Charlotte Montard

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Charlotte Montard
Charlotte Montard.png
Biographie
Naissance
Décès
Activité

Charlotte Montard, née Charlotte Binet le à Lisieux et décédée le à Créteil[1], est une téléphoniste des PTT engagée à l'Action française, durant l'entre-deux-guerres. Elle imagina et mit en œuvre un canular téléphonique qui permit l'évasion de Léon Daudet de la prison de la Santé.

Biographie

En 1912[2], elle se marie à Eugène Gaston Montard, herboriste, délégué des Camelots du Roi de Neuilly[3].

Téléphoniste au central d'Auteuil dans les PTT, elle surveille les conversations téléphoniques de Louis Malvy, député du Lot et personnalité du Parti radical, en se branchant sur sa ligne[4]. Démasquée, elle est renvoyée et immédiatement embauchée par l'Action française où elle poursuit ses écoutes de plusieurs personnalités politiques[5][source insuffisante]. Elle rapporte minutieusement les conversations à Pierre Lecœur, chef des Camelots du Roi.

L'évasion de Léon Daudet

Du fait d'une plainte d'un chauffeur de taxi pour diffamation dans l'affaire Philippe Daudet, Léon Daudet, cadre de l'Action française, est sommé d'effectuer cinq mois de prison. Il refuse et se barricade avec les Camelots du Roi dans les locaux de l'Action française, rue de Rome, le 10 juin 1927. Après une résistance de trois jours, il est emprisonné à la prison de la Santé le 13 juin 1927 avec Joseph Delest, gérant du journal L'Action française, condamné à deux mois de prison.

Charlotte Montard et son bébé sont arrêtés pour un interrogatoire au sujet de l'évasion de Léon Daudet.
Description d'une étape du canular téléphonique pour libérer Léon Daudet de la prison de la Santé.

Cela fait alors deux ans que l'Action française possède un système d'écoute téléphonique lors de l'incarcération de Daudet, et Charlotte Montard en est à sa tête. Jusqu'alors, ses écoutes, concentrées sur des personnalités religieuses, ne récoltent que des renseignements mineurs. Pendant la détention des deux hommes, Charlotte Montard poursuit ses écoutes et capte le 23 juin une conversation entre Catry, directeur de la Santé, et Cochin, l'administrateur de l'hôpital[6].

Elle y apprend « l'ordre d'élargissement immédiat d'un anarchiste détenu à la Santé ; une décision qui lui est un trait de lumière »[4]. Charlotte Montard fait part à Pierre Lecœur, de son plan d'évasion. Il se résume en un canular téléphonique consistant à saturer toutes les lignes téléphoniques « de la préfecture de police, de la Sûreté générale, des ministères de l'Intérieur et de la Justice avec le concours de Camelots »[4],[6]. En saturant les lignes, Charlotte Montard serait alors à même de contrôler la distribution des appels de la prison de la Santé. Yves Real del Sarte, Pierre Juhel, M. et Mme Martin et quelques autres militants sont mobilisés dans ce plan tenu secret. Le 25 juin 1927, lors de la pause déjeuner, Charlotte Montard appelle le poste du directeur de la Santé, M. Catry[7], en se réclamant comme la standardiste du cabinet du ministre de l'Intérieur. Pierre Lecoeur, doué d'un talent d'imitation, incarne au téléphone le ministre Albert Sarraut et ordonne la libération sans condition de Léon Daudet, Joseph Delest et du communiste Pierre Semard pour faire bonne mesure. André Real del Sarte joue le rôle du secrétaire du ministre lorsque le directeur de la prison, pris d'un doute, demande confirmation. Les trois hommes sont libérés et une équipe de Camelots du Roi se charge d'exfiltrer Léon Daudet et Joseph Delest en Belgique. Le directeur de la prison est suspendu[8],[9].

De son côté, Charlotte Montard est rapidement suspectée par la police qui fait surveiller les bureaux de l'Action française rue de Rome[10] et arrêtée[11] avec son bébé de quatre mois, Philippe Montard[12],[13],[7]. Elle est écrouée à la prison Saint-Lazare puis libérée quelque temps après[8].

Charlotte Montard ne fut pas créditée de cette évasion rocambolesque mais « c'est pourtant bien cette petite bonne femme inconnue qui eut l'idée de cette évasion, en conçut tout le mécanisme, et la réalisa pratiquement seule »[8]. Elle raconte tout le détail de l'évasion dans un récit autobiographique Comment j'ai fait évader Léon Daudet ? publié en 1932[3].

