Jean Collot
Naissance | Navenne (Haute-Saône) |
---|---|
Décès |
(à 22 ans) Béthune (Nord) |
Nationalité |
Française |
Père |
Lucien Charles Auguste Collot (1890-1975) |
Mère |
Marie Jeanne Boisson (1893-1983) |
Fratrie |
Jacques Collot (1923-2003) |
Conjoint |
Germaine Lucie Marie Pelletier (1917-2001) |
Grade militaire |
maréchal-des-logis chef |
---|---|
Conflit |
deuxième guerre mondiale |
Cheveux |
châtain clair |
Yeux |
clairs |
Jean Collot, né le à Navenne (Haute-Saône) et mort pour la France le à Béthune (Nord), est un soldat français.
Biographie
Jeunesse
Ses parents Lucien et Marie Collot, mariés en 1916, ont eu un deuxième fils, Jacques Collot, en 1923. Ils avaient ouvert une épicerie puis un garage Terrot et Shell au boulevard de Besançon à Vesoul. En plus des travaux à l'atelier, Lucien Collot travaillait au dépôt ferroviaire de la Compagnie de l'Est.
Ancien Eclaireur de France, Jean Collot pratiqua de nombreux sports : natation, cyclisme, moto, spéléologie au sein du Spéléo-Club de Vesoul (SCV). Il fut interne à l’École Professionnelle de l’Est (Nancy) mais entra finalement en tant que commis à la Direction Générale des Contributions Indirect (Ministère des Finances).
Carrière militaire
Engagé par devancement d'appel au 11e Régiment de Chasseurs de Vesoul, il est rappelé puis mobilisé en . Grièvement blessé lors de la tentative de percée des lignes allemandes par le Chef d'Escadrons Léonel de Moustier[1] à Verlinghem (Nord) le .
Mort
Il meurt des suites de ses blessures à l'Hôpital militaire Saint-Vaast de Béthune le . Il sera réinhumé dans le caveau familial, au cimetière de Navenne, le .
Vie détaillée
Une enfance à Vesoul
Jean Jules Eugène Collot naît à Navenne le , dans la maison de ses oncles et tantes Paul et Elise Villemin située au 17 avenue de la Victoire.
Ses parents, Lucien Charles Auguste Collot (Vesoul 1890-1975) et Marie-Jeanne Boisson (Montbozon 1893-Vesoul 1983) s’étaient mariés à Montbozon l’année précédente, le . Les deux témoins présents lors de la déclaration à l’État-Civil sont également employés au chemin de fer : Edmond Munier et Gaston Denvier. Son père, employé de la Compagnie de l'Est, travaille au dépôt ferroviaire de Vaivre tandis que sa mère tient l'épicerie-mercerie. Jean est inscrit à l'école municipale du Boulevard.
À l’âge de 5 ans, en 1922, il remporte le troisième prix d’une course de vélos à Vesoul. Le , soit près de six ans après Jean, naît son frère Jacques. Ils passeront leur enfance à Vesoul, au garage familial (cycles et motos Terrot, essence Jupiter puis Shell) ouvert en 1925 au 66, boulevard de Besançon, sur le carrefour.
Il part en vacances à Châtelaillon et visite La Rochelle en . Il fait sa première communion à l’église du Sacré-Cœur de Vesoul le , sous la direction de l’abbé Mamet, curé de la paroisse, et de l’abbé Baverey, vicaire. Parmi les communiants se trouve son ami Roger Poirot, qui servira également au 11e Régiment de Chasseurs. La même année, il participe avec son frère et son cousin germain Guy Couturet au concours des vélos fleuris de Vesoul.
Les Éclaireurs de France
Jean Collot, jeune adolescent, est inscrit aux Éclaireurs de France de Vesoul (sous le no 55542), dans la troupe de Maurice Girardot. Il gravit les degrés de ce jeune mouvement de jeunesse[2]. Novice le , il devient aspirant et second de patrouille le de la même année. Le , il est nommé chef de patrouille. Il a obtenu parallèlement les badges de cycliste, nageur et campeur. Il participe au camp de Fresne-Saint-Mamès en 1931. En août de la même année, il effectue un rallye : « Nous devons être mercredi à Saint-Dié. Nous avons fait hier une étape de 100 km (Zurich à Bâle). Nous campons ce soir à Kaysersberg ».
Sports et dessin
Le , Jean Collot obtient le brevet de nageur décerné par la Fédération Nationale de Sauvetage. Après sa scolarité, il quitte Vesoul pour devenir interne à l’École Professionnelle de l’Est (Nancy) à la rentrée de 1932. Il y reçoit la visite de sa marraine et de sa cousine germaine Renée le . Le , il écrit à ses parents : « …nous sommes allés en promenade au plateau de Malzéville je me suis bien amusé car il y avait grandes manœuvres d’aviation et beaucoup de boue ». À Nancy, Jean perfectionne son don pour le dessin, qui lui vient de famille. Il peint quelques paysages par la suite. Une fois ses études nancéennes achevées, il adhèrera à l’amicale des anciens de l’école, située au 29 de la rue des Jardiniers.
Jean Collot part ensuite en stage en usine à Dijon en . Il apprend à jouer de l’accordéon. Il voyage en France : excursions en Alsace (), Chamonix (), Paris (, et pour y visiter l’Exposition Internationale), Briançon, Saint-Jean-Cap-Ferrat et Aix-les-Bains (randonnée en moto en ), Fontainebleau ().
Il pratique de nombreux sports, tels que le football et l’équitation. Très populaire durant l’entre-deux-guerres, le monde de l’aviation l’intéresse et il se rend régulièrement en famille à l’aérodrome du Sabot à Frotey-les-Vesoul. Le , il est à Paris avec son frère et sa mère et reçoit le baptême de l’air au Bourget. Il obtient le brevet sportif populaire (3e échelon) le (n°0574137). Les épreuves se déroulent à Vesoul, et l’insigne lui est remis le suivant. Il est assez bon skieur (Ballon d’Alsace 1937 et 1938) et pratique la spéléologie (il explorera notamment le gouffre des Granges Mathieu en 1939). La moto est une passion qu’il partage avec la famille : au cours de l’été 1935, il part en vacances à moto avec son jeune frère Jacques. Après avoir emprunté la route des Alpes le , ils campent à Saint-Jean-Cap-Ferrat et visitent Cannes.
Jean Collot se rend également en Suisse à plusieurs reprises, notamment à Lucerne () et Lausanne ().
Jean obtient son permis de conduire (n°16789), qui lui est délivré par la Préfecture de Haute-Saône le . Il achète d'occasion une voiture Fiat 509A 6CV décapotable (immatriculée 1765 QA) à Roger Steiner, de Pusey. Suivant la législation en vigueur sur le recensement, le classement et la réquisition des véhicules automobiles (loi du ), la voiture sera déclarée auprès du Ministère de la Guerre le , et sera équipé d'un carburateur Solex.
Lucie Pelletier
Jean Collot ne manque pas d’écrire à chaque étape de ses voyages à une jeune fille qu'il a côtoyée à l'école : Germaine Lucie Marie Pelletier[3]. Elle est née le à Scey-sur-Saône, commune où résidaient à l'époque ses parents Henri Joseph Arthur Pelletier et Marie Henriette Sponem et son frère aîné Roger. Puis, la famille Pelletier est venue s'installer à Vesoul (30, rue Grosjean) car le père a trouvé un emploi à la Compagnie de l'Est. Jean et Lucie s'écrivent régulièrement et nouent rapidement une relation. Ensemble, ils visitent Paris en . À la Tour Eiffel, leur silhouette est réalisée par H. Nolden ().
Jean Collot entre bientôt au Ministère des Finances, à la Direction Générale des Contributions Indirectes. Nommé commis le , il prête serment le suivant et peut être ensuite officiellement installé dans son premier poste, à Saint-Loup-sur-Semouse. Ils se marient à la mairie de Vesoul le , et la cérémonie est suivie d’un repas de noce au restaurant du « Cheval Blanc », Boulevard de Besançon. Le couple s’installe à Saint-Loup-sur-Semouse (Haute-Saône), dans un appartement loué à M. Lopinot au 20, rue de l’Abattoir, et y résidera jusqu’à la guerre.
L'engagement au 11e Régiment de Chasseurs
Un service militaire par « devancement d'appel »
Le , au lieu de partir au service militaire, Jean Collot s’engage « par devancement d’appel » : cette formule donnait l'avantage à l'engagé de pouvoir choisir son affectation. Il opte logiquement le 11e Régiment de Chasseurs (matricule n°3376), ce qui lui permet de ne pas quitter Vesoul, de faire de la moto (sidecar) et de pratiquer l'équitation de surcroît...
