Représentation d'Allah
La représentation d'Allah est un sujet de controverse, parfois violente, dans le monde musulman : les représentations figuratives, c'est à dire sous forme d'images d'êtres vivants, font l'objet d'une large prohibition au sein des communautés musulmanes. Il en existe cependant, en nombre réduit comparé aux représentations non figuratives, calligraphiques notamment.
Origine dans le Coran
A l'origine, lors de la période pré-islamique de la péninsule arabe, le mot « Allah » est déjà utilisé pour désigner des divinités dont une de la Lune[1],[2],[3],[4],[5],[6].
De nombreuses statues et bas-reliefs ont représenté la déesse Allah à cette époque[7] et le croissant de Lune est toujours un symbole de la religion musulmane.
L'interdiction de la représentation d'Allah est une interprétation de deux sourates :
- Dans la sourate 21, versets 50 à 70, le principal protagoniste mis en scène est Abraham. Dans ce passage du Coran, les statues représentant des divinités sont détruites sauf la plus grande[8].
- Dans la sourate « Les bestiaux», le verset 103 a également inspiré l'idée d'une interdiction de représentation d'Allah : « Les regards ne peuvent l'atteindre, cependant qu'il saisit tous les regards. Et II est le Doux, le parfaitement Connaisseur[9] ».
Historique
Depuis une loi temporelle de 721, deux règles semblent largement respectées : ne pas dessiner dans les mosquées et ne pas illustrer le Coran, afin d'éviter l'idolâtrie et ne pas distraire les fidèles de la prière. C'est l'une des quatre grandes écoles sunnites, l'école Chaféïte, et non le Coran, qui a consacré une interdiction de représentation de Mahomet et d'Allah[10].
L'un des premiers textes, daté de l'an 999 de l'ère chrétienne, et dont l'auteur est Abu Ali'l-Fârisî, célèbre linguiste de l'époque, précise que seule la représentation d'Allah est interdite par le Prophète[11] et non la représentation du prophète, des animaux, des humains, etc., contrairement à ce qui peut se dire par ailleurs[12].
Les mutazilistes, première école de Kalâm étaient appelés « les rationalistes de l'Islam ». Ils prônaient l'usage du raisonnement (héritage grec) pour défendre l'islam contre les différentes croyances et idéologies de l'époque. Manichéens, les mutazilistes voulaient purifier le monothéisme islamique et excluaient toutes les représentations d'Allah qui, selon eux, le réduisaient à la catégorie de créature[13].
Justifications théoriques
Mahomet, craignant de voir ses compatriotes retomber dans l'adoration des idoles, aurait formellement interdit toute représentation d'Allah[14].
Hegel, dans ses Leçons sur la philosophie de l'histoire, mentionne que « L'objet du mahométisme n'est qu'intellectuel, on ne tolère aucune image, aucune représentation d'Allah[15] ».
Pour Ibn Soulayman al-Atharî, la description varie selon les courants religieux. La représentation d'Allah adoptée par les traditionalistes, fondée uniquement sur la Tradition ; se situe entre celle des anthropomorphistes et celle des négateurs de toute description du créationnisme[16].
Prohiber toute représentation d'Allah était à la base un souhait pour mettre en exergue une distinction avec les croyants qui « adorent une image », dans la mesure ou en Islam, il est « impossible de retrouver dans une image l'étendue des qualités divines[17] ».
Conséquences culturelles
Les interprétations du Coran prohibant les représentations d'Allah, et des différentes créatures telles que les animaux parmi lesquels les humains, seuls des « éléments décoratifs » apparaissent comme des « motifs géométriques » pour l'art, l'écriture ou l'épigraphie. L'« arabesque » est le fruit de ce phénomène[18].
Pour André Gaillard, il s'agit d'un monothéisme radical qui donne pour effet une religion plus abstraite avec pour conséquence aucune représentation d'Allah dans les mosquées[19], aucune représentation non-plus de Mahomet ou de « personnages religieux illustres ». Un art abstrait bannissant toute iconographie et toute représentation. Ainsi, selon Jean Boisson, « il n'y a donc pas d'art sacré musulman[20] ».
Représentations d'Allah existantes

Le nom « Allah » est proche de celui d'une idole de La Mecque appelée Hobel, mot signifiant « c'est Baal » ; « Baal » désigne lui-même une divinité cananéenne citée dans le Coran dont le nom se traduit en hébreu par : « le maître »[réf. souhaitée]. La représentation d'Allah était placée dans la Kaaba à côté d'autres divinités telles Allât, Al Ouzza et Manaat. Selon Al Kalbi, La tribu de Mahomet était très attachée à ces trois idoles, à la base mais pas le prophète, qui ne permettra que « son » Allah soit représenté[21].
Représentation d'Allah en calligraphie
La représentation d'Allah en calligraphie est la plus fréquente et ne soulève pas de polémique.