Le stratagème est directement inspiré par un précédent canular téléphonique réalisé le 23 avril 1912 par les Camelots du roi Henri Bourgoin et Norbert Pinochet qui font évader Gabriel de Baleine, un autre militant emprisonné. Ils téléphonent au directeur de la maison centrale de Clairvaux en se faisant passer pour Raymond Poincaré, président du Conseil[14].

Le retrait de l'Action française

Charlotte Montard quitte l'Action française en 1929 et dans la lignée de Louis Dimier et de son ouvrage Vingt ans d'Action française, elle publie Quatre ans d'Action française en 1931[15],[16]. Dans ce livre, elle n'hésite pas à régler ses comptes et livre un portrait à charge de Maurras en le décrivant comme « un vieillard manœuvré par ses hommes, en proie à des colères infantiles, plus navrant que terrible »[17]. Elle accuse l'Action française « d'impuissance, de faiblesse et de connivence maquillée avec le régime républicain »[17].

Publications

  • Une Election royaliste à Touffouville, Paris, Éditions Lori, non daté 
  • Quatre ans à l'Action Française, Paris, Éditions Lori, , 252 p. 
  • Comment j'ai fait évader Léon Daudet ?, Paris, Éditions Lori, , 254 p. [lire en ligne (page consultée le 13/02/2022)] 

Notes et références

  1. « Acte de naissance no 65 (vue 18/98) de Charlotte Binet du registre des naissances de l'année 1889 de la commune de Lisieux »,
  2. « Acte de mariage no 252 (vue 8/20) de Charlotte Binet et Eugène Gaston Montard du registre des mariages de l'année 1912 de Paris » Accès libre (consulté le )
  3. 3,0 et 3,1 Comment j'ai fait évader Léon Daudet, Paris, Editions Lori, , 254 p. [lire en ligne (page consultée le 13/02/2022)] 
  4. 4,0 4,1 et 4,2 Éric Vatré, Léon Daudet, FeniXX réédition numérique, (ISBN 978-2-402-24835-8) [lire en ligne (page consultée le 2022-02-13)] 
  5. Christophe Donner, Ce que faisait ma grand-mère à moitié nue sur le bureau du Général, Grasset, (ISBN 978-2-246-81322-4) [lire en ligne (page consultée le 2023-06-22)] 
  6. 6,0 et 6,1 Georges-André Euloge, Histoire de la police et de la gendarmerie: Des origines à 1940, Plon (réédition numérique FeniXX), (ISBN 978-2-259-23789-5) [lire en ligne (page consultée le 2024-02-11)] 
  7. 7,0 et 7,1 Albert Marty, L'Action française racontée par elle-même, Nouvelles Editions Latines, (ISBN 978-2-7233-0325-5) [lire en ligne (page consultée le 2022-02-13)] 
  8. 8,0 8,1 et 8,2 Franju 1961.
  9. Éric Vatré, Léon Daudet, FeniXX réédition numérique, (ISBN 978-2-402-24835-8) [lire en ligne (page consultée le 2024-02-11)] 
  10. Pierre Péan, Le Mystérieux Docteur Martin: (1895-1969), Fayard, (ISBN 978-2-213-64467-7) [lire en ligne (page consultée le 2023-06-22)] 
  11. « Arrestation de Mme Montard » Accès payant, sur museedelapresse.com, (consulté le )
  12. Action française, « L'Action française », sur Gallica, (consulté le )
  13. Le Journal, [lire en ligne (page consultée le 2022-02-13)] 
  14. « Le jour où un détenu s’est évadé grâce à un canular », sur www.lest-eclair.fr, (consulté le )
  15. Charlotte Montard, Quatre ans à l'Action française: ce que j'ai vu ce que j'ai entendu, Les Éditions Lori, [lire en ligne (page consultée le 2022-02-13)] 
  16. Michel Leymarie, « Dissidents et critiques des années vingt », dans L'Action française : culture, société, politique, Presses universitaires du Septentrion, coll. « Histoire et civilisations », (ISBN 978-2-7574-2123-9, lire en ligne), p. 371–385
  17. 17,0 et 17,1 Julien Cohen, « Esthétique et politique dans la poésie de Charles Maurras » Accès libre (consulté le )

Voir aussi

Bibliographie

Liens externes

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