Canon (religion)
Le mot canon, qui vient du grec κανών / kanôn signifiant « règle, modèle », lui même emprunté à l'hébreu qaneh (« roseau, mesure, canne »).
- Matériellement, il désigne un instrument de mesure fait d'un roseau comme la règle du charpentier.
- Philosophiquement, il devient la règle de conduite, la norme, le modèle.
- L'astrologie antique désigne ainsi des listes, des catalogues de tables du mouvement apparent des astres.
Au IIe siècle, le mot passe dans le milieu chrétien et désigne :
- Kanôn tês alêtheias : le canon de la vérité,
- Kanôn tês ekklesias: la règle de l'assemblée, c'est-à-dire les règles de conduite, en fait de gouvernement, propre à chaque église.
- l'ensemble des textes considérés comme sacrés et, d'une façon générale, tout ce qui a trait au culte y compris l'art sacré.
- la liste des livres de la Bible considérés comme authentiques par les communautés croyantes.
- le droit régissant son clergé et ses fidèles.
Toutes les religions envisagent très sérieusement la transmission de leur enseignement ; d'une façon générale, le système de « maître à disciple » a la préférence. Quand les maîtres deviennent nombreux, un système d'autorisation ou d'accréditation se met en place afin de garantir la qualité de l'enseignement et la fidélité à une tradition qui prend de l'importance avec le temps, mais qui chaque fois, est créditée de remonter aux origines.
Personnes
Bouddhisme
Clercs
Dans le bouddhisme japonais Sôtô-shu, l'ordination est définies par des règles précises. Elle doit avoir lieu dans un temple et être donnée par un Osho (maître) ou une Niosho (maîtresse).
Tout cela est consigné dans un registre et sera confirmé avant que l'impétrant puisse lui-même transmettre la moindre ordination. Cette description n'est pas anodine. Par exemple, les disciples de Taisen Deshimaru, qui introduisit en France le bouddhisme Zen, n'ont pas été ordonnés par lui… pour la raison qu'il n'en avait pas reçu le pouvoir. Cependant, quelques-uns d'entre eux ordonnent tandis que d'autres, ayant repris contact avec les autorités japonaises ont été ordonnés dans une autre filiation, mais s'estiment totalement libres vis-à-vis de celle-ci, se réclamant de Deshimaru.
Textes
Le contrôle sur le texte vise à stabiliser:
- le texte,
- son interprétation
- le rapport à la langue[1] et aux images.
Les courants les plus orthodoxes revendiquent l'impossibilité de traduire leurs textes fondamentaux, de prononcer les paroles liturgiques dans une autre langue que celle supposée en vigueur au temps des origines.
Judaïsme
Le Talmud est la Loi orale. Reçue par Moïse puis enseignée verbalement aux sages par d'une chaîne ininterrompue : Les Prophètes, les Sages, les Tanaïm, les Amoraïm, les Gueonim, les Richonim et les Aharonim qui ont su conserver ce trésor dans toute sa pureté, le développer, pour le mettre à la portée de chacun. Elle fut transmise de maître à disciple, jusqu'à Ezra Hasopher qui constitua une assemblée de 120 sages, etc. Ils sont comptés génération par génération... malgré l'anonymat des Sofrim qui permet de raccorder l'histoire avec le mythe.
Voir Talmud
Christianisme
- Les saints des derniers jours se distinguent des chrétiens « bibliques » en incluant dans leur canon le Livre de Mormon, Doctrine et Alliances et la Perle de Grand Prix.
Icônes et orthodoxie
Islam
Si le texte du Coran semble relativement homogène, la discussion canonique est forte sur les versets abrogeants et abrogés. Chacun sait que le calife Uthman détruisit les variantes du Coran, alors nombreuses, et bannit la traduction depuis l'arabe de façon à en conserver la pureté selon sa propre version. Elle devint « canonique » et devint l'étalon pour juger / jauger la foi des musulmans et, partant, un important instrument de contrôle.
