Françoise Chantraine

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Françoise Chantraine en 2022

Danseuse, chorégraphe, pédagogue et fondatrice avec son mari Alain Chantraine, de l’école de danse homonyme, présente en France, en Belgique et au Royaume-Uni. Pionnière de la danse d’expression en France, elle s’inscrit dans différents courants artistiques, à la croisée de la danse contemporaine et de la danse libre.

Biographie

Enfance et formation

Françoise Chantraine (née Merle) naît le 27 juillet 1937 à Neuilly, dans une famille de mélomanes. Enfant, elle étudie la danse rythmique (selon la méthode Dalcroze) et la danse classique. Elle crée ses premières chorégraphies à l’âge de 8 ans, soutenue par sa mère, parallèlement à ses premiers morceaux de violon.

Très tôt Françoise Chantraine interroge la danse à travers des recherches personnelles, cherchant « à allier à la rigueur du geste, la liberté du corps et la sensualité primitive du mouvement[1]. » Plus tard, elle affinera sa pensée et sa danse grâce à des rencontres artistiques structurantes, notamment Jean Serry, François Malkovsky, Jacqueline Robinson, Yvonne Berge ou encore Edmond Linval[2].

Musicienne, Françoise suit également des cours en harmonie et contrepoint auprès de Maurice Martenot, professeur au Conservatoire National de Paris, puis à l’École Normale Supérieure de musique (élève d'Alfred Cortot et d’Yves Nat) après avoir été essentiellement violoniste jusqu’au niveau professionnel avec Pierre Reitlinger. Elève puis professeur en solfège (de 1958 à 1965) et en arts plastiques (de 1960 à 1969) à l’école d’Art Martenot, elle reçoit alors la demande de Ginette Martenot de former des professeurs en arts plastiques pendant cette période.

Élève en psychologie à La Sorbonne, elle est également une des premières danseuse-chorégraphe à se former en kinésithérapie, discipline encore émergente à l’époque[3].

Début de carrière

Tout en assurant des représentations notamment en tant que soliste, Françoise Chantraine commence sa carrière de professeur de danse dès 1955[4]. L’intuition de l’École de danse naît avec Alain, son mari. Artiste pluridisciplinaire, Alain Chantraine est à la fois musicien, pianiste et poète. Toute sa vie, il participera aux côtés de Françoise Chantraine à l’émergence puis au rayonnement de la méthode Chantraine.

L’École a été créée en 1958, afin de concevoir un nouvel outil “d’aide au développement de la personne par l’expression corporelle et la danse”, “pour que chacun - quels que soient son âge, ses capacités - puisse découvrir son unité, se réconcilier avec soi-même et développer l’ensemble de son être”[5]. Cette méthode est fondée sur “les 5 temps” : “rythme, intériorité, technique, créativité, chorégraphie”[3], avec une importance donnée au regard positif posé en premier sur toute évolution[6].

En juin 1959, le Manifeste de la Danse, écrit par Alain Chantraine, résume l’intuition artistique, humaine et pédagogique de la danse Chantraine.

« Tout est mouvement dans le Monde. Participant individuellement à ce rythme universel, il nous convient de le sentir, de le recevoir. La danse se nourrit aux pulsations de la vie. Expression de la vie, elle doit en découvrir les vraies richesses. Sachant écouter, comprendre, elle saura exprimer, découvrir à son tour. Alors la danse est vie, elle est élan. Élan de l’esprit autant que du corps. De leur entente parfaite naît la beauté du mouvement, du geste, ce mouvement où coule une intention. Mais le mouvement n’atteint sa vérité que s’il jaillit réellement du plus profond de l’être. Danser oui, pour danser la Danse, la danse de la dynamique du Monde. Pour danser la Joie. »

Aux origines de la danse d’expression

Les années 50 voient fleurir en France le concept d’expression corporelle. Plusieurs courants viennent composer ce dernier parmi lesquels l’expression corporelle exclusivement scénique (travail de mime avec notamment Etienne Ducroux ou Marcel Marceau) ; l’expression corporelle pédagogique qui concerne essentiellement le milieu scolaire ; l’expression corporelle de type psychanalytique qui conduit à des démarches de thérapies. Et enfin un quatrième courant de type métaphysique, dans lequel Françoise Chantraine s’ancre[7].

Pionnière de l’expression corporelle en Europe, Françoise Chantraine en parle dès le début de son œuvre (1955). Pour Françoise Chantraine, l’expression corporelle serait une façon de se relier au « substrat » de la danse c’est-à-dire à ce qui existerait de manière universelle en chacun de nous mais aussi à ce qui existerait en amont, avant toute séparation ou spécialisation des multiples formes de danse.

En 1986, Alain et Françoise baptisent officiellement leur œuvre « la danse d’expression Alain et Françoise Chantraine »[8]. La Danse Chantraine est dite d’expression “où le regard est un geste, où le danseur s’implique avec son être tout entier, corps, esprit, émotion. Le geste du danseur est respiré, il est habité de l’intérieur”[9].

