Théorie du stock froid

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La théorie du stock froid est une théorie économique créée par François Ducrocq, docteur en économie du développement, chercheur, chef d'entreprise à Vernouillet (Eure-et-Loir)[1]. Cette théorie est exposée dans son livre du même titre paru en 2015[2]. Elle met en évidence dans la croissance économique la place des stocks de produits alimentaires frais.

Avant cette théorie, le stock était compris comme un résidu dans la théorie économique alors que l’absence de capacité de stockage alimentaire aboutit au chiffre dramatique de 30 à 70% de gaspillage. Pour les pays en développement les composantes classiques d’une fonction de production sont donc insuffisamment explicatives de l’état de l’économie et donc de la croissance[3]. L’intérêt de cette théorie est qu’elle présente une succession de raisonnements à partir de l’intégration du gaspillage alimentaire versus son stockage pour aboutir à des perspectives nouvelles et majeures dans le développement économiques des pays les plus pauvres. Cette théorie innove particulièrement dans la mesure où elle donne toute leur place aux économies en développement. La plupart du temps il s’agit d’économies non-monétaires de production agricole, mais pour lesquels les analyses de la fonction de production de type F(K,L) ont toute leur place. Ainsi les fonctions de productions classiques: Y = wL + rK Où Y est la production qui est issue du travail L rémunéré w et du capital K rémunéré r deviennent : Y = wL + rK + Ab +St (a) Equation dans laquelle sont pris en compte et ajouté : les stocks St et la production abandonnée Ab L’idée à travers cette équation de faire prendre en compte l’importance tout d’abord du gaspillage, puis du stockage. Actuellement le constat des pertes agricoles gigantesques pourrait être : Y = wl +rk + Ab (b) Cette équation (b) met en valeur l’idée que l’abandon de certaines récoltes (le gaspillage) est un élément sur lequel il faut s’interroger dans la théorie du producteur, dès lors qu’elle peut représenter 50% du produit final. Quant à l’équation (a) elle valorise l’idée que les cultures abandonnées peuvent basculer vers un stockage adéquat qui peut représenter la moitié du produit Y.

Les avancées de la théorie du stock froid À partir de l’analyse de l’élément de stockage, la théorie du stock froid permet de démontrer qu’un stockage adéquat des produits frais peut changer complètement la donne dans développement pour les économies les moins avancées et créer un choc économique La fonction de production ainsi représentée fait immédiatement apparaître une faille dans le raisonnement uniquement centré sur le capital K et le travail L. Pendant des décennies, les économistes ont disserté sur cette fonction de production et ont abouti à des théories très diverses[4] sur ce que l’on pourrait appeler l’ensemble de l’échiquier des économistes, depuis les plus libéraux jusqu’aux plus étatistes. Mais comment pourrait-on se contenter de cette lecture qui n’a jamais pris en compte jusqu’à la moitié de la production ? La réponse est fournie par la prise en compte d’un facteur de production différent des deux autres et qui assure la combinaison productive de L et K. Il s’agit de l’entrepreneur V

La place de l’entrepreneur

Dans la théorie du stock froid, l'entrepreneur est le troisième facteur de production, indispensable à la réalisation d’un produit : un capitaliste qui investit dans des machines est incapable de faire tourner l’économie, un travailleur qui n’apporte que ses bras pour accomplir une tâche n’est pas non plus capable seul de fournir des produits. En mettant capitalistes et travailleurs ensemble, le résultat n’est pas meilleur puisque personne n’organise quoi que ce soit. Il faut un troisième élément dans la production pour aboutir à un résultat, c’est celui qui assure la combinaison productive, c’est-à-dire celui qui organise la production : un entrepreneur sans salarié est incapable d’organiser quoi que ce soit, un entrepreneur sans capitaux ne produit rien, mais dès qu’il réunit forces de travail et capitaux, il peut assumer pleinement sa fonction. C’est la raison pour laquelle les trois facteurs de production : capital, travail, combinaison productive sont indissociablement liés. Ainsi 1.25 milliards de petits paysans sur la planète peuvent trouver leur place dans la fonction de production et les centaines de milliers de chefs d’entreprise ne sont plus accessoirement positionnés du côté des capitalistes dont la seule fonction est d’apporter un capital. Bien évidemment existe une large porosité entre ces différents facteurs et au niveau le plus élémentaire de la production, le chef d’entreprise est tout à la fois la seule main d’œuvre et il fournit également l’outillage qu’il va produire lui-même au besoin. Cette distinction entre trois facteurs de production dans la théorie du stock froid n’est pas anodine car elle sous-tend l’ensemble de l’organisation sociale d’un Etat.

