Capitalisme socialement responsable
Définition
Le Capitalisme Socialement Responsable[1] est un concept créé et développé par Henri Saval et Véronique Zardet, avec le concours de Michel Péron et Marc Bonnet, qui promeut la responsabilité à tous les niveaux d’activité : macroscopique, meso, micro et à l’intérieur des organisations, jusqu'à l'individu.
La finalité n’en est pas la « bottom-line » ou le profit mais la création de valeur ajoutée, à partager entre les parties prenantes. Ce concept repose sur le constat de faillite ou les limites des systèmes économiques classique, marxiste, keynésien et libéral. En effet, les crises financières ont mis sur la sellette le capitalisme, étant donné les excès de "financiarisation" constatés. D’ailleurs, le thème officiel du Congrès annuel de l’Academy of Management, aux États-Unis, était en 2013 le "capitalisme en question".
L’économiste anglais William Petty, au XVIIe siècle, affirmait que l’argent ne servait à rien s’il n’était pas réparti. Cela soulignait déjà le caractère inerte du capital dans le couple capital-travail, base des théories économiques traditionnelles.
Caractéristiques du capitalisme socialement responsable
- un régime politique démocratique, républicain ou monarchie institutionnelle, dans lequel l'État prend en charge la santé, l’éducation, la sécurité et la justice.
- la propriété : privée ou hybride selon l’étape de développement où se trouve le pays.
- l’initiative entrepreneuriale est privée et libre, nuancée par des politiques de régulation de l'activité économique ; hormis les infrastructures d’intérêt général dont la propriété est publique, avec une concession possible de long ou très long terme.
- des structures mentales : cultivant la responsabilité individuelle et de groupe, la conscience personnelle, le respect de la dignité de l'individu, la reconnaissance de l'intelligence de tous et de leur capacité à produire de la valeur économique et des valeurs sociales
- une responsabilité organisée : l'État et les institutions publiques et associatives élaborent des normes qui constituent les règles du jeu économique, social et institutionnel.
- un système économique hybride : fondé sur la coopération active entre secteurs public et privé, comme moteur dynamique du développement économique, social et culturel.
- une relation dialectique décentralisée entre des acteurs pro-actifs et responsables, synchronisée par des institutions publiques à l’écoute des besoins de la population.
Le concept de responsabilité sociétale stimule le système de création de valeur, celle-ci étant la résultante d'innombrables interactions entre les acteurs internes et externes, principales parties prenantes de l’entreprise.
Principe
Le capitalisme socialement responsable conçoit la satisfaction des travailleurs comme une fin en soi et non comme un simple moyen de l’activité économique. Le capitalisme socialement et durablement responsable repose sur la complémentarité de deux facteurs : la performance économique et la performance sociale. C’est un système d’utilité sociale de l’entreprise, qui répond aux besoins essentiels « de l’Homme et de tous les hommes », selon la formule de François Perroux (1903 – 1987). Le capitalisme socialement responsable invite, dans cette optique, à privilégier une approche de subsidiarité locale et « de terrain » au lieu d’une analyse distante, purement macro-économique. Il est, en ce sens, significatif de voir que dans un livre récent coordonné par Lucie Davoine (La Découverte, 2012) intitulé Économie du bonheur le thème central est celui du bien-être en entreprise.
Un système économique et social basé sur le potentiel humain
L’approche socio-économique créée et développée par l’Institut de Socio-économie des Entreprises et des Organisations (ISEOR), dans le cadre du capitalisme socialement responsable, met en évidence la rentabilité de l’investissement pour le bien-être humain. Elle démontre que l’investissement incorporel en développement qualitatif du potentiel humain se révèle beaucoup plus rentable que n’importe quel investissement technologique. Cet investissement consiste, dans une organisation publique ou une entreprise privée, à prendre le temps d’assurer une véritable formation intégrée des acteurs, de renouveler les pratiques professionnelles au moyen des groupes de projets d’innovation et d’un management participatif structuré permettant de mieux accompagner les personnes et les équipes. Le coût de cet investissement incorporel n’alourdit pas les finances de l’entreprise car il est compensé par l’élimination des coûts cachés des dysfonctionnements que subit toute organisation. Un élément-clé dans la conception du capitalisme socialement responsable est le Contrat d’Activité Périodiquement Négociable. C’est un contrat d’amélioration de performances socio-économiques, conclu entre chaque salarié de l’entreprise et son responsable hiérarchique direct. Il traduit un engagement réciproque qui met en relation constante la qualité des activités et des moyens, les conditions de travail et la productivité, en vue de proposer au salarié un complément de rémunération, autofinancé par la conversion des coûts cachés en valeur ajoutée, grâce à la réduction des dysfonctionnements.
