La Route d'Altamont

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La Route d’Altamont est la sixième œuvre de Gabrielle Roy, parue en 1966 aux éditions HMH. Elle a été traduite en anglais par Joyce Marshall et publiée chez McClelland & Stewart (Toronto) et Harcourt Brace & World (New York) la même année. L’année suivante, elle est publiée en France aux éditions Flammarion[1].

La Route d’Altamont fait partie du cycle de Rue Deschambault et De quoi t’ennuies-tu, Éveline?. Composé de quatre parties qui correspondent à quatre âges de la vie de Christine, la narratrice, le livre est classé parmi les romans aux éditions Boréal mais s’apparente toutefois à un recueil de nouvelles. À travers quatre récits à la tonalité intimiste, Gabrielle Roy explore le passage du temps, le vieillissement, le souvenir, l’errance et la complexité de la relation mère-fille.

Résumé

Ma grand-mère toute-puissante

Christine, jeune enfant de six ans, passe une partie de l’été chez sa grand-mère qui vit seule dans sa grande maison où elle emmagasine suffisamment de matériaux pour lui confectionner une poupée. L’hiver suivant, la grand-mère dont la santé se détériore se résigne à emménager chez sa fille, la mère de Christine. Réunies sous un même toit, Christine observe le vieillissement et le déclin de Grand-mère qui termine alitée, immobile et muette. L’histoire se termine avant la mort de la grand-mère, éclipsée par la narration.

Le vieillard et l’enfant

Deux ans après la mort de la grand-mère, durant un été particulièrement chaud, Christine fait la connaissance de monsieur Saint-Hilaire, un vieil homme qui vit près de chez elle avec qui elle se lie immédiatement d’amitié. Elle lui rend visite très souvent, et le vieil homme, d'ordinaire solitaire, lui raconte ses souvenirs – Christine apprend plusieurs nouveaux mots et le récit de la beauté du lac Winnipeg l'émerveille. Sa mère autorise monsieur Saint-Hilaire à y emmener Christine pour une journée.

Le déménagement

À défaut de pouvoir déménager elle-même, Christine rêve d'accompagner Florence et son père, déménageur, durant une journée de travail. Elle s'imagine pouvoir ainsi assister à un événement merveilleux. Cependant, témoin du déménagement d’une famille pauvre, Christine se rend compte de ce que peut représenter le déménagement et, par extension, le départ : la perte, le déracinement, la grande tristesse de ne jamais pouvoir rester en un endroit. En rentrant chez elle, elle explique à sa mère qu’elle entretient tout de même un désir profond de partir et de voir le monde, profondément influencée par l'histoire familiale du voyage depuis le Québec jusqu'aux plaines du Manitoba. L’histoire se conclut par une parole de la mère : « Toi aussi tu aurais cette maladie de famille, ce mal du départ. Quelle fatalité ![2] »

La route d’Altamont

En route pour la maison de l’oncle Cléophas avec sa mère, Christine, maintenant dans la vingtaine, se perd et choisit un chemin au hasard. Les deux femmes découvrent accidentellement une chaîne de petites collines non loin du village d’Altamont. Voir les collines apporte une grande joie à la mère de Christine à qui elles rappellent les montagnes de son enfance au Québec, si différentes des vastes plaines du Manitoba. Elles repassent donc par ce chemin chaque fois qu’elles font le trajet vers l’oncle Cléophas. Cependant, le désir grandissant de départ de Christine finit par séparer la mère et la fille : Christine part pour l’Europe, alors que sa mère souhaitait qu’elle demeure avec elle et ne parte jamais. Peu de temps après son départ, la mère de Christine meurt.

Thèmes principaux

Dans le mots de Christine Robinson, La route d’Altamont est un « récit de deuil[3] » : de l'enfance au début de l'âge adulte, Christine voit le deuil et le vit elle-même. Le décès de la grand-mère, entre Ma grand-mère toute-puissante et Le vieillard et l'enfant, est sans doute le premier événement formateur qui marque l'esprit de Christine. Dans Le vieillard et l'enfant, Christine comprend son impuissance face au temps qui passe et se rend compte qu'elle « ne [veut] pas vieillir » ni « voir vieillir autour [d'elle][4] » parce que la mort inévitable l'effraie. Elle comprend qu'elle devra donc éventuellement faire le deuil de toute chose – y compris monsieur Saint-Hilaire qui, lui, est déjà « à la fin[5] ». La mort d'Éveline à la toute fin du dernier récit annonce un dernier deuil, qui sera vécu sans être raconté par Christine.

Le déracinement et l'errance, deux autres thèmes centraux dans La route d'Altamont, peuvent également être interprétés comme des formes de deuil : exemplifié par le déplacement de Grand-mère chez sa fille, le déménagement de la famille Smith et l'histoire familiale de migration entre le Québec et le Manitoba, le départ vers un nouveau lieu entraîne d'abord la résistance, puis la souffrance. Le territoire quitté reste dans le souvenir tel un mort (les « collines perdues[6] » d'Éveline). L'attitude des personnages face à cette réalité les divise en deux catégories, les nomades et les sédentaires, et ce sont les sédentaires[3] – dont sont Éveline et Grand-mère – qui souffrent le plus du déracinement. Pour les nomades, les « rêveurs[7] » comme les appelle Christine, l'errance et le mouvement sont une réponse nécessaire à un désir de voir le monde depuis le « siège du chariot » d'où le monde paraît « neuf, beau et si pur[8] ». Christine appartient évidemment à la catégorie des nomades : elle entreprend un voyage dans chacun des quatre récits, elle se sent appelée par l'Europe lointaine telle que la décrit monsieur Saint-Hilaire et son départ pour ce continent inconnu clôt à la fois le récit et la vie de sa mère, qui meurt peu de temps après « de maladie, mais peut-être un peu aussi de chagrin[9] ».

La route d'Altamont est également l'histoire d'une relation mère-fille. Le vieillissement et le passage du temps agissent directement sur le rapport avec la mère : « À celle qui nous a donné le jour, on donne naissance à notre tour quand, tôt ou tard, nous l'accueillons enfin dans notre moi[10] ». Entre Christine et sa mère, un intermédiaire[11] est nécessaire pour créer un lien. Il s'agit d'abord de la grand-mère, grâce à qui la fille peut observer la mère et inversement, puis de la route d'Altamont qui permet à Éveline de « se retrouver [elle-même][12] » et de révéler un peu de son âme.

Notes et références

  1. La Route d'Altamont, Montréal, Boréal Compact, , 179 p. (ISBN 9-782890-525726) 
  2. La route d'Altamont, p. 121 
  3. Revenir plus haut en : 3,0 et 3,1 Christine Robinson, « La route d'Altamont de Gabrielle Roy, épave de La Saga d'Éveline? », Voix et Images,‎ , p. 135-146
  4. La route d'Altamont, p. 86 
  5. La route d'Altamont, p. 88 
  6. La route d'Altamont, p. 126 
  7. La route d'Altamont, p. 125 
  8. La route d'Altamont, p. 120-121 
  9. La route d'Altamont, p. 167 
  10. La route d'Altamont, p. 149 
  11. Paula Gilbert Lewis, « Trois générations de femmes : le reflet mère-fille dans quelques nouvelles de Gabrielle Roy », Voix et Images,‎ , p. 165-176
  12. La route d'Altamont, p. 135 

Article publié sur Wikimonde Plus

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