La place de l’État

La théorie du stock froid attribue à l’État sur le plan économique une place de premier plan non pas pour assurer la régulation entre les différents facteurs de production, mais pour initier les chocs positifs dont l’économie a besoin. La théorie repose en effet sur l’apparition à intervalle régulier de chocs d’innovation qui vont permettre aux chefs d’entreprise de changer, par à coup, de niveau leur courbe de production. L’État peut intervenir à deux niveaux. D’une part, en cas de défaillance de la structure sociale, l’État peut injecter les premiers fonds disponibles pour permettre le démarrage d’une activité. Il s’agit alors de suppléer par exemple la structure familiale qui ne peut doter un jeune de terres ou de moyens de production. D’autre part, l’État peut injecter des fonds disponibles pour développer des activités nouvelles.

C’est ce que font en particulier les États-Unis à travers leur politique de soutien à l’innovation. C’est le pays du monde qui soutient financièrement le plus la création d’entreprises innovantes.

Théorie du choc

Dans la théorie du stock froid, le paysan pauvre ne peut jamais se sortir seul de ses difficultés, il a nécessairement besoin de la collectivité. En fait sa vie se résume à une série de chocs négatifs et les maigres ressources qui lui permettraient de s’en sortir progressivement sont absorbées dans quatre ou cinq chocs négatifs qu’il va subir dans le courant de sa vie : guerre, épizootie, invasions d’insectes, sécheresses, etc. Ces différents aléas le condamnent à repartir régulièrement quasiment de zéro. A l’inverse, le rôle de l’Etat va être de lui apporter les innovations nécessaires pour lui permettre de bénéficier cette fois de chocs positifs d’innovation et de changer ainsi de trajectoire.

Sur le plan mathématique, la théorie du stock froid et des chocs trouve son point d’ancrage dans les dérivées d’ordre trois :

  • Le vecteur position donne la place à l’instant t d’un petit producteur avec un niveau de production donné.
  • La dérivée d’ordre un donne sa croissance
  • La dérivée d’ordre deux illustre la croissance ou la décroissance de son activité
  • La dérivée d’ordre trois montre l’impact d’un à-coup sur sa place dans la société de production.

En physique, dans le domaine de la cinétique, on retrouve ces principes de vitesse, d’accélération et d’à-coups appelés parfois jerk.

Avec les chocs d’innovation, la théorie du stock froid redonne une place à la théorie de la croissance exogène de l’économiste Robert Solow. Elle donne aussi un nouvel éclairage du multiplicateur d’investissement développé par Keynes à travers un « choc » d’investissement productif apporté par l’Etat ou les collectivités. L’accumulation primitive du capital comme choc économique Le choc positif s’analyse aussi à travers le principe marxiste d’accumulation primitive du capital Par référence au métabolisme en biologie, le choc d’une injection de capitaux va provoquer dans un premier temps des réactions endergoniques avant de provoquer des réactions exergoniques comme la glycolyse qui transforme le glucose en pyruvate. L’entrepreneur consomme d’abord le capital qui lui est alloué, puis une fois que son expérience, la capacité financière que lui donne le premier capital ou encore que le temps font leur effet, il devient alors « rentable » et donne des résultats. Pour rester sur l’analogie avec le métabolisme : des réactions successive nombreuses sont nécessaires avant d’aboutir à un résultat. C’est ainsi que la glycolyse commence par cinq transformations chimiques successives consommatrices d’énergie - endergoniques - avant de générer dans les cinq étapes chimiques suivantes de l’énergie – réaction exergonique. S’il y a une quelconque similitude entre la biologie et l’économie, alors on peut imaginer que toute activité humaine commence par absorber des capitaux par étapes successives comparables aux étapes du capital risque, capital d’amorçage, etc.) pour ensuite fournir des richesses et générer à son tour du capital.