Représentation d'Allah en statue
Tamerlan lui même, a détourné plus tard ce dogme en utilisant des « miniatures » qui déforment les caractéristiques physiques des personnages, pour tenter de rester conforme à l'interdiction de la représentation d'Allah, de l'homme, et des animaux par le Coran[22].
Quoi qu'il en soit, ces miniatures ne vont pas à l'encontre de l'Islam car Le Coran n'a en fait jamais prohibé la représentation d'Allah sous la forme d'une statue[23]. La destruction des statues des dieux des autres religions est plutôt un châtiment réservé aux ennemis[24].
Par ailleurs, à partir du XIXe siècle, à La Réunion, on peut voir des statues d'Allah associés à Nargoulan dans des temples tamouls [25]
Il existe d'autres représentations connues d'Allah ; par exemple : au Viet-Nam, Pô Uval Vah représenterait Allah transformé en divinité chàm[26].
Représentation d'Allah au cinéma
Afin de poursuivre les libres penseurs, Ennahda parti alors majoritaire en Tunisie avant 2015, avait demandé un texte à l'Assemblée Nationale en 2012 qui dispose que seront punies : « l'injure, la profanation, la dérision et la représentation d'Allah et de Mahomet[27] ».
La chaîne privée Nessma TV a diffusé sur sa chaîne, en octobre 2011, le film d'animation franco-iranien de Marjane Satrapi, Persepolis, doublé en dialecte tunisien. Nabil Karoui, le directeur, a donc été jugé pour « atteinte aux valeurs du sacré ». La justice tunisienne l'a condamné à une amende de 2 400 dinars (1 200 euros) pour avoir diffusé le dessin animé[28]. Ce directeur de chaîne télévisée a été condamné parce que dans Persepolis figure une représentation d'Allah, considérée comme un blasphème dans le monde musulman et passible de la peine de mort dans certains États dont l'Iran[29],[30]. En marge de cette condamnation, des dizaines d'intégristes ont tenté de brûler le siège de la chaîne et de s'en prendre au domicile privé de Nabil Karoui[31].
Notes et références
- ↑ World Transformation: A Guide to Personal Growth and Consciousness, Jawara D. King
- ↑ The Serpent The Eagle The Lion & The Disk, Brannon Parker
- ↑ Google Books Revival in the Land: Are You Ready for It?, Tilly Steward
- ↑ Google Books Moorish Circle 7, Keith Moore
- ↑ Rivers of Life, J.G. R. Forlong
- ↑ The Evil Eye: A Casebook, Alan Dundes
- ↑ Photographies des représentations pré-islamiques d'Allah
- ↑ coran-en-ligne.com
- ↑ Dialogue entre un Musulman et un Chrétien
- ↑ Un article retraçant une historique très particulière dans le journal de l'Humanité.
- ↑ De la promotion de la forme humaine et animale dans l'art islamique, Bishr Farès, in Cahiers d'art, Volume 27,Numéro 2, Editions "Cahiers d'art", 1952
- ↑ Mélanges de l'Université Saint-Joseph, Volume 31, Imprimerie Catholique., 1954
- ↑ L'Islam et les musulmans Par Jean-René Milot
- ↑ Le Peuple d'Allah par Paul Fauvelle
- ↑ L'âme musulmane Raymond Charles
- ↑ La description d'Allah chez les traditionalistes musulmans, Ibn Soulayman al-Atharî., présentation de l'ouvrage sur Culture Lang
- ↑ Driss Chraïbi, de l'impuissance de l'enfance à la revanche par l'écriture, Anne-Marie Gans-Guinoune
- ↑ Le grand livre de l'histoire des civilisations Par Eliane Lopez
- ↑ Les Mythes du Christianisme, André Gaillard
- ↑ Essai sur le problème algérien, par Jean Boisson
- ↑ Histoire des coptes d'Égypte, par Magdi Sami Zaki
- ↑ Le grand festin de l'Orient par Olivier WEBER
- ↑ Le Coran, la Bible et l'Orient ancien, Mondher Sfar
- ↑ Mondher Sfar, Le Coran, la Bible et l'Orient ancien
- ↑ Gilles Gérard, Mariaz la Paz Badinaz ou Le choix du conjoint en société créole
- ↑ Xavier Guillaume, La Terre du Dragon
- ↑ Ma République se meurt, Jeannette Bougrab
- ↑ Un article du journal Le Monde le 20.04.2012
- ↑ Un article de l'Humanité du Jeudi 3 mai 2012
- ↑ Représentation d'Allah dans un extrait de Persepolis
- ↑ Frida Dahmani, Constituante tunisienne : comment composer avec l'islam politique ?, 22 octobre 2011
Voir aussi
Articles connexes
- Représentation figurée dans les arts de l'Islam
- Représentation de Mahomet
- Représentation de Dieu
- Caricatures de Mahomet & Caricatures de Mahomet du journal Jyllands-Posten
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