Les quartiers de ce régiment de cavalerie se situent au centre-ville, et c’est là qu’il effectue ses classes. Il sera ensuite affecté dans les rangs du 2e escadron. Il obtient le permis de conduire militaire le . Le , il est nommé maréchal-des-logis (sergent) et accède ainsi au corps des sous-officiers. Il participe aux manœuvres de la 14e DI qui ont lieu au Valdahon pendant trois jours du 18 au . S’il fait beau sur le camp (événement qui mérite d’être souligné au Valdahon), le séjour est loin d’être passionnant : « Il est l’heure d’aller à la soupe. C’est le seul agrément du lieu. Je suis sorti au village hier soir. Je me suis amusé comme à un enterrement aussi je me coucherai de bonne heure les autres soirs… ». Le lendemain, il gagne Baume-les-Dames et y séjourne jusqu’au 24 courant. Il en envoie plusieurs cartes postales : « Excuse mon écriture car je suis en sale position dans un side-car / Après Valdahon me voici cantonné à Baume-les-Dames. C’est déjà plus agréable. Je suis allé rendre visite à Mr Damotte qui m’a reçu de façon charmante. Malheureusement je ne peux rentrer à Vesoul avec lui ». Il est de repos le dimanche et écrit à Lucie : « Aujourd’hui dimanche ma seule distraction du matin je suis allé à la messe (je ne sais pas ce qu’il va tomber) tantôt je vais dans 1 petit cinéma et à 6h je prends la garde ». Alors que l’étape suivante devait être L’Isle-sur-le-Doubs, Jean Collot est détaché auprès du 7e Train, qui va à Villersexel : « Je serai bien plus tranquille pour les manœuvres. Aujourd’hui j’ai déjà repos complet alors que tous ceux du 11e manœuvrent depuis 3 heures du matin… ». Mais les cartes suivantes, postées de Rougemont () et d’Esprels () ne témoignent pas d’une situation plus confortable : « Aujourd’hui me voici à Rougemont. Si je peux puisque j’ai repos demain j’irai coucher et manger à Montbozon… on dort dans la paille quand on en a… voici 2 jours que je suis dans des bleds où il n’y a ni bureau de tabac ni cafés… je m’ennuie terriblement dans ces trous ». Il retournera au camp du Valdahon en .
Manœuvres, exercices et Tour de France Motocycliste
Jean Collot arrive au Centre d’Instruction Automobile de Fontainebleau le afin de participer aux exercices militaires qui s’y déroulent et au quatrième concours de L’Estafette organisé conjointement par le Motocycle Club de France et le Ministère de la Guerre. Son père et son frère viennent le retrouver deux jours plus tard, le . Les épreuves sont ouvertes aux militaires et aux civils, par équipes de trois. Un « Tour de France Motocycliste » est également mis sur pied chaque année (du au , du au ). Il y retourne en pour la même compétition. La cinquième édition se déroule les 19 et et comporte des questions théoriques et pratiques, un parcours routier et sur terrain varié, une épreuve topographique, un tir réel au Mousqueton (réservé aux militaires). L’équipe dont il fait partie part en side-car et fait deux haltes à Chaumont et Romilly-sur-Seine.
Il est en Alsace en . Deux mois plus tard, après une courte étape à Bologne (Haute-Marne), il arrive avec son escadron au camp de Mailly le , pour participer aux manœuvres régimentaires. Il passe la première nuit dehors : « Cette nuit, j’ai couché dans l’ambulance pour la garde des véhicules. Il ne faisait pas chaud. Avec deux couvertures et ma veste de cuir j’étais gelé. Heureusement que cela n’arrive pas tous les jours. Ce soir ce sera le tour d’un autre. Jusqu’à maintenant la nourriture est excellente… ». Il effectue également deux sorties sur le terrain en Alsace à la Schlucht, au cours de l’hiver 1937 et en . Il est encore en déplacement sur le secteur de Montbozon en août.
Jean Collot achète un pistolet de marque Unique calibre 7.65 (n°293938) à l’armurerie vésulienne Robardet à la date du . L’arme est déclarée le même jour auprès du commissariat de Vesoul. La raison de l’achat (tir sportif ou défense ?) est inconnue… Il est libéré peu après, le , date à laquelle le colonel de Contenson, Chef de Corps du 11e Régiment de Chasseurs, signe son certificat de bonne conduite.
Réserviste et bientôt rappelé
Jean Collot n'entend pas rompre le lien avec l'armée et dès la fin de son engagement, il adhère à l’Amicale des Sous-Officiers de Réserve de Saint-Loup-sur-Semouse et Vauvillers (Président d’Honneur : Henri Bédon). Ainsi, l’association l’invite au bal qu’elle organise le samedi . Par ailleurs, il accomplit quelques périodes de « disponibilité », en tant que maréchal-des-logis de Réserve qui consistent principalement en manœuvres et exercices sur le terrain, et formations diverses.
Breveté chef de peloton
Les illusions du Front populaire et sa capitulation face à Hitler lors de la Conférence de Munich rendent la guerre inévitable. Il est donc rappelé, comme tant d’autres, dès le mois de . Sa femme retourne habiter à Vesoul d’abord au 62, rue Jean-Jaurès puis à nouveau chez ses parents au 30, rue Grosjean. Il décroche son brevet de chef de peloton (section) des unités motorisées de cavalerie le , en obtenant une note moyenne de 13.65 (mention « assez bien ») aux épreuves d’instruction militaire pratique et théorique et à l’aptitude au commandement. Ce brevet, signé du colonel Dodard des Loges commandant le 1er Groupement de Cavalerie, auquel appartient le 11e Régiment de Chasseurs, lui permet d’accéder au corps des officiers de réserve[4]. Au 11e Régiment de Chasseurs, Jean Collot a rapidement sympathisé avec un autre maréchal des logis, Georges de Moustier[5], un des fils de Léonel de Moustier. Avec Lucie Pelletier, ils se rendent régulièrement au château de Bournel (Doubs), demeure familiale des de Moustier.
Les ultimes manœuvres (août 1939)
C’est à l'occasion de ces manœuvres que Jean Collot commence à tenir un carnet personnel, qui s’achèvera à la date du .
L'unité de Jean Collot part d'abord en manœuvres à La Roche-du-Prêtre (commune de Consolation-Maisonnettes, Doubs) au printemps. Il est à Villers-le-Lac (Doubs) en juin, puis en cantonnement à Pierrefontaine-les-Varans (Doubs) le . Le mercredi à 6h30, son escadron part pour de nouvelles manœuvres dans le pays graylois, à Vantoux (Haute-Saône). Les Chasseurs sont cantonnés sur des terrains appartenant à M. Louis Chausse et malgré la situation, l’ambiance paraît détendue. On procède à des patrouilles routières près de Gray, au creusement de tranchées. Au cantonnement, Jean Collot reçoit la visite de sa femme.
La mobilisation générale
Le décret de Mobilisation Générale et la déclaration de guerre à l’Allemagne le surprennent donc le 11e Régiment de Chasseurs à Vantoux. À l'instar d'autres régiments de cavalerie légère, il va être éclaté en plusieurs groupes de reconnaissance divisionnaire d'infanterie ou de corps d'armée : en l'occurrence, le 9e GRCA (7e Corps d'Armée), le 4e GRDI motorisé (15e DI), le 17e GRDI (13e DI) et le 25e GRDI (14e DI).
Jean Collot (matricule 445) va intégrer le dispositif de guerre du 4e GRDI[6] avec comme adresse postale celle du Secteur Postal 150. Il est affecté au 2e Peloton du 2e Escadron du 1er Groupe d'Escadrons de Reconnaissance Profonde ou Groupe de Découverte (GED) du 4e G.R.D.I. commandé par le Chef d’Escadrons Léonel de Moustier sous les ordres du lieutenant-colonel Le Couteux de Caumont (qui rejoindra le 3e Groupe d’Automitrailleuses). Ce 1er Groupe d'Escadrons comprend, outre un groupe de commandement, un 1er Escadron d'AMD sur Panhard 178 (un peloton de commandement et quatre pelotons) et un 2e Escadron motorisé sur sidecars (un peloton de commandement et quatre pelotons motocyclistes). Au sein du 2e Escadron Motorisé, Jean Collot avait reçu une formation pour servir comme tireur au canon de 25 mm[7] du 2e Peloton. Son chef de peloton, le sous-lieutenant d’active Robert Dumesnil, est également un vésulien : il demeure au 9, Rue Saint-Georges. Son officier adjoint est le sous-lieutenant Maurice Breton qui, dans le civil, est cultivateur à Les Ays (Jura).
Jean Collot n’est pas le seul mobilisé dans la famille. Son beau-frère Roger Pelletier[8], appelé, est affecté à l’escadron motorisé du G.R.D.I. 16 (Secteur Postal 220). Quant à son cousin Maurice Boisson, caporal-chef au 42e R.I.F. (21e B.I.), il se retrouve à la 2e compagnie d’Instruction du C.I.S.F. (Secteur Postal 320). Il écrit le aux parents de Jean : « N’oubliez pas non plus Jean et sa femme. Je pense souvent à eux, il doit être mobilisé aussi ? Cela ne se demande pas puisqu'il est comme moi il a bien de la chance. Nous aurons la médaille en chocolat ». Comme Jean, il ne reviendra pas. Fait prisonnier, il est transféré au camp de prisonniers de Babst-Mecklenburg où il sera exécuté par les Allemands le .