L’année suivante marque la création de “l’Ensemble Chorégraphique”, formé de danseurs professionnels et semi-professionnels au service du rayonnement de l'œuvre Chantraine. “L’Ensemble Chorégraphique” se distingue ainsi de “la Compagnie Chantraine”, qui comprend l’ensemble des élèves Chantraine, tel un petit chœur par rapport à un grand chœur.

Reconnaissance nationale et internationale

Dès 1977, le Ministère de la Culture (ex Ministère des Affaires Culturelles) reconnaît officiellement l’importance de la méthode Chantraine tant sur le plan physiologique que psychologique. Plusieurs représentants du corps médical valident ainsi officiellement la méthode Chantraine[10].

Outre ses activités au sein de son école, Françoise Chantraine a transmis le fruit de son expérience auprès de différents acteurs en France et à l’International (plus de 600 stages, conférences, récitals dans plusieurs pays). Elle devient ainsi formatrice pour différents ministères et établissements privés :

  • En France notamment, elle a été demandée par le Ministère de la Culture, par le biais de Léone Mail, alors inspectrice à la Direction Nationale de la Musique et de la Danse, afin de former les professeurs de danse des conservatoires nationaux durant sept stages consécutifs (de 1980 à 1982).
  • L’Éducation Nationale l’a engagée dans plusieurs régions, universités, IUT, rectorat de Paris, AGIEM (plusieurs départements).
  • La Jeunesse et Sports fait également appel à elle, notamment à Orléans-Tours, ainsi que plusieurs centres de formation pédagogique, CPTR et organisations rurales.

Françoise Chantraine est aussi partie en mission pour intégrer la danse dans les programmes scolaires, invitée par le Ministère de l'Éducation du Québec en 1967. En 1972, représentant la France, elle participe au Colloque de Montréal et dirige de nombreux stages à l’Université de Montréal et l’Université de Rimouski.

En 1989, elle a été appelée à faire partie de la Commission Nationale Artistique et Technique de la Fédération française de danse. Elle a fait partie des 14 personnalités reçues en audition au Sénat puis à l’Assemblée Nationale par les Commissions des Affaires Culturelles et a rédigé des dossiers à leur demande à propos de l’élaboration du projet de loi sur la danse (votée le 10 juillet 1989).

L’École de danse est aujourd’hui présente en France[11](depuis 1958), Belgique (depuis 1965) et au Royaume-Uni (depuis 1976).

Langage chorégraphique de Françoise Chantraine

Style

Si Françoise Chantraine réfute une quelconque filiation esthétique[12], “les connaisseurs reconnaîtront toutefois une danse moderne informée de la rythmique corporelle de d'Emile Jaques-Dalcroze comme du “mouvement naturel” de François Malkovsky. Des apports émancipateurs contrebalancés par une foi dans la discipline et le placement juste, ainsi que le lyrisme d’expression.”[13]

Prônant l'expérience sensorielle du mouvement, la pesanteur, la respiration, l'élan ou encore la tension-détente, Françoise Chantraine fait partie de ces "figures de la vie chorégraphique française qui poursuivent la filiation de la danse moderne des Isadora Duncan, Mary Wigman ou encore Martha Graham[14].

Par le retour au mouvement naturel, Françoise Chantraine cherche à “libérer le corps, dans une vision globale de la personne, corps, coeur et esprit. Elle revendique l’héritage d’Isadora Duncan, la célèbre danseuse aux pieds nus.”[15]

Elle aime travailler à partir de l’anatomie de chacun, dans le respect des possibilités du corps. Son œuvre est notamment marquée par une gestuelle symbolique, à travers une technique habitée. Elle refuse la technique vue uniquement comme une performance acrobatique. Pour Françoise Chantraine, la technique en danse ne peut “rayonner à travers des membres assouplis et fortifiés que parce qu’elle est habitée par l’âme du mouvement relié aux éléments de l’univers : air, terre, eau, feu, bois, métal."[16]

Scénographie

Un autre aspect central du travail de Françoise Chantraine réside dans une recherche de la sobriété absolue. Le décor est systématiquement dépouillé. Les tenues, volontairement simples, cherchent à valoriser le mouvement pur. Les jeux d’éclairage agissent alors comme une mise en valeur des palettes de couleur que représentent les danseurs.

Œuvres

Les ballets, composés à partir des chorégraphies du répertoire, mettent en évidence de grands thèmes récurrents : hommage à la vie sous toutes ses formes, l’espérance, la joie... Chacun de ses ballets témoigne d’une profonde ouverture à l’autre. Pour Françoise Chantraine, il est essentiel qu’il soient porteurs de sens.