Les Hadiths font aussi l'objet d'une transmission contrôlée mais la liste des hadiths authentiques varie selon l'école interprétative. Par exemple, sur un site Internet de tradition hanbalite[2], on privilégie la transmission salfatiste et l'on donne la liste des imams autorisés à valider les hadiths. On insiste sur la « persécution », en cela que sous le calife Hâroun ar-Rachîd (fin du VIIIe siècle), Ibn Hanbal n'eut pas le dessus sur les motazilites, des réformateurs exterminés sous un califat suivant à l'instigation des hanbalistes.
« L'une des spécificités de la communauté musulmane par laquelle elle se différencie des autres religions est la chaîne de transmission (isnad) des textes religieux venant de la tradition prophétique. »
Justement, cette chaîne dépend grandement de l'école de référence[3]. Dans l'ensemble Al Boukhari et ses disciples sont les plus reconnus des imams pour la transmission des hadiths.
En ce qui concerne l'étude historico-critique du Coran, le meilleures recherches sont faites par des non-musulmans pour la bonne raison qu'ils n'encourent pas de sanction. Toutefois, si le Dr Gerd Puin parvient à étudier les microfilms du Manuscrit de Sanaa (une version du Coran plus ancienne que le texte actuel) à Sarrebruck, un autre chercheur allemand publie sous pseudonyme le résultat de ses recherches pour assurer sa sécurité physique : Christoph Luxenberg, a récemment (2003) publié Die Syro-Aramäische Lesart des Koran. Ein Beitrag zur Entschlüsselung der Koransprache (« La lecture syro-araméenne du Coran. Une contribution au décodage de la langue du Coran »), disponible, actuellement, en allemand et en anglais (compte-rendu en anglais dans Hugoye: Journal of Syriac Studies). Enfin Youssef Seddik déclare que toutes les hadiths sont apocryphes.
L'affaire Salman Rushdie a démontré que les imams les plus fanatiques n'hésitaient pas à lancer, vis-à-vis d'un écrivain résident dans un pays occidental, une fatwa autorisant quiconque à l'éliminer physiquement pour le punir du scandale provoqué par son livre Les Versets sataniques. On reconnaît là la même inspiration que celle à l'origine de l'attentat contre un cinéma du Quartier latin de Paris (France) où était projeté dans les années 1980 le film de Martin Scorsese, La Dernière Tentation du Christ, et qui fit un mort.
Conclusion provisoire
Le premier cas de l'usage de la chaîne interpétative consiste à contrer une opposition interne dont on déclare les interprétations fausses en privilégiant une chaîne interprétative sur toutes les autres.
Le deuxième cas consiste à invalider le ministre des autres.
De ce fait, on constate dans toutes les religions l'invocation d'une spécificité due à la qualité et à la cohérence de la transmission au cours d'une chaîne interprétative, quoique cette chaîne puisse dans chaque cas, être remise en cause par la critique radicale. La spécificité autoproclamée ne peut fonctionner que dans un contexte d'analphabétisme religieux concernant les autres religions ; cet analphabétisme est une valeur en hausse dans l'ensemble des religions d'autorité.
Voir aussi
Notes et commentaires
- ↑ « La langue sacrée », le Phrisien Libéré
- ↑ « Brèves biographies des éminents Imams de Hadith », sur le site de la Mosquée Assounnag Annabawiyah, mise à jour du 21 février 2003. ATTENTION, cette version est une version archivée. La page étant piratée depuis 2004, sa version actuelle est un leurre.
- ↑ Voir ce type de débat concernant la chaîne interprétative dans Leila Babès et Tareq Oubrou : Loi d'Allah, loi des hommes. Lelia Babès enseigne à l'Université Catholique de Lille sur le thème « Modernité dans l'islam » ; Tareq Oubrou, membre du Conseil d'Administration de l'UOIF, est l'imam de la mosquée de Bordeaux.
Articles connexes
- Canon (Bible)
- Texte sacré
- Saintes Écritures
- Succession apostolique
- Talmud
- Bouddhisme theravâda
- Sûtra
- Sanskrit
- Liste des rois et dirigeants de Ceylan
- Tangoute
Lire aussi
- Frédéric Lenoir, Le Bouddhisme en France, Fayard, 1999
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