À partir de la Mobilisation et d'après le livret de mobilisation de Jean Collot, le 2e Peloton a compté dans ses rangs les Chasseurs suivants :
Nom | Prénom | Grade /Fonction | Adresse | Profession |
---|---|---|---|---|
Baratte | René | Saint-Georges d'Aunay (Calvados) | boucher | |
Berthelot | Jean | 6, rue de l’Église, Chateaubriand (Loire-Inférieure) | meunier | |
Boché | ||||
Bouchonnet | Marcel | Saint-Sauveur (Haute-Saône) | pâtissier | |
Bousselaire | ||||
Boutherin | Jean | brigadier | Villersexel (Haute-Saône) | jardinier |
Burban | Joseph | tireur FM | Bizolle, par Tréfleau (Morbihan) | cultivateur |
Dubois | Louis | tireur FM | Travoléon, par Ploërmel (Morbihan) | cultivateur |
Gérard | Georges | brigadier | Bourbon-sur-Rognon (Haute-Marne) | coutelier |
Gredy | Jean | tireur FM | Sancey-le-Grand, puis Pont-de-Roide (Doubs) | |
Grisot | Marcel | Longevelle (Haute-Saône) | cultivateur | |
Huguenet | Léon | 27, rue Clémenceau, Besançon (Doubs) | agriculteur | |
Huot | Raymond | Deluz (25) | papetier | |
Jarnoux | ||||
Lagaude | René | 32, rue François, Pierrefitte (Seine) | fraiseur-ajusteur | |
Le Goc | Georges | tireur FM | 10, avenue Thiers, Beuzec-Conq (Finistère) | forgeron |
Lhien | René | éclaireur | 20, rue de l'église, Vaucelle, Caen (Calvados) | cultivateur |
de Moustier | Georges | maréchal-des-logis | Bournel, par Rougemont (Doubs) | |
Ménétrier | Marceau | 11, rue Lambert-Payen, Langres (Haute-Marne) | Chemins de Fer | |
Moly | Jean | 1, rue de la sous-préfecture, Dole (Jura) | marbrier | |
Monnot | René | brigadier | Vercel (Doubs) | boulanger, mécanicien |
Olivier | maréchal-des-logis | |||
Provost | René | 9, rue du Four, Paray-le-Monial (Seine-et-Loire) | pâtissier | |
Serniet | ||||
Taponnot | Georges | brigadier-chef mitrailleur | 35, rue Dauphine, Paris | gardien de la paix |
Vidal | Désiré | Jugot-Pascardigua (65) | cultivateur | |
de Vrégille | Paul | Vrégille (Haute-Saône) | ||
Wussler | Robert | 1, place des maréchaux, Mulhouse (Haut-Rhin) | imprimeur |
La « Drôle de Guerre » (septembre 1939 - mai 1940)
Rejoindre le front
Les Chasseurs abandonnent donc leur cantonnement graylois pour rejoindre le front de nuit : ils quittent Vantoux le à 22 heures. Le convoi traverse Bourbonne-les-Bains alors qu'il pleut à verse. Le lendemain matin, il s'arrête à 6 heures à Uxegney (88). Jean Collot en profite pour envoyer une carte postale à Mme André Chausse : « Je m’excuse d’être parti si brutalement hier soir sans avoir pris le temps de vous remercier de toute votre gentillesse et du mal que nous vous avons fait… ». Le convoi procède à son regroupement pour quitter Uxegney le soir à 17 heures, et prendre la direction d'Epinal et de Sarrebourg. Sur place, l'unité de Jean Collot fait halte et dort à peine une demi- heure dans les Halles désaffectées. Ensuite, elle repart afin d'aller cantonner à Héming. Jean Collot est de garde au poste de sécurité et peut ainsi voir passer des chapelets de bus qui transportent les unités d'infanterie vers le front, plus au nord.
Le , le 4e GRDI est rassemblé et peut effectuer son départ d’Héming à 2 heures, direction Phalsbourg et comme objectif ultime la frontière allemande. Finalement, il parvient dans le Bois des Colonnes, un massif forestier situé à côté de Petite-Pierre, et s'y arrête vers 6 heures. Jean Collot profite de cette halte pour écrire une première lettre à sa femme : « En ce moment nous sommes dans un bois d’Alsace, à 20 km de la frontière, où nous avons passé la nuit. De temps en temps, nous entendons de rares coups de canons mais tout est calme et nous ne voyons rien. Ce soir nous couchons encore là sous les tentes que nous avons montées. Nous ne savons pas quand nous partirons et où nous irons. »
Aux avant-postes sur la Ligne Maginot
Le lendemain à 18 h, Jean Collot et ses camarades reprennent la route afin de se diriger vers les ouvrages de la Ligne Maginot. Une fois arrivés sur le site de La Main-du-Prince, ils continuent à pied pour passer la nuit sur le Plateau d’Exil. Au matin du , ils prennent position au Kamelsberg, un site valorisé par des blockhaus légers.
Le , le maréchal-des-logis Zemberlin[9] est tué. L'unité de Jean Collot est relevée du Kamelsberg et part en repos à Goldenbruck jusqu’à 7 heures du matin. Ensuite, elle demeure 2 jours au Kamelsberg puis 2 jours encore dans les grands rochers situés à côté du Windals (Haut-Walsberg). Jean Collot et son groupe procèdent à des travaux de valorisation : deux abris sont construits, ainsi qu'une tranchée couverte sur un chemin qui se trouve à flanc de coteau du Kamelsberg. Le , le 10e GRCA vient les relever et les Chasseurs du 4e GRDI peuvent se rendre à l'arrière, dans le village abandonné de Schleithal où ils se couchent à 21 h 30.
Le à 17 heures, Jean Collot part occuper un poste avancé aménagé à proximité de la maison forestière pour un jour complet. La garde aux avant-postes s'effectue ainsi toutes les 24 heures, avec le concours du 1er Peloton (lieutenant Robert Dumesnil et maréchal-des-logis Robert Daunis, avec lequel Jean Collot a immédiatement sympathisé). Lorsqu'ils sont au repos à Schleithal, les Chasseurs du 2e Peloton mangent le plus possible, car Jean Collot avoue que la nourriture apportée aux avant-postes est « toujours mauvaise » et de ce fait, ils n'y touchent presque pas. La mission désignée au peloton de Jean Collot consiste à assurer la surveillance de plusieurs points particuliers d'où l'ennemi peut déboucher. De ce fait, les groupes vont alternativement occuper les postes de surveillance sur le pont sur la Lauter, la route menant de Wissembourg à Altenstadt et au PC du carrefour avec la route de Schleithal. Jean Collot loge au village avec ses deux camarades maréchaux des logis, Georges de Moustier et Robert Daunis, dans un certain confort : en effet, ils disposent d'une radio et d'un radiateur électrique ! Par ailleurs, sa famille, informée du problème récurrent de l'alimentation au front, envoie des colis de nourriture. Pour preuve, il écrit à ses parents le : « Je vous remercie encore une fois du colis, il a bien amélioré l’ordinaire. Il confie à sa femme : Ici rien de nouveau nous remontons en ligne ce soir… Le secteur est toujours calme et nous nous regardons avec les boches. Mais ce n’est pas partout comme cela ».
Le , Jean Collot fait officiellement sa demande, par la biais de son épouse, pour passer officier (sous-lieutenant de réserve).
Octobre 1939
Le , Jean Collot envoie une lettre à son frère[10] : « Je ne te raconte pas ce que je fais ici, car j’écris tout à Lulu qui sans doute vous raconte mes exploits et faits d’arme. Nous irons sans doute au repos pour 15 jours dans une ville de l’arrière près de Reims. Quand j’y serai je t’écrirai exactement où et tu pourras venir nous voir en moto ou par le train ce sera peut-être plus commode. Enfin tu verras d’après ce que je t’écrirai. Je voudrais bien avoir l’adresse d’Emile pour lui écrire ». Il demeure cependant assez évasif dans ses correspondances, quant au détail de son activité et même de la vie courante en général. Il peut cependant confirmer son départ vers l'arrière trois jours plus tard dans un courrier daté du et adressé à ses parents « …le repos dont je vous parlais dans une lettre précédente a été un peu reculé mais je pense que d’ici deux jours nous quitterons ce pays. J’ai reçu ce matin une lettre (de Lulu) et hier une lettre de mon oncle Marcel. Je lui ai écrit aussitôt. Je félicite Jacques pour son permis de conduire et je pense que Lulu aura autant de succès. Ici il pleut toujours et quand nous couchons en ligne nous sommes dévorés par les puces et les rats commencent à faire leur apparition. C’est une calamité qui commence mais qui est beaucoup moins dangereuse que les boches. Maintenant j’attends ma nomination de sous-lieutenant et je me suis fait pistonner. Si quelquefois vous appreniez que j’étais nommé n’en parlez à personne à Vesoul à cause de la paye qui me serait supprimée. De toute façon je dois attendre assez longtemps car il n’y a encore guère de place. La division n’a subi comme perte jusqu’à présent que vingt hommes et 500 blessés. C’est déjà trop mais c’est minime. Que faites-vous à Vesoul, le commerce ne doit pas être fou et si Jacques peut trouver un emploi de chauffeur ce serait bien pour lui… ».
La mort de Georges de Moustier (8 octobre 1939)
Le est une date tragique pour Jean Collot car il perd un de ses meilleurs amis : Georges de Moustier. Le peloton est en repos. Devant remplacer le cuisinier habituel, il est en train de préparer le repas lorsque Georges de Moustier part pour aller chercher dans un moulin les restes d'un piège ennemi découvert la veille. Sans nouvelle, il se rend au PC et y apprend que les officiers de l'unité, inquiets eux aussi, sont déjà partis au moulin. À 15 heures, il doit se rendre à l'évidence : « Les officiers n’ont retrouvé de mon camarade que son casque, un cache-nez et une flaque de sang ». Tous remontent immédiatement en ligne.
