Transsexualité chez les Inuits
Chez les Inuits, le transgenrisme est dotée d'un caractère mystique, puisqu'elle est associée au fœtus humain qui détient des facultés paranormales à la naissance (sens surdéveloppés) et aux chamanes qui sont des sorciers guérisseurs. Dans la littérature scientifique, le transgenrisme chez les Inuits a principalement été étudiée par Bernard Saladin-D'Anglure, anthropologue canadien. Une partie de ce travail est critiqué par Jarich Oosten à partir de 1995[1].
Changement de sexe à la naissance
Chez les Inuits, le fœtus est un être humain miniaturisé doué d'intelligence et de volonté, mais encore très vulnérable psychologiquement par sa fragilité, sa susceptibilité et son instabilité. Il partage ces caractéristiques avec les animaux, les esprits, les enfants, les chamanes ainsi que les nains et les géants. On accorde également au bébé naissant des facultés paranormales puisqu'il serait capable de comprendre, voir et sentir ce qu'un simple humain n'est pas capable de percevoir à l'exception des chamans. Si le fœtus est contrarié ou que l'accouchement est trop long, il peut changer de sexe à la naissance. Pour éviter que l'enfant change de sexe, un rituel précis, consistant à toucher ou à regarder longuement le pénis du nouveau-né est effectué :
Lorsqu'un bébé naissait, si c'était un garçon, l'accoucheuse touchait son pénis afin que le bébé ne se transforme pas en fille (...) on pouvait toucher son pénis ou le regarder quelque temps, surtout pendant qu'on nettoyait le bébé (...) il ne fallait pas regarder ailleurs pour qu'il ne change pas de sexe pendant qu'on le nettoyait (...) il suffisait parfois d'un moment d'inattention pour qu'il change de sexe[2].
Ce changement de sexe est documenté tant sous forme de mythe que de témoignages. Le changement peut s'effectuer tant de femme à homme que d'homme à femme.
Transversissement chez les chamanes
Les chamanes Inuits sont des êtres surhumains. Puisqu'ils sont à la frontière de la masculinité et de la féminité ainsi que du naturel et du surnaturel, ils sont sujets à des tabous différents et c'est à eux que l'on adresse afin de régler des conflits, leur vie elle-même étant un conflit perpétuel. Après l'étude de plusieurs témoignages recueillis auprès de chamanes ayant vécu de 1890 à 1930, Bernard Saladin-D'Anglure a déterminé plusieurs facteurs communs en ce qui concerne leurs vies sexuelles et spirituelles. Parmi ces facteurs, il est notoire que tous ces chamanes avaient un ou des esprits du sexe opposé. Ce sont les esprits qui choisissent leur chaman, lié par des émotions à caractère sexuel. Les chamanes sont incités à se travestir selon le sexe de l'esprit qui les guide, c'est-à-dire qu'un homme s'habillera en femme et vice-versa. Marie-Antoinette Czaplicka décrit les vêtements androgynes des chamanes hommes dans son livre « Aboriginal Siberia : A Study in Social Anthropology » :
«Le chaman a deux cercles de fer sur son manteau, représentant la poitrine féminine. Il sépare ses cheveux au centre, comme les femmes et les tressent, les laissant tomber sans attache durant les cérémonies chamanistiques. Dans la vie quotidienne, le chaman porte un manteau de femme, fait de peau de poulain. Lors d'évènements spéciaux, il portera ses propres vêtements.»[3]
L'identité sexuelle mise en contexte dans la société inuit
L'identité sexuelle d'un Inuk est déterminée dès la naissance : qu'il soit un sipiniit ou non. En effet, les parents offrent à leur enfant le nom d'un éponyme décédé, lui transmettant ainsi ses passions, qualités et talents. Ces noms sont transmis sans regard en ce qui a trait au sexe de l'enfant. Les Inuits élèverons donc leurs enfants selon le genre de la personne décédée jusqu'à l'adolescence où ils auront deux choix : se conformer au rôle traditionnel qui convient à leur sexe ou de refuser ce rôle. On travestira également les enfants afin de remplacer ceux qui ont disparu, pour des raisons émotives et par nécessité, puisqu'il y a des tâches à effectuer, comme le décrit Jean Briggs :
«De la même façon, si une famille n'a que des filles, un père peut décider de former comme des chasseurs une ou deux de ses filles, afin qu'elles puissent l'aider et aussi que, si quoi que ce soit survenait, la famille ne se retrouve pas sans pourvoyeur. Là encore, l'aînée des filles tend à être choisie pour ce rôle. De telles filles vont chasser avec leur père depuis leur tendre enfance. Par sécurité, elles apprennent aussi les tâches féminines... l'entraînement masculin qu'elles ont reçu peut se traduire en soi... dans une tendance à être autoritaires envers leurs maris...»[4]
Notes et références
- ↑ http://www.erudit.org/livre/larouchej/2001/livrel4_div7.htm
- ↑ Alasuaq, Davidialuk (1971). Entrevue à Povungnituk [Enregistrement sonore ], Bernard Saladin D'Anglure, Poyungnituk.
- ↑ Czaplicka, Marie Antoinette (1914). Aboriginal Siberia: A study in Social Anthropology, Oxford, The Clarendon Press, p. 247.
- ↑ Briggs, Jean L. (1974). « Eskimo Women : Makers of Men », Many Sisters: Women in Cross-Cultural Perspective, Matthiasson, C.J. (ed.), Free Press, New York,p. 271.
Bibliographie
- Alasuaq, Davidialuk (1971). Entrevue à Povungnituk [Enregistrement sonore ], Bernard Saladin D'Anglure, Poyungnituk.
- Briggs, Jean L. (1974). « Eskimo Women : Makers of Men », Many Sisters: Women in Cross-Cultural Perspective, Matthiasson, C.J. (ed.), Free Press, New York.
- Czaplicka, Marie Antoinette (1914). Aboriginal Siberia: A study in Social Anthropology, Oxford, The Clarendon Press, 436 p.
- Saladin D'Anglure, Bernard (1986). «Du fœtus au chamane : la construction du troisième sexe inuit», Études Inuits, vol. 10, no 1-2, p. 25-113.
- Saladin D'Anglure, Bernard (2006). "Etre et renaître inuit, homme, femme ou chamane". Gallimard. ISBN 2-07-073086-7. Préface de Claude Levis-Strauss
- Bernard Saladin d'Agure 3e_sexe_social_inuit
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