Transkraïna
Transkraïna est un web-documentaire sur les nouvelles frontières de pays issus de l'Union soviétique[1],[2].
Il a été réalisé en 2012 et 2013 par Alexandre Billette, journaliste indépendant, et Hervé Dez photographe. Il a été diffusé à partir de février 2014 sur les sites du journal Le Monde et du journal Le Soir. Transkraïna a reçu le Prix Philippe Chaffanjon du reportage multimédia français en 2015[3],[4],[5].
Il a été produit par les 3lignes[6] et soutenu par le Centre national du cinéma.
Le projet
L’éclatement de l’URSS a produit de milliers de kilomètres de nouvelles frontières ainsi que sept conflits intérieurs aux nouvelles entités. Devant cette immensité, cinq zones ont été choisies pour une compréhension des différents problèmes qui surviennent avec la constitution d’une frontière : La séparation de communauté, la contrebande, deux systèmes administratifs pour une seule ville, la perte du pays natal, l’enclavement[7].
Esthétique des frontières
Si une frontière est bien visible sur une carte, dans les faits, elle est souvent inexistante. La notion de zone intermédiaire et les traces d’un passé commun dans les éléments du paysage quotidien sont les éléments visuels qui permettent dans ce web-documentaire la perception esthétique des frontières.
Scénario
Frontière entre la Biélorussie et la Lituanie : Une frontière dans mon jardin
C'est une région qui a souvent changé de mains, mais jamais une frontière n'avait traversé les champs et les villages des environs de Salcininkai. Après la Seconde guerre mondiale et l'annexion des Pays baltes par l'Union soviétique, il y avait bien une frontière interne, séparant les différentes républiques soviétiques socialistes, mais leur fonction était essentiellement politique. Les habitants ne portaient aucune attention aux panneaux qui indiquaient le passage d'une république à l'autre... Un peu comme entre deux départements français. Depuis 1991, pour la première fois, une véritable frontière divise les familles et les villages. Une longue clôture métallique, dont l'installation a été financée par l'Union européenne, marque désormais la fin de la zone Schengen et la séparation entre deux États indépendants, la Lituanie et la Biélorussie.
Frontière entre la Moldavie et la Transnistrie : Fragment d'empire
À une heure de route au nord-est de Chisinau, la région de Dubasari a été particulièrement touchée par le conflit transnistrien. Cette ville est un bourg industriel important, un barrage hydroélectrique stratégique s'y trouve et la population y est davantage mixte qu'ailleurs. Ici, on y parlait roumain, russe et ukrainien tandis qu'à Tiraspol, la « capitale » de la petite république autoproclamée, le russe dominait nettement. L'intensité des combats en 1992 explique peut-être pourquoi ici, la frontière est plus capricieuse qu'ailleurs. Dans les environs de Dubasari, les forces moldaves sont parvenues à garder le contrôle sur quelques villages de l'autre côté du Dniestr, qui se retrouvent aujourd'hui quasiment enclavés dans le territoire transnistrien.A l'entrée du pont de béton massif qui enjambe le Dniestr, après le village de Vadul lui Voda, des « casques bleus » russes montent la garde nonchalamment depuis vingt ans, en vertu de l'accord conclu par les deux belligérants à la fin du conflit. De l'autre côté du fleuve, neuf villages sont toujours sous administration moldave, un état de fait toléré par les autorités séparatistes.
Frontière entre la Russie et l'Ukraine : Une rue pour 2 pays
C'est une ville qui faisait partie de la Russie, tandis que la campagne, à l'Ouest, marquait le début de l'Ukraine. Mais à l'époque soviétique, faute de fleuve ou d'obstacle physique pour marquer la frontière administrative entre les deux républiques – Russie et Ukraine – on a eu la bonne idée d'utiliser le chemin de fer. À l'est, ce sera la Russie, et à l'ouest, l'Ukraine. Or, il se trouve que ce chemin de fer passe au beau milieu de la ville ! Depuis vingt ans, les habitants doivent donc apprendre à vivre avec une frontière qui sépare la ville en deux : Tchertkovo la Russe et Melovoe l'Ukrainienne. Un petit pont piéton permet de franchir le chemin de fer, des gardes-frontières contrôlent les passages, et un peu plus loin, un poste-frontière pour voitures permet aux habitants des « deux » villes – mais seulement eux – de franchir la ligne fatidique. Ce qui n'empêche pas les riverains de traverser allègrement et n'importe comment la frontière, de façon légale... ou pas !
Frontière entre le Haut-Karabakh et l'Azerbaïdjan : La ligne de front
C'est le plus vieux conflit «gelé» de l'ex-Union soviétique, et rien n'indique qu'il sera réglé de sitôt. Au cœur du litige entre l'Arménie chrétienne et l'Azerbaïdjan musulman: le territoire du Karabakh, autrefois contrôlé par l'Azerbaïdjan mais majoritairement peuplé d'Arméniens. Aujourd'hui, le Karabakh est constitué en république indépendante mais n'est reconnu par personne, pas même par le «grand frère» arménien, malgré le soutien indéfectible de Erevan, la capitale arménienne.Depuis la fin des combats en 1994, rien n'a vraiment changé sur la ligne de front, toujours surveillée par les deux armées qui se regardent en chien de faïence, et entre lesquelles des accrochages surviennent toujours périodiquement. Les petits villages aux alentours, eux, se vident lentement de leurs forces vives. Faute de débouchés, leurs habitants préfèrent tenter leur chance en Arménie, en Russie ou en Europe. Ironie de l'histoire : ce sont souvent les mêmes qui déjà, on dû quitter l'Azerbaïdjan durant le conflit pour trouver refuge du côté arménien. Pour eux, le chemin de l'expatriation se poursuit.