Le , à 8 heures du matin, la relève est effectuée par des hommes du 24e GRCA. Bien que revenu au village en repos, l'unité de Jean Collot reçoit l'ordre, à 18 heures, de rester en état d’alerte pour la nuit. Le même jour, il informe donc ses parents de la mort de son meilleur ami : « Mon camarade Georges de Moustier a été tué le à 12 heures au cours d’une mission à la frontière. Je vous raconterai dans quelles circonstances, quand je serai de retour. Nous n’avons retrouvé de lui que des effets ensanglantés. J’ai essayé de vous écrire hier, mais j’ai bafouillé et j’ai été obligé de recommencer ce matin. S’il n’y a pas contre ordre je pense partir au repos annoncé d’une heure à l’autre. Mais comme ici on ne sait pas de quoi est faite la minute qui suit, on attend. Je pense que cette lettre vous trouvera tous en bonne santé. Moi j’ai été un peu malade hier soir d’avoir trop mangé… Mais quand on est en ligne, c’est dégoûtant ce que l’on mange car ce sont les cuisiniers de l’escadron qui font à manger, tandis qu’au repos c’est nous ».
La nuit suivante se passe tranquillement sans alerte. À 10 heures du matin, Jean Collot et les autres sous-officiers partent reconnaître les emplacements de nuit, pour lesquels le peloton va creuser toute la journée. Toutefois, vers 17 heures, des mines explosent régulièrement, et Jean Collot avoue que, durant les jours suivants, il a fallu renforcer les effectifs de garde avec une 1 escouade du 23e GRCA « car les types ont la frousse ».
Nouveaux cantonnements
Le à 6 heures du matin, le 2e peloton quitte le site de Schleithal pour gagner celui de Hatten deux heures plus tard, et où il passe la journée. Jean Collot partage son emplacement avec son camarade haut-saônois Paul de Vrégille. Le 14 octobre, départ de Hatten à 17 heures pour se rendre dans le secteur de Hochstett où les Chasseurs du 2e Peloton couchent dans la paille. Le lendemain dimanche , à 11h30, Jean Collot part avec le maréchal-des-logis-Chef Levain afin de préparer un nouveau cantonnement dans la localité de Hettigny, près de Sarrebourg. À 19 heures, ils décident de manger au café du pays en attendant l’arrivée de la troupe, prévue pour 22 heures. La journée du lendemain est consacrée à l’organisation du cantonnement. Jean Collot, qui loge chez Mme Frigud, en profite pour écrire à ses parents : « Rien de nouveau pour l’instant, nous sommes en route pour le repos, mais comme d’habitude nous ne savons ni où ni quand. Nous sommes déjà à 100 kilomètres environ en arrière…. Nous couchons dans des lits la plupart du temps car pour ça je me débrouille… ». Les revues règlementaires s'enchaînent (armes et de munitions le , habillement le 18).
Vie quotidienne et loisirs de la Drôle de Guerre
Ce même , Jean Collot a réussi à se ménager du temps libre ; à 17 heures, il part en sidecar avec Paul de Vregille pour aller à la pêche dans un étang situé à 1 kilomètre d’Hattigny. Ils rapportent près de 6 kilos de carpes qui seront partagés avec les autres cadres du peloton ! La pêche du , avec Daunis et le chef Levain est moins glorieuse... Le , Jean Collot accompagne le chef Levain à Saint-Georges pour le courrier. Le dimanche est un jour faste car il voit arriver une voiture contenant notamment sa femme, sa mère et son jeune frère. Ils passent la journée ensemble et partagent les repas mais ils doivent se séparer le soir car les Chasseurs doivent embarquer pour gagner Rchicourt-le-Château. Parti à 5 heures du matin, le convoi passe par Lunéville, Blainville, Lérouville, Reims et ne s'arrêtera à Noyon qu'à 22 heures le lendemain. Jean Collot reçoit comme mission de préparer le cantonnement du 2e Peloton à Caumont. Le , il s'installe avec son binôme Paul de Vregille dans une « chambre confortable » Rue de Caumont près de Chauny chez M.François. Le lendemain, il écrit à ses parents : « Comme je l’écrivais à Lulu je suis bien content de savoir déjà que vous avez fait bon retour à Vesoul. Ca vous encouragera pour une autre fois. Votre visite me fera patienter en attendant les permissions qui commencent le 1er novembre mais comme il y a une répartition je ne sais pas à quelle date ce sera mon tour. Le temps me paraîtra moins long que si je ne vous avais pas vu. Ici on s’ennuie beaucoup mais on a déjà le plaisir de se sentir en sécurité. Je ferai mon possible pour aller voir marraine et Emile. À part cela rien de neuf. Embrassez toute la famille pour moi ». Le après-midi, il prend un sidecar pour aller faire des achats à Chauny. Le lendemain dimanche, il y retourne avec Robert Daunis et Paul de Vregille en empruntant le véhicule de dépannage. Ils déjeunent au restaurant Petit Chef, puis vont au cinéma Apollo voir La Chaste Suzanne [11], se promènent et mangent sur place en face de la gare. Le jour même, Jean envoie à sa femme une carte postale très révélatrice de la routine qui est en train de s'installer dans les unités françaises : « Dans notre petit bled on se morfond alors on sort le dimanche ».
Le après-midi a lieu une répétition de la prise d’armes qui doit avoir lieu le lendemain (Toussaint).
Novembre 1939
Les maréchaux-des-logis Jean Collot et Robert Daunis sont désignés pour assister au service funèbre de leur camarade Zimberlin, lors de la prise d’armes suivie d’une messe qui a lieu à 8h30 à Caumont le mercredi 1er novembre. Le mois de novembre semble beaucoup moins contraignant ou peut-être plus routinier pour les Chasseurs, car Jean Collot évoque peu d’activités militaires alors qu'il note systématiquement ses déplacements et les films qu'il va voir à Chauny. Le , en compagnie du maréchal-des-logis Kohler, il va voir « Un petit trou pas cher » et « La baronne et son valet », et mange au « Lion Rouge » avec Menil et Hiret, avant de rentrer à 22 heures. Le , il part en voiture à Saint-Quentin avec le Lieutenant de Saint-Seine.
Le , il assiste à la messe avec le lieutenant Dumesnil à Bethaucourt puis, avec Daunis, il part pour l'hôpital de Chauny afin d'y visiter deux camarades blessés (Joubert et Méquillet). Comme ils ont raté le début de la séance pour « Gibraltar », ils assistent à un match de football opposant une équipe constituée de Chasseurs du 4e GRDI et des soldats anglais (le 4e GRDI est battu par 4 à 3). Retour au cantonnement en Peugeot 302 à 19 heures.
Trois jours plus tard, le , Jean Collot, dont l'unité semble être dans l'expectative, écrit à ses parents : « J’ai bien reçu par votre commissionnaire le colis de gaufres… (Lulu) voudrait bien venir…comme toujours des bruits divers et non vérifiés circulent sur un départ du GR ou sur un départ imminent en permission. Dès que j’aurai une certitude je ferai le nécessaire pour qu’elle vienne ; elle peut toujours demander des papiers pour le pays où je vais au cinéma. C’est à 5 minutes de l’endroit où je suis. Si l’idée lui prenait de venir sans que j’en sois averti elle n’aurait qu’à prendre un taxi qui la conduirait au pays où je suis. Mais en ce moment notre situation est aussi incertaine qu’au dernier pays où je vous ai vu. On peut rester ici 3 mois comme on peut partir à la fin de la semaine. À part cela rien de nouveau je m’ennuie en attendant les permissions. En ce moment je suis d’un mauvais poil depuis 8 jours et je t’assure qu’il faut que ça file doux avec moi. Je pense avoir le plaisir d’être dans quelque temps parmi vous avant Noël mais tout ça n’est qu’espoir ».
Les dimanches se suivent et se ressemblent. Le , Jean Collot regarde le film Arènes joyeuses ; il fait fonction d’adjudant de compagnie. Le , il va voir Sur les ailes de la danse. Dans une lettre écrite à ses parents ce jour-là, il décrit le climat qui règne au front et la lassitude causée par l’espacement trop long des permissions : « Je suis toujours dans le même pays où la vie devient monotone. Vivement qu’il y ait des permissions de détente car en ce moment tout le monde est mal luné et il y a des histoires toute la journée. Tout le monde est surexcité. Les premiers permissionnaires de chez nous partent demain, ce qui fait présager que ce sera mon tour un de ces jours car ils font ça par ordre d’âge et il y en a beaucoup de plus vieux que moi. Ils ne tiennent pas compte que l’on est là depuis le mois de mars. D’après l’ordre des départs je compte en être d’ici un mois. Si quelquefois Lulu veut venir me voir, nous sommes encore ici pour longtemps ; d’après la note du général on s’organise pour passer l’hiver… je signerai ma lettre par le nom du pays afin de lui donner mon adresse exacte. La seule distraction du pays voisin est le cinéma, ou les matchs de football et le dimanche seulement. Aujourd’hui, on a battu les Anglais par 5 à 1. Quelquefois je vais à l’hôpital voir les copains et voilà comment se passe le dimanche après-midi. Tout le reste de la semaine on travaille sans arrêt. Je reçois des nouvelles d’un peu tout le monde et le soir je réponds aux parents et amis qui m’écrivent. Je n’ai jamais eu tant de courrier… ».