L’auteur de la théorie du stock froid

L’auteur de cette théorie, François Ducrocq, docteur en économie, est chef d’entreprise en France ; il est à l’origine de multiples brevets sur les gels réfrigérants et le stockage de produits frais. Il a obtenu en 2010 le prix INPI de l’Innovation pour l’Ile de France. Il s’intéresse de près au développement des pays les plus pauvres et apporte un éclairage nouveau en économie du développement.

Une vision nouvelle de la pauvreté et de la croissance

Dans une partie critique de son analyse, François Ducrocq remet en causes des préceptes courants sur le développement économiques, préceptes qu’il juge inopérants. Il se montre ainsi particulièrement critique au sujet de deux économistes français en vue sur la thématique du développement :

  • Esther Duflo, qui avec Abhijit Banerjee (en), a élaboré un schéma de trappe à pauvreté[5]. François Ducrocq considère que cette approche est une impasse car si l’on peut être à peu près d’accord pour considérer qu’à partir d’un certain seuil il est impossible de remonter seul la pente, la notion de trappe à pauvreté n’apporte aucun éclairage sur les mécanismes efficients qui permettent à un individu de remonter la pente.
  • Thomas Piketty, notamment pour son livre Le Capital au XXIe siècle[6], fait aussi l’objet de vives critiques de la part de François Ducrocq. Selon lui, Piketty reste accroché à de vieilles théories du capital contre le travail et la séparation de la population en deux classes. C’est un axe central de la théorie du stock froid que d’accorder une place prioritaire au chef d’entreprise qui assure la combinaison productive du capital et du travail, et qui[Qui ?] dès lors donne un éclairage complètement différent de l’organisation sociale nécessaire pour éviter à la fois les crises financières et les révolutions sociales.

L’apport de la théorie du stock froid revêt différents aspects

  • redonne aux stocks alimentaires toute leur place dans la croissance économique à contrecourant de l’idée qu’il faut minimiser les stocks dans l’entreprise ;
  • donne une place primordiale dans le choc économique primitif pour fournir une accumulation primitive du capital ;
  • attribue une place essentielle au choc exogène d’innovation ;
  • accorde une place essentielle à l’autonomie du petit producteur dont elle démontre la nécessité historique de le rendre autonome sur le plan énergétique et de l’aider à accumuler des stocks de produits frais ;
  • crée un nouveau facteur de production : l’entrepreneur qui gère la combinaison productive ;
  • critique la pensée dominante dans l’analyse des développements du tiers monde par le biais d’aides financières indifférenciées ;
  • critique la pensée marxiste sur l’opposition capital travail.

Notes et références

  1. François Ducrocq, entrepreneur à Vernouillet, a une théorie pour aider les pays pauvres en Afrique, l'EchoRépublicain.fr, 23 avril 2015.
  2. Ducrocq, F., Théorie du stock froid, 2. Paris, Ed. L’Harmattan 2015.
  3. FAO (2002). Pertes après récolte : un concept mal défini ou mal utilisé. Chap. 4 – aspects économiques des pertes après récolte.
  4. Perkins, D. H., S. Radelet, et al., Economie du développement, Bruxelles, De Boeck, 2008.
  5. Banerjee, A. et E. Duflo, Repenser la pauvreté, Paris, Seuil, 2012.
  6. Piketty, T., Le Capital au XXIe siècle. Paris, Le Seuil, 2013.

Article publié sur Wikimonde Plus

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