Le management, moyen de la conduite
Dans le contexte actuel de changements rapides et d’innovations permanentes, le capitalisme socialement responsable apporte aux entreprises et organisations la possibilité d’adapter le cadre contractuel du droit du travail à leurs contextes spécifiques, en concertation avec du personnel. Cela permet des solutions localement pertinentes et efficaces, en fonction des problèmes posés par la situation réelle sur le terrain. C’est sur ce principe de proximité qu’est construite l’approche socio-économique du management des organisations. Le management de proximité répond concrètement au besoin de reconnaissance au travail des personnes pour lutter contre l’insatisfaction, le désintérêt, voire la déshumanisation à laquelle conduit le capitalisme financiarisé débridé. L’importance du travail en équipe et la nécessité de renforcer les relations entre les personnes et les groupes facilitent l’encadrement du personnel et une meilleure communication, coordination, concertation et coopération, à tous les niveaux de l’entreprise.
Des alternatives politiques fertiles
- Réhabilitation de la productivité comme moteur du développement économique au lieu de l'excès d'endettement ou de déficit budgétaire publics.
- Réduction de la domination des marchés financiers dans la prise de décision privée et publique.
- Prévention des restructurations avec licenciements pour motif économique, au moyen du pilotage d’indicateurs de performance socio-économique durable.
- Substitution à l'objectif étriqué de maximisation des dividendes pour les actionnaires, d’un objectif visant à maximiser la valeur ajoutée à répartir entre des parties prenantes ("stakeholders")
- Politique d'autofinancement activant le levier de la productivité interne (endogène) de l'entreprise ou de l’organisation publique qui évite un excès d'endettement à l'entreprise, l’organisation publique ou la nation
Références
Savall, H. – Enrichir le travail humain : l’évaluation économique [Job enrichment : an economic evaluation] PhD dissertation – University Paris-Dauphine 1974 (text fully published by Dunod editions, 1975), with former president of European Communities Jacques Delors’s preface). Translated in Spanish in 1977 Por un trabajo más humano (Tecniban editions, Madrid) and translated in English in 1981 Work and people – An Economic Evaluation of Job-Enrichment (Oxford University Press editions, New-York), with H.I. Ansoff’s preface (republished in 2010, Charlotte : IAP)
Savall, H. & Zardet, V. (2006). Théorie socio-économique des organisations : impacts sur quelques concepts dominants dans les théories et pratiques managériales [Socio-economic theory : impacts on some mainstream concepts in management theories and pratices] Academy of Management (ODC Division), ISEOR conference, april.
Savall, H., Zardet, V. & Bonnet , M. (2010), RSE et développement durable, fondements de la théorie socio-économique des organisations [CSR and sustainable development, basis of socio-economic theory] ; paper, ADERSE Conference proceedings, march, La Rochelle, published in Nicole Barthe & J-Jacques Rosé (editors), RSE et développement durable [CSR between globalization and sustainable development], Brussels : De Boeck, 2011, 239-268pp, p. 3; 4 ; 33; 35; 36.
Péron, M., Savall, H. (2013), Réhabiliter le capitalisme : vers un capitalisme socialement responsable, communication aux journées Perroux, septembre 2013, 7p.
Savall , H. (1979) Reconstruire l’entreprise ; analyse socio-économique des conditions de travail.Préface de François Perroux, Dunod; 2° édition Savall, H. & Zardet, V., 2014.
Savall, H., Péron, M. (2015), le Capitalisme socialement responsable ; communication, conférence ADERSE, Strasbourg. 19 et 20 mars 2015, 46pp.
Savall, H., Zardet, V. (2015), ¿ Rumbo al Capitalismo Socialmente Responsable (CSR) ?, Contribución del modelo de gestión socioeconómica a la empresa y desarrollo territorial ; Conférence ACACIA, Durango Mexique. Avril 2015, 58pp.
Notes et références
- ↑ Le capitalisme socialement responsable existe, Cormelles-le-Royal, EMS, , 218 p. (ISBN 978-2-84769-840-4)
Article publié sur Wikimonde Plus
- Portail de l’économie