Le , il fait part de ses doutes de sa prochaine permission à sa femme : « Les cartes t’ont dit que je serais en permission pour le 14 je crois qu’elles sont un peu en avance car je ne compte pas avant la fin décembre…Quand vous me verrez arriver c’est que je serai en perm mais avant pas de calculs. De toute façon je m’arrêterai 14 heures à Paris pour voir Emile et marraine et il me faut pour cela une autorisation spéciale car normalement nous sommes embarqués dans des trains spéciaux qui conduisent directement dans les départements des intéressés. Ici c’est toujours la même chose et j’ai toujours autant de travail car j’ai pris les fonctions d’adjudant en supplément pendant la permission du chef Levain. Merci beaucoup à papa pour son petit mot car il n’est pas souvent là pour le mettre. La santé est bonne. Hier ils ont voulu me piquer à nouveau mais je me suis débrouillé pour passer à côté. J’en ai déjà suffisamment mon compte ».
Décembre 1939
Le , Jean Collot participe au service en l’honneur du roi d’Angleterre, mais l'octroi des permissions de détente semble constituer sa principale préoccupation. Ainsi, il écrit à ses parents : « Ces temps derniers j’ai eu un tas de tracasseries de toutes sortes. Mais ce matin, je suis allé voir le colonel qui m’a remonté un peu le moral. Je crois pouvoir vous affirmer que j’arriverai à Vesoul dans la nuit du 14 au 15 à 2 heures du matin vous me laisserez la clé pour rentrer où vous la mettez d’habitude. Mais vous savez aussi bien que moi que les certitudes n’existent pas ici… à partir du 11 ne m’écrivez plus sauf urgence, de façon que mes lettres ne restent pas en suspens pendant 15 jours ».
Le dimanche , il est allé au cinéma voir Les rivaux de la route, ainsi que Soleil de Marseille.
Première permission
Comme annoncé par les cartes, Jean Collot est enfin en permission de détente pour une dizaine de jours, du 14 au . Il en profite aussi pour se rendre en train à Paris et visiter les membres de sa famille, notamment l’inspecteur de police Emile Villemin qui habite à l’époque au 31, rue Louis Blanc (10e arrondissement) et son oncle Marcel Collot, Chef de Bureau des Chemins de Fer, qui a déménagé de Nogent-sur-Seine pour s’installer en Seine-et-Marne. Il envoie une carte à sa femme, vraisemblablement avant de reprendre le train de Paris pour retourner au front.
De retour à son cantonnement, Jean Collot envoie ses vœux à ses parents le et les charge de les transmettre au reste de la famille à Vesoul : « Je ne sais si c’est par ironie du sort, par habitude ou par conviction mais je viens, comme l’année dernière vous souhaiter une bonne année 1940. Mon plus grand souhait, qui est pour tous le même d’ailleurs, est que cette guerre se termine le plus tôt possible dans cette nouvelle année. Et je vous souhaite aussi, ce qui me touche d’ailleurs, c’est que je vous revienne sain et sauf. Pour l’instant rien ne risque pour moi je suis toujours dans les mêmes conditions qu’avant ma permission. Ce matin j’ai eu le plaisir de voir la nature couverte d’une neige assez abondante. J’ai mis les chaussures de ski et j’ai l’impression d’être en vacances aux sports d’hiver. Il faut se consoler comme on peut. Mon copain Daunis part en permission demain matin et je vais être bien seul pendant 15 jours. Yvonne et Rose (les enfants de la famille François qui l’héberge) ont été enchantées du cadeau du père Noël de Vesoul et leurs parents y étaient autant qu’elles. Mon retour s’est effectué normalement et dans le délai prévu. La plupart sont rentrés exprès en retard et il y en a une cinquantaine en prison qui méditent sur les inconvénients de ce retard. C’est bien fait pour eux car ceux qui attendaient leur tour ont été retardés de 15 jours de ce fait. Rien de nouveau ici tout va bien pour l’instant ».
Janvier 1940
Le spectacle musical du 4e GRDI
Les rigueurs de l'hiver ralentissent le rythme des travaux militaires, et apportent au un autre aspect de la Drôle de Guerre : le théâtre aux armées. Les soldats peuvent monter des spectatcles (théâtre, concerts, chansons, etc.). Le 4e GRDI n'échappe pas à la règle : un spectacle est planifié pour le et on mobilise les bonnes volontés et surtout les musiciens. Pour preuve, la lettre que Jean Collot (qui sait jouer de l'accordéon) adresse à ses parents le : « J’ai reçu le colis que m’a remis Kalusky à son retour de permission et il n’en reste déjà plus que le souvenir. J’ai partagé avec les copains (sauf le beurre) comme c’est l’usage entre nous. Je vous en remercie beaucoup. J’ai reçu hier une lettre de Jacques… ici il gèle très fort et nous ne sortons pas des maisons. Et comme travail presque rien. Juste le stricte nécessaire. Notre régiment va bientôt jouer au théâtre une pièce et si quelqu’un peut aller à Vesoul il me ramènera mon accordéon pour que je fasse partie de l’orchestre. Je crois que le lieutenant Bion ira dans quelques jours. Vous auriez donc l’obligeance de lui remettre ainsi que mes chansons. Mais tout cela n’a encore rien de sûr. Si on fait quelque chose ça nous distraira toujours un peu. Ici c’est toujours la même vie et il n’y a rien de sensationnel a vous écrire ». Le , il leur envoie une nouvelle lettre au sujet du spectacle : « C’est encore moi qui viens vous demander un service : si à l’heure où vous lisez cette lettre, personne n’est venu chercher mon accordéon je vous serais reconnaissant de bien vouloir me l’envoyer d’urgence ainsi que mes chansons, la fête que nous organisons a lieu le et il serait temps que je répète. Je crois que le mieux serait de l’adresser à l’adresse suivante : Mr Jean Collot- chez Mr Bolandard 17,Rue de la Chaussée Chauny (Aisne) et j’irai le chercher à cette adresse. De cette façon ça ira plus vite. Ici il fait toujours très froid et nous nous occupons avec Daunis d’aller à nos heures de loisirs. Heureusement que nous sommes bien logés ».
L'alerte du 14 janvier 1940
Le dimanche à 22 heures, l'unité de Jean Collot, mise en alerte, reçoit un ordre de départ. Après un long déplacement de nuit dans des conditions climatiques difficiles, la colonne parvient à destination le lendemain matin à 5 heures à Beaurevoir (Aisne). Toutefois, vers midi, les Chasseurs reçoivent un contre-ordre et doivent revenir dans leur cantonnement, à Rue-de-Caumont. La neige abondante a rendu les routes glissantes et les escadrons déplorent plusieurs accidents. Après un arrêt à Saint-Quentin, la colonne est rentée vers 21 heures. Le , il raconte ces péripéties à ses parents : « Me revoici au cantonnement après une alerte de trois jours où nous étions partis avec armes et bagages. Maintenant c’est passé mais on s’attend quand-même à ne plus être ici pour longtemps. La prochaine fois que nous partirons ce sera la bonne. J’espère que Madame levain est passée chez vous et qu’elle vous a remis ce que je lui avais confié…Si vous pouviez m’en faire parvenir (des ampoules pour sa lampe de poche et des piles) je serais bien content. À Paris je n’ai pas pu trouver de lampe dynamo… Ici il a neigé et il fait très froid. Mais j’ai acheté un fourneau et du chauffage et j’ai bien chaud dans ma chambre ».
Mars 1940
2e permission
Jean Collot parvient à Vesoul le , il est à Dijon cinq jours plus tard le . Il retrouve son logement de Saint-Loup-sur-Semouse les 11 et . De cette ultime visite à sa famille et à sa Haute-Saône natale, il conservera avec lui deux photos prises à Vesoul, sur la terrasse du garage : une de sa mère lisant un magazine et l'autre, de lui-même, jouant de l’accordéon. Son cousin germain Guy Couturet, qui travaille sur le quai de la gare de Vesoul, sera le dernier à le voir. Il a juste eu le temps de l’embrasser par la fenêtre du train. Jean Collot passe par Paris le , puis rejoint le front deux jours plus tard, le 15.
Une tentative de rejoindre les ateliers de dépannage
Le lendemain , Jean Collot apprend sa promotion au grade de maréchal-des-logis chef. Mais en attendant celle au corps des officiers de réserve qui tarde toujours à venir (malgré un « piston » en relation avec son cousin Emile Villemin), il songe à rejoindre le service de dépannage des véhicules afin d'échapper à une routine qui ne l'intéresse guère. Pensant être mieux en se retrouvant dans un garage, il demande donc à être inscrit au cours de mécanicien militaire. Le , il en informe ses parents : « Je m’excuse de ne pas vous avoir écrit plus tôt mais je pense que Lulu a du vous donner de mes nouvelles, en particulier que j’ai été nommé chef à mon retour de permission. Ici la vie est intenable tellement nous avons de travail et de services embêtants à prendre. J’ai fait une demande pour aller travailler dans les ateliers de dépannage et je crois que j’aurai satisfaction toutefois ils tiennent trop à moi pour me lâcher et je crois que ça me passera encore sous le nez. J’ai tenté le coup on verra ce que ça donnera. À part cela tout va bien je suis mon traitement mais j’ai de nouveau une apparition de boutons aux poignets. S’ils persistent je ferai envoyer l’appareil électrique qui m’a l’air le plus efficace de tous les remèdes. Si Jacques est à Vesoul je voudrais bien avoir de ses nouvelles ». Le , il écrit à son frère : « Si un jour tu veux venir me voir en moto préviens-moi car je peux m’absenter et que tu ne me trouves pas. Tu tâcheras aussi de faire de bonnes explorations (spéléologiques) avec Roger (Pelletier, son beau-frère) pendant sa permission. J’espère être fixé dans quelques jours pour savoir si je vais suivre le cours, mais jusqu’à présent on ne m’a encore parlé de rien ». Le , deux jours plus tard, il écrit à ses parents pour leur faire part de sa déception quant à ces cours : « Un petit mot pour vous remercier de celui que vous m’avez fait parvenir par Marcel Grisot. Ce n’est pas moi qui irai au cours de mécanicien mais un type qui est voyageur de commerce dans le civil. C’est toujours la même chose. J’ai l’habitude maintenant. À part cela toujours autant de travail bête et ennuyant. Vivement que ça change ».