  • 1984-1985 - 25 ans de créations - Salle Pleyel (Paris)
  • 1986-1988 - Voyages et création - Palais des Congrès de Versailles, Théâtre d’Orléans et Eglise St Jean de Grenoble
  • 1988-1993 - Odes, Un et si multiple - Festival “L’Art et l' me" à Strasbourg, Théâtre du Bon Conseil à Paris et Queen Elisabeth Hall à Londres
  • 1992 - Feu et Lumière - Festival de musique et d’art sacré Agapé à Genève
  • 1994-1995 - Danser la Joie à travers Bonheurs et épreuves - Grand Théâtre de Neuilly
  • 1996-1997 - Appel à la Vie - Grand Théâtre de Neuilly, Auditorium St Germain Paris 6ème
  • 1998 - Call to Life - Logan Hall à Londres
  • 1999 - Chant de la terre, chant du ciel - Grand Théâtre de Neuilly
  • 2002 - A travers Océans et Montagne - UNESCO
  • 2003 – Silver Jubilee - 25 ans de Chantrains School of Dance - Shaw Theatre à Londres
  • 2004 - La Traversée des Origines - Espace Quartier Latin Paris V
  • 2005 - 1er Jubilé d’or - Cirque d’Hiver de Bouglione
  • 2006 - Pierres et Lumière - St Séverin à Paris
  • 2007 – Routes et Chemins - Paris
  • 2008 - Spirals of Shadow And Light - Saint Luke Orchestra à Londres
  • 2010-2011 - Entre Ciel et Terre - Théâtre du Châtelet à Paris et Espace Malraux à Joué-lès-Tours[17]
  • 2016 – Un grand voyage – Ambassade de Russie à Paris
  • 2017 - Call to the Dance of Life - Lilian Baylis Studio à Londres
  • 2018 - Vers la lumière - Théâtre des Champs-Élysées à Paris[18]

Engagements

Au service d’œuvres humanitaires

Françoise Chantraine organise de nombreux galas organisés au bénéfice d’œuvres humanitaires :

  • Enfants sans frontières à la Salle Pleyel en 1985[10]
  • Association des Paralysés de France en 1986[10]
  • Lutte contre le Cancer à Grenoble en 1988
  • Save the children fund au Queen Elisabeth Hall, Londres 1989

Missions auprès du milieu socio-médical

En France, Françoise Chantraine a été sollicitée en milieu socio-médical par l’Institut National des aveugles (Enseignement de la méthode à l’Institut national des jeunes aveugles pendant un an, en bénévolat), par plusieurs écoles de formation d’infirmières, par l’hôpital Marmottan dans le cadre de la formation des psychiatres, par l’Institut de formation des futurs directeurs de centres sociaux, ainsi que par l’INK (Institut National de Kinésithérapie) pour plusieurs séminaires de requalification.

À la fin des années 1960, Lino Ventura fait appel à elle pour s’occuper de sa fille Linda, porteuse de handicap, à travers la danse.

En 1984, lors des 25 ans l’École salle Pleyel, Françoise Chantraine donne un rôle de soliste à Marie-Hélène, reconnue comme artiste à part entière malgré le regard porté sur la trisomie à l'époque, devant 2 300 personnes[19].

Distinctions et récompenses

Publications

  • La Danse de la vie, paru aux éditions du Cerf (1998)
  • Raconte moi la Danse Chantraine de Pauline Pézerat (2015)[22]
  • The Dance of life, 2020
  • Tell me about Chantraine dance traduction Kate Green (2020)

Notes et références

  1. Parallèle(s) n°12, avril-mai 2010
  2. Médecines Douces, décembre 1986 “La danse d’expression contemporaine”
  3. Revenir plus haut en : 3,0 et 3,1 « Une école de danse intérieure », Mieux Etre, no 15,‎ .
  4. L'aventure de la danse moderne en France (1920-1970) par Jacqueline Robinson éditions Bougé pages 80 et 338
  5. La danse de la vie de Françoise Chantraine, éditions du Cerf, page 13
  6. L'éveil musical de l'enfant par Madeleine Gagnard éditions ESF 1977 page 121
  7. Concept développé par J.Blouin-Le Baron dans La Revue la recherche en danse n°2- 1983 – article « l’expression corporelle aux expressions corporelles » J. Blouin-Le Baron
  8. La Nouvelle République, octobre 2022, Françoise Chantraine figure de la danse d'expression à Tours [1]
  9. Neuilly Journal, septembre 2013, page 16
  10. Revenir plus haut en : 10,0 10,1 et 10,2 Orléans Magazine, juin 1986
  11. Site officiel de l'école de danse Chantraine
  12. revue Autrement n°49-51 - 1983 page 87
  13. Magazine Danser, n° 298, mai 2010
  14. Magazine Danser n°295, février 2010.
  15. Famille Chrétienne n° 1682 du 10 au 16 avril 2010, “Françoise Chantraine, la danse dans l’âme”
  16. La danse de la vie de Françoise Chantraine, éditions du Cerf, pages 37-38
  17. [2] La Nouvelle République, avril 2011, "Françoise Chantraine, ange sur scène"
  18. Le Figaro, juin 2018, "L'école de danse Chantraine s'offre le théâtre des Champs-Elysées pour ses 60 ans"[3]
  19. Nouvelle Cité, juin 1985, page 18 “L’âme au fond du corps”
  20. Neuilly Indépendant 1993 “Françoise Chantraine, le moteur des 5 temps”
  21. Journal officiel du 17 mai 1992 page 6677
  22. Raconte moi la Danse Chantraine de Pauline Pézerat[4]

Article publié sur Wikimonde Plus

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