaires de la Sainte Communauté.

Références

  1. Al Quraan el-Wahîd, publié par A-dîne-e-Salîh, chapitre 22, pp. 12-13 : "Qui d'entre les hommes verrait le corps et pas l'âme ? Ou encoe, verrait-il l'âme et pas le corps ? Limiterez-vous la parole d'Allah à l'intérieur de vos pensées humaines ? L'Être Divin a mis tout le savoir qu'Il possède dans le Saint Coran, à vous de le trouver"
  2. Voir le chapitre 28 de "A-Dîn-e-Mujaddid", qui traîte de ces sujets là.
  3. Voir la catégorie « Communauté Sainte », dans Encyclopaedia of Islam : "Nom donné à une secte égarée rejetant la Sunnah et la Chahada"
  4. Publication de la Sainte Maison, 28 avril 2001 : « Aujourd'hui, dix millions de personnes adhèrent au vrai islam, par la grâce d'Allah, qui donne sa victoire à qui il veut. »
  5. Quraan-e-Wahîd, pp. 112-113.

Article publié sur Wikimonde Plus

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