Avril 1940
Le , Jean Collot écrit à ses parents : « Peut-être que le m’apportera du nouveau car cette date m’est favorable, comme le pour Hitler. J’ai envoyé toutes les pièces nécessaires à Emile pour qu’il s’occupe de moi. Et j’attends des nouvelles à ce sujet. Comme toujours j’attends… Daunis est en permission pour l’instant et je vous assure qu’il me manque, car malgré le travail qu’on a la vie est monotone et sans attrait. Le temps lui-même ne sait pas quoi faire, il pleut il fait du vent et il fait beau alternativement… Mes poignets sont passables ».
Le , il apprend qu'il être vacciné prochainement contre le tétanos (la piqûre sera finalement faite un mois plus tard, le ). Il écrit à ses parents : « Je vous renvoie aujourd’hui même mon accordéon car vu les événements actuels nous pourrions quitter notre pays d’un moment à l’autre. Et d’ailleurs ces temps-ci je n’ai pas beaucoup le temps de jouer. À part cela rien de bien nouveau, ma situation ici est toujours la même. Ma santé est bonne et mes poignets se maintiennent. J’espère qu’à Vesoul tout le monde va bien et que votre moral est toujours aussi bon. Il doit y avoir des nominations prochainement, mais avec ma veine habituelle je n’y compte pas encore pour cette fois-ci car la personne que connaît Emile est justement malade. Ça sera pour plus tard quand la paix sera signée ».
L'alerte du 14 avril 1940
Le , la rumeur d'un prochain départ se confirme : alors que la météo se dégrade, l'escadron quitte Rue-de-Caumont à 8h30 pour faire mouvement sur Saint-Quentin dans un premier temps, puis sur Anglefontaine. Jean Collot, qui cantonne dans le secteur, à Raucourt, est déçu des conditions bien moins bonnes. Le lendemain, il écrit à ses parents : « Nous avons quitté depuis hier notre cantonnement et j’ai perdu beaucoup car ici nous sommes très mal. Nous sommes à quelques kilomètres de la frontière belge où nous serons en sécurité tant qu’Hitler ne touchera pas à la Belgique. En ce moment nous avons un temps affreux en pluie, vent, et froid. Mais il ne faut pas se plaindre car on est encore très bien vis-à-vis de nos petits camarades qui sont partis en Norvège ou de ceux qui sont en ligne. Mes poignets qui étaient de nouveau pris, sont en voie de guérison car le docteur m’a déjà fait deux auto-vaccins et il me fera le troisième dès qu’il pourra. quand ça sera fini je dirai ouf ! Je ne peux pas trouver dans la région de pare-figure. Je voudrais bien si vous en trouvez dans vos maisons, que vous m’en fassiez envoyer un par Lulu. Vous remercierez bien Jacques pour sa gentille lettre qu’il m’a envoyé et que j’ai lu avec plaisir. Le pays où je suis a le même nom que le châtelain de Solborde que vous connaissez. Mais c’est un très petit pays ».
Le changement de Chef de corps
Le , il révèle à ses parents la mauvaise ambiance qui règne au sein du 4e GRDI, à la suite du remplacement (survenu dix ans auparavant) du Colonel de Saint-Didier par le Colonel Arlabosse : « Nous avons en ce moment énormément de travail car le nouveau colonel effraye tous les officiers qui se rabattent sur nous. C’est tout juste si on a le temps d’écrire et de se raser… tous ces jours-ci nous avons eu le beau temps mais ce matin le ciel est couvert. Après-midi nous avons une revue. On va encore poireauter pendant quelques heures ».
La Campagne de France (mai-juin 1940)
Le , Jean Collot écrit à ses parents au sujet de son logement de Saint-Loup-sur-Semouse. Son épouse étant revenue s'installer chez ses parents à Vesoul, il pourrait être déclaré vacant par les autorités et de ce fait, être réquisitionné : « …j’attends d’avoir des nouvelles de M. Lopinot à qui j’ai demandé de se renseigner auprès du maire de Saint-Loup pour savoir si mon logement est réquisitionnable. Dès que je le saurai je prendrai une décision. Tout à l’heure j’ai été piqué contre le tétanos, mais je n’y sent déjà plus rien du tout. Pour mes poignets ça recommence de nouveau aussi je voudrais bien que vous m’envoyiez l’appareil électrique sans en parler à Lulu évidemment car ça l’inquiéterait de savoir que je ne suis pas guéri. J’espère que vous êtes tous en bonne santé et que tout va bien à la maison ».
Le , après des mois d'incertitude, Jean Collot et son unité quittent Raucourt à 9 heures et à 10h30 ils franchissent la frontière belge ; il parle d'un accueil « à bras ouverts » de la part de la population civile belge, enthousiaste de voir des troupes françaises venir la défendre. Mais les colonnes du GRDI subissent de longs et intenses bombardements de la part de la Luftwaffe, contre lesquels les troupes motorisées n'ont guère de moyens efficaces. Une carte postale oblitérée le décrit la situation à ses parents : « Depuis 2 jours nous sommes en Belgique et ça barde. Nous sommes bombardés sans arrêt. Ne vous en faites pas pour moi jusqu’à maintenant tout va bien. Mais j’ai a peine le temps de manger et à plus forte raison d’écrire. Si ça continue comme ça, au train où ils y vont la guerre sera bientôt finie car les boches nous envoient quelque chose comme munitions. J’espère en sortir et le moral tient le coup. En attendant de vous revoir bons baisers à vous tous ».
Le , il écrit une dernière fois à ses parents, utilisant une enveloppe et du papier à lettres de couleur violette, inhabituel : « Excusez-moi si je ne vous écris pas plus souvent mais cela m’est impossible en raison du travail acharné que nous fournissons. Ici nous avons subi un bombardement qui a duré 9 heures puis après il nous a fallu attaquer. Mon peloton a eu 2 blessés mais nous avons fait trois prisonniers. On dort en moyenne 3 heures par nuit et on ne fait qu’un repas par jour ou plutôt par nuit car le jour il n’en est pas question. J’espère qu’à Vesoul vous n’êtes pas trop bombardés car des grandes villes du nord il ne reste que des décombres fumants. L’autre jour j’ai voulu vous écrire mais la lettre était à peine commencée qu’une bombe est tombée sur la maison d’à côté et comme une partie du plafond m’a atterri sur la tête je n’ai pas continué d’écrire. Je pense que vous ne m’en voudrez pas pour cela. C’est une fatalité quand je vous écris voilà des bombardiers qui viennent de passer et j’ai été obligé d’interrompre encore une fois. Mes chers parents je termine en vous envoyant mes meilleurs baisers ainsi qu’à Jacques ».
Jean Collot évoque également la perte de trois hommes au retour d'une patrouille effectuée le dimanche de Pentecôte, tués par un bombardement aérien. En fait, depuis qu'il a opéré sa retraite de Belgique, le 4e GRDI est continuellement pris pour cible par les avions allemands. Et lorsqu'au terme de sa retraite, il s'approche de Lille, c'est pour s'apercevoir qu'il est progressivement encerclé par les forces ennemies.
Après avoir relevé deux bataillons du 45e R.I. de nuit devant Bouchain, puis couvert la retraite des éléments du 134e R.I., le chef d’escadrons de Moustier rejoint son chef le colonel Arlabosse à la station de Wattignies le au matin. Face à l’infiltration ennemie qui semble inexorable, le 1er Groupe se positionne en défense ferme sur la ligne de chemin de fer entre le carrefour de Wattignies et l’octroi de Lille afin de couvrir la route et le PC de la division mis en place au carrefour de l’Arbrisseau (4e, 134e et 27e Régiments d’Infanterie, 1er et 201e Régiments d’Artillerie et 4e G.R.D.I.). Après une liaison avec le général Juin, le colonel Arlabosse revient à son PC vers 16 heures pour dire ce qu'il en est de la situation à ses officiers : encerclée, pratiquement sans munitions et sans essence, la division ne peut espérer tenir bien longtemps. Il a donc été décidé que les unités se regrouperaient sur les remparts dérasés de Lille afin de se rendre le lendemain ...
La percée du chef d'escadron de Moustier
Le chef d’escadron de Moustier annonce son intention de tenter une percée vers le nord d’Armentières et Houplines avec ses 8 officiers et son groupe, tous volontaires. Trois éléments extérieurs seulement vont les suivre : le lieutenant Hubert de Noblet d’Anglure (commandant un peloton d’automitrailleuses du 3e Escadron), le médecin-lieutenant André (2e groupe) et le secrétaire d’État-Major divisionnaire Seligmann. Une colonne est rapidement constituée (1er Escadron, État-Major, 2e Escadron, TC1 et TC2) avec le médecin-lieutenant André placé en serre-file. La reconnaissance du terrain est confiée au sous-lieutenant Gilbert de La Chapelle. Le pont du faubourg de Lomme sur la Dendre, qui délimite les avant-postes français, est franchi vers 19 heures. À peine trois cents mètres plus loin, la colonne est déjà prise à partie par les feux ennemis. Au passage à niveau de Lambersart, un accident de circulation blesse sérieusement le lieutenant Bion (qui commande le 1er escadron) à la tête.