Frontière entre la Georgie et l'Abkhazie : La Cicatrice
Depuis la guerre entre la Géorgie et l'Abkhazie (1992-1993), et plus encore depuis la reconnaissance de « l'indépendance » de l'Abkhazie par la Russie en 2008, les Mingrèles sont séparés en deux. Ce peuple d'origine géorgienne vit de part et d'autre de la rivière Ingouri, qui fait désormais office de frontière entre la petite république séparatiste d'Abkhazie, soutenue par Moscou qui y maintient des gardes-frontières et des soldats, et la Géorgie, qui revendique toujours sa souveraineté sur ce territoire. Alors qu'il était autrefois facile de traverser le pont qui enjambe la rivière, quitte à glisser quelques billets dans la poche des soldats abkhazes peu regardants, il est désormais difficile de tromper les officiels russes, qui ont mis en place de véritables postes-frontières le long de la rivière. À Zougdidi, grande ville du côté géorgien, de nombreux réfugiés Mingrèles d'Abkhazie se sont installés et ne rentreront jamais « de l'autre côté ». D'autres, cependant, vivent encore en Abkhazie, surtout dans la ville de Gali, et font des aller-retour pour rendre visite à la famille ou se procurer des biens nettement moins chers du côté géorgien de la « Mingrélie »[8],[9].
Tournage
Le tournage a été réalisé en Lituanie en septembre 2012, en Georgie et en Abkhazie en juillet 2013, en Ukraine, en Russie, dans le Haut-Karabagh, la Moldavie et la Transnistrie en octobre 2013.
Intégration web et scénario interactif
Dans la première version (celle de 4thline), le documentaire se déroule étape par étape de haut en bas, les séries de photographies de chaque étape de la gauche vers la droite.Trois étapes comportent des courts-métrages, (Lituanie-Biélorussie, Ukraine-Russie et Georgie-Abkhazie) et deux étapes (Moldavie-Transnistrie, Haut-Karabagh-Azerbjdian) ne comportent que des sons, des photographies et des textes. Les courts-métrages sont des portraits/témoignages d'habitants de la frontière ou des films sans paroles qui restituent une autre perception de la réalité. Le mixage de sons captés in situ avec des samples constitue le hors champ des textes et des photographies. L’utilisation du noir et blanc en format carré pour les photographies qui représentent les zones intermédiaires que sont les confins crée des écarts de perception et enrichi la réception en laissant aux spectateurs une part d’imagination dans l’accumulation des connaissances qu’offre le documentaire. La narration, contrairement au documentaire classique, ne passe pas par une voix-off. L'hyper-contextualisation des textes que permet le web la rend inutile. Des documents récupérés sur place ainsi que l’utilisation de l’immense réservoir du web complètent la mise à disposition des éléments cognitifs pour les spectateurs.
Équipe
- Réalisation : Alexandre Billette, Hervé Dez
- Production : les 3lignes, Kevin Orr
- Fixage et traduction : Elle, David, Nastia
- Musique : Politburo
- Montage : Mathilde Rolland, Hervé Dez
- Développement web version 4thline : Alaric, Henri
- Développement web version Racontr : Hervé Dez
Sources
- ↑ « Webdocumentaires, œuvres multimédia et interactives »
- ↑ « lien multimedia »
- ↑ « rtl »
- ↑ « Prix Philippe Chaffanjon du reportage multimédia 2015 : découvrez les lauréats », sur francetv info
- ↑ « Prix Philippe Chaffanjon du Reportage Multimedia 2015 »
- ↑ « festival webprogram »
- ↑ « Transkraïna », sur lesoir.be
- ↑ « espace et territoires », sur cafepedagogique.net,
- ↑ « Aux nouvelles frontières de l’ex-URSS : un webdocumentaire », sur http://geoconfluences.ens-lyon.fr,
Liens externes
Bibliographie
- Marc Marti et Raphaël Baroni, « De l’interactivité du récit au récit interactif », Cahiers de narratologie (lire en ligne), 27, 2014
- Marie Vanoost, « De la narratologie cognitive à l’expérimentation en information et communication : comment cerner les effets cognitifs du journalisme narratif ? », Cahiers de narratologie (lire en ligne), 28, 2015
- Samuel Gantier, Laure Bolka-Tabary, « L’expérience immersive du web documentaire : études de cas et pistes de réflexion », Revue de l’école de journalisme de Lille, 2011.
- Bruno Bernard, « Webdocumentaire et ressources numériques applicables à la mise en scène, à la délinéarisation et à l’interactivité », Entrelacs, 12, 2016
Article publié sur Wikimonde Plus
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