Dans son compte-rendu des opérations[12], le Chef d’Escadron de Moustier précise les circonstances de la blessure de Jean Collot : « À Verlinghem, feu vif de mitrailleuses ; nous répondons et passons. Le maréchal-des-logis Collot, pilotant le side qui me précède, est blessé aux reins, et continue à piloter son side ». Quelque temps plus tard, épuisé, il cède sa place au passager du sidecar, le brigadier Jean Boutherin. Ensuite, l’adjudant-chef Graisely le prendra dans son véhicule.
Le maréchal-des-logis Olivier a été blessé peu de temps après, entre Lahoulette et La Prévôté, tandis que les soldats allemands faisaient feu de toutes leurs armes et tiraient même au canon antichar de 77mm sur la colonne. À l’entrée de La Prévôté, le premier véhicule blindé qui se présente essuie quatre obus, ayant pour effet notamment de blesser grièvement le conducteur Mazelin (jambe cassée), le cuisinier Carré (main arrachée) et tuant le motocycliste Mignard (1er Escadron). De son côté, le sous-lieutenant de La Chapelle s’en tire avec des égratignures faciales.
Le à 1 heure du matin, la colonne stoppe à 1,5 kilomètre d’Houplines. Un groupe de reconnaissance à pied (composé des Lieutenants Bion et de Noblet, du Sous-Lieutenant de La Chapelle et du Brigadier-Chef Schwindenhammer) constate que le secteur d'Houplines semble vide et surtout que les ponts (sur la Lys et du chemin de fer) sont détruits. La décision de prendre la direction de Bailleul par Armentières est alors prise et de nouvelles reconnaissances vont devoir être effectuées : le sous-lieutenant de La Chapelle parti en sidecar découvre Armentières déjà occupé par les forces ennemies. De leur côté, les lieutenants de Saint-Seine et de Noblet concluent à l’impossibilité d’emprunter le port d’Houplines, jugé trop marécageux et certainement inaccessible. La colonne s’arrête donc à Houplines pour y laisser ses véhicules et le matériel devenus inutiles et ses blessés. Tous les personnels valides conservent sur eux le strict nécessaire et continuent à pied.
Après un appel fait à 3h30, les hommes traversent ce qui reste du pont d’Houplines en une demi-heure. Les quatre blessés restent dans le camion-roulante qui les transportait et le maréchal-des-logis Raynaud, volontaire, reçoit la mission de les garder, avec le corps du motocycliste Mignard. La proposition de citation du maréchal-des-logis-chef Jean Collot qui sera formulée auprès du général d’armée Dufieux le est la suivante : « Excellent sous-officier, grièvement blessé aux reins par mitrailleuse, a continué à piloter son side, malgré ses souffrances, a du être abandonné sur les bords de la Lys, où il a été fait prisonnier ».
Une fois passée la Lys, la colonne pense se diriger sur Ypres et rejoindre le front de Belgique mais l’ennemi la contraint à s’orienter vers Dunkerque. Ils utilisent des camions anglais abandonnés, mais à Roesbrugge, un général anglais les menace de son revolver et les oblige à descendre des véhicules qu’il réclame en vertu du fait qu’ils sont anglais ! Parvenus tant bien que mal à Dunkerque, les hommes du chef d’escadrons de Moustier, groupés avec ceux du 8e régiment de Cuirassiers, s’embarqueront le à 18 heures. Le , le 4e G.R.D.I. sera dissous à Saint-Lautier (Haute-Garonne) par ordre du général commandant la 17e Région Militaire. Ses éléments formeront alors le 7e Régiment de Chasseurs de l’armée d'armistice.
Prisonnier et soigné dans un hôpital français capturé
Dans la matinée du , Jean Collot et les autres blessés de l'escadron sot recueillis par des éléments ennemis qui les évacuent sur la cité d'Armentières où ils resteront pendant près de deux heures. Alors, une ambulance civile dépêchée sur place les prend enfin en charge et les transporte, dans un premier temps, vers Fromelles. De là, ils sont finalement dirigés sur Béthune pour être soignés dans un hôpital français prisonnier. Il s’agit de l’ambulance d’étape n°71, fonctionnant au sein de l’institution Saint-Vaast[13]. Les Allemands y laissent fonctionner un centre de soins militaire français tombé entre leurs mains. Béthune a été intensément bombardée au cours de la journée du . Les troupes allemandes l'ont investie le 24, et ont occupé entièrement la ville à partir de cette date. Son installation est donc toute récente. Jean Collot a le « plaisir » d'y retrouver deux de ses camarades : Olivier est avec moi il a l’épaule arrachée. Le maréchal-des-logis Kohler[14], qui avait été mitraillé par l’aviation allemande le dans la banlieue nord de Cambrai, est également présent ; il a été amputé de la jambe droite.
Le , Jean Collot peut être opéré et la balle est enfin retirée. Le 1er juin, il reste faible, mais affirme qu'il va mieux... Il va pourtant mourir dans la nuit du . Le décès a été déclaré par Albert Vancassel, officier gestionnaire de l’ambulance d’étape n°71 installé à l’Hôpital Saint-Vaast, puis enregistré par Gustave Boudry, un conseiller municipal faisant fonction de maire de Béthune. Durant l'été et au vu de la profonde confusion qui règne dans le pays, les moyens de communications et les services publics, sa famille n’a toujours aucune nouvelle précise. Sa femme, comme d’autres, a pris le chemin de l’exode depuis juin, pour aller séjourner à Béziers (Hérault). À la fin du mois de arrivent toutefois quelques informations : « N’étant pas avec Jean au moment de sa blessure je ne puis moi-même vous donner que des renseignements très vagues, pris à diverses sources donc plus ou moins sûrs… Une grande partie des éléments du 4e est ici avec moi, mais il peut y en avoir ailleurs et Jean s’y trouver, ou dans un hôpital comme convalescent. J’espère que vous aurez des nouvelles bientôt ».
Peu après, le brigadier Boutherin apporte quelques précisions lorsqu’il a enfin obtenu l’adresse de sa famille[15] : « …tous les deux étions dans le même véhicule, lors de sa blessure et avions fait toute la campagne ensemble. Cela m’a fait d’autant plus de peine du fait que j’avais eu le plaisir d’apprécier ses belles qualités de chef. Comme vous le savez il fut blessé le au soir, mais rassurez-vous chère Madame sa blessure n’était pas grave au point de mettre sa vie en danger, c’était une balle à la cuisse, alors je pense qu’il a dû être évacué, mais vraisemblablement prisonnier… ».
L’avis officiel du décès du maréchal-des-logis Chef Collot ne sera notifié à la mairie de Vesoul (chargée de prévenir la famille) que le .
Retour posthume à Vesoul
Remise des effets personnels
Ses effets personnels demeurés à l'hôpital militaire Saint-Vaast (carnet personnel, carnet de Chef de groupe, montre, insigne régimentaire, médaille de Jeanne d'Arc, etc.) ont été rassemblés dans une boîte de biscuits en carton et restitués à ses parents. On ignore qui s'est chargé de cette mission (une infirmière ? un camarade de régiment ?) ni à quel moment la famille les a récupérés (envoi par la poste ? remise en mains propres par un camarade du 11e Régiment de Chasseurs revenu à Vesoul ?). Peut-être est-ce par le retour brutal de ce paquet que le décès de Jean Collot a été appris ou est devenu une certitude...
Les circonstances du décès
Il faut attendre le pour que Mme Rudant, une infirmière qui se trouve alors à Valenciennes, apporte des précisions sur les circonstances du décès de Jean Collot à sa mère, qui souhaite alors se rendre à Béthune sur sa tombe. Un désaccord semble être apparu entre la mère et l'épouse de Jean Collot quant à un éventuel rapatriement du corps. Marie Collot, qui souhaite le faire inhumer à Vesoul dès que les conditions rendront la chose possible, a obtenu que sa belle-fille lui rédige et signe la délégation de pouvoir indispensable pour lancer les démarches de rapatriement. À ce moment-là, elle pense pouvoir se rendre prochainement à Béthune pour faire procéder à l’exhumation et à la reconnaissance du corps. Marie Collot récrit à l’infirmière Rudant, qui lui apporte les précisions qu'elle attendait : « Vous me demandez quelques détails vous permettant d’avoir la certitude, lors de l’exhumation, qu’il s’agit bien de lui. Vous n’avez rien à craindre, à cette époque, nos morts pouvaient être inhumés au cimetière de la ville, il n’a pu y avoir confusion ! C’étaient les pompiers de Béthune qui venaient chercher les corps puisque nos infirmiers ne pouvaient sortir de l’hôpital. Tandis que dans les premières semaines nos pauvres blessés décédés ont été enterrés dans une fosse commune, dans la cour de l’hôpital Saint-Vaast, mais cependant ils ont été placés de façon qu’il n’y ait pas d’erreur possible et les noms ont été bien inscrits. Votre pauvre Jean a gardé son pansement, ce n’était pas à la jambe qu’il était blessé, mais au ventre, côté gauche. Comme à ce moment-là les décès étaient espacés, il n’en est pas mort d’autres de ces jours-là, il est impossible qu’il y ait une erreur, la croix portant son nom était apposée dès l’inhumation, sur la tombe ».
L'ultime courrier, parvenu quatre ans après sa mort (Noël 1944)
Pourtant, le premier , alors qu’il pensait aller mieux, Jean avait griffonné quelques nouvelles pour sa femme sur un morceau de carton récupéré dans l'hôpital et grossièrement découpé. Il ne précisait pas l’emplacement exact de la blessure, sans doute pour ne pas l’affoler : « Ma Lulu chérie, je suis prisonnier et j’ai reçu une balle explosive dans la fesse gauche. On me l’a retirée avant-hier et ça va un peu mieux. Olivier est avec moi, il a l'épaule arrachée et Kohler a été amputé de la jambe droite. Je ne peux écrire grand-chose mais je le ferai souvent. Je suis très bien soigné dans un hôpital français avec tout le personnel français prisonnier aussi. Écris à Emile et à la famille car je n'ai pas de facilités. Écris-moi à l'adresse indiquée au verso. Je te quitte en t'envoyant mes meilleurs baisers et mes plus tendres caresses. Jean ».
Cette carte ne parviendra pas à Vesoul avant la fin de la guerre. Elle est restée bloquée à Béthune dans un sac de courrier oublié dans le fatras de l'hôpital désaffecté durant toute l'Occupation ; elle attendra sur la place la Libération de la ville. La Poste française rétablie a alors pris en compte cette carte et apposé dessus une griffe horizontale « Correspondance de 1940 récupérée dans des locaux occupés par l’ennemi ». Elle reprend donc son parcours postal le et arrive à destination au moment de Noël, plus de quatre ans après la mort de son auteur.
Le rapatriement enfin possible (août 1948)
Le , la situation permet enfin le rapatriement du corps. Ses parents entreprennent donc les démarches officielles dans ce sens et demandent que la mention « Mort pour la France » figure sur son acte de décès. Le Ministère des Anciens Combattants et Victimes de Guerre répond favorablement à ces deux requêtes le et le . Quelques semaines plus tard, le , une citation n°2054/C à l’ordre de la Division comportant l’attribution de la Croix de guerre avec étoile d’argent lui est décerné par le secrétaire d’État aux Forces Armées « Guerre ». Elle mentionne notamment le fait qu’il était « toujours volontaire pour exécuter des missions dangereuses et qu’il portait ce jour là des ordres à des unités presque encerclées par l’ennemi ». Le décret du lui conférera la Médaille Militaire à titre posthume.
Exhumé le , Jean Collot est rapatrié d’abord à Besançon, avant d’être transporté à Vesoul. Ses obsèques ont lieu en l’église du Sacré-Cœur le matin du mercredi , en présence d'une foule nombreuse, des élus et des représentants des associations patriotiques. Il est ensuite inhumé dans le caveau familial, au cimetière de Navenne, sa commune de naissance.
Hommages
Une biographie illustrée de Jean Collot a été publiée en 2002[16], ouvrage pour lequel l'artiste croate Zvonomir Grbasic, spécialiste de l'histoire militaire, a réalisé une peinture le représentant.
Une exposition lui a été consacrée aux Archives Départementales de la Haute-Saône, du au , à l'occasion de son centenaire[17]. Cette exposition temporaire a été inaugurée par Yves Krattinger, président du Conseil départemental de la Haute-Saône et donne lieu notamment à l'émission d'un livret qui précise le caractère local et humain de l'exposition : « L'histoire ne s'écrit pas seulement avec des hommes illustres et des évènements exceptionnels. Elle se tisse aussi et surtout avec des existences ordinaires et leur quotidien prévisible : naissance, école, activités culturelles et sportives, études, métier, mariage, etc. ».
Mis à part quelques objets, tels qu'un mannequin en tenue de pilote motocycliste de la Campagne de France et une moto Terrot du 11e Régiment de Chasseurs, qui ont été prêtés par des particuliers ou par l'Amicale des Anciens du 11e Régiment de Chasseurs, les nombreux documents présentés dans le cadre de l'exposition (photos, lettres, cartes postales, bandes dessinées, peintures, documents administratifs, livres, cahiers, montre, médailles, diplômes, veste, skis, luge, etc.) ont été conservés à l'époque en partie par ses parents et en partie par sa veuve. Après le décès de Lucie Collot survenu en 2001, l'ensemble a été réuni.
Notes et références
- ↑ 1940. L'armistice - trahison. Le courage politique de Léonel de Moustier, Besançon, Cêtre,
- ↑ La Fédération des Éclaireurs de France (EDF), qui a tenu sa première assemblée générale en France le 2 décembre 1911, avait pour but de développer chez les jeunes gens l’initiative, le caractère, la vigueur physique, l’esprit fraternel et le sentiment de l’honneur. Respectueuse de toutes les convictions, la Fédération était ouverte à tous sans distinction d’origine sociale ou confessionnelle. Elle contribuait à l’éducation de ses adhérents en favorisant chez eux l’épanouissement de toutes les valeurs intellectuelles et morales. L'Éclaireur promettait de servir son pays, de rendre service en toute occasion et d’obéir à la Loi de l’Éclaireur. Sa devise était « Tout droit » et son emblème, un arc tendu.
- ↑ Germaine Lucie Marie Pelletier. Née le 25 février 1917 à Scey-sur-Saône. Décédée à Vesoul en 2001. Fille cadette de Henri Joseph Arthur Pelletier et de Maria Henriette Sponem. Son frère aîné Roger Pelletier (27 décembre 1913 - 15 août 1971) joua un rôle important dans la spéléologie comtoise entre 1935 et 1955 en président le SCV puis l'ASE qu'il a fondée. un deuxième fils, prénommé Robert, a succombé peu après sa naissance le 17 juillet 1923.
- ↑ Étant titulaire de ce brevet, il demandera dès le mois suivant à passer sous-lieutenant. Cantonné en Alsace avec la Mobilisation, il envoie alors un modèle de lettre à sa femme et la charge de la recopier et de la remettre à l’adjudant-chef Bahuet, resté en base arrière à Vesoul. Mais les événements feront que cette demande n’aura pas le temps d’aboutir...
- ↑ Georges Henri René de Moustier. Né le 1er septembre 1916 à Paris (75). Fils de Léonel de Moustier (5 avril 1882 - 8 mars 1945) et de Jeanne de Ligne (2 octobre 1887 - 23 février 1974). Mort pour la France le 7 octobre 1939 à Bienwaldmuhl (Allemagne).
- ↑ Organisé par le CMC de Vesoul, le 4e GRDI motorisé dépend de la 15e DIM du Général Juin. Il dispose comme matériels principaux d'AMD et d'AMR et comprend un État-Major : Colonel de Saint-Didier, Colonel Arlabosse ( : Capitaine de Rohan-Chab (adjoint), EHR : Capitaine Immer, GED : Chef d’Escadrons Le Couteux de Caumont, Chef d’Escadrons de Moustier (), Escadron AMD : Capitaine Agnes, Lieutenant Bion (), 1er Escadron Motorisé : Capitaine Charpiot, GER : Chef d’Escadrons Petiton-Saint-Mard, Escadron AMR : Capitaine Escude, 2e Escadron Moto : Capitaine Lagarde, Escadron Mitrailleuses et Canons de 25 : Capitaine Boisselet.
- ↑ Il s'agit du canon léger de 25 mm antichar SA-L modèle 1934 fabriqué par l'entreprise Hotchkiss. Sa version 1937 est capable de tirer à un peu plus de 1500 m un obus de 320g perforant 40 mm à 400 mètres.
- ↑ Pascal Degand, « Roger Pelletier (1913-1971), initiateur de la spéléologie moderne dans l’Est », Haute-Saône Salsa n° 86.,
- ↑ Edouard René Zimberlin, né le à Villeurbanne (69). Mort pour la France le 12 septembre 1939.
- ↑ A cette époque, Jacques Collot travaille la semaine à Dijon. Il loge sur place au Café de l’Union, situé Place des Cordeliers et rentre le week-end à Vesoul. Il est employé comme essayeur par l’usine de motos Terrot, dont le garage Collot est concessionnaire.
- ↑ Comédie dramatique réalisée par André Berthomieu d'après des opérettes et sortie en mai 1937, avec comme acteurs principaux Raimu, Meg Lemonnier et Henri Garat.
- ↑ Documents concernant le Groupe de Découverte du 4e GRDI. Mai-juin 1940,
- ↑ « site du collège Saint-Vaast de Béthune » (consulté le )
- ↑ Le maréchal des logis Kohler, originaire de Flagy (Haute-Saône), a consigné ses souvenirs le . Il évoque son séjour à l'hôpital Saint-Vaast : « ... L’hôpital pouvait contenir deux à trois cent blessés tous victimes de la fameuse contre-attaque déclenchée par notre armée ; le 4e GRDI était assez bien représenté par un contingent important, c’est ainsi que je devais retrouver le 26 mai encore quelques camarades blessés dans leur tentative de forcer les lignes allemandes lors de la retraite sur Dunkerque, dont le Maréchal des Logis Olivier, blessé d’un obus antichar à l’épaule et qui faillit perdre la vie, le Maréchal des Logis Collot, qui devait mourir le 16 juin, le soldat Carré atteint d’un obus antichar à la main gauche et plusieurs autres plus ou moins grièvement blessés... ».
- ↑ Lettre du brigadier Jean Boutherin datée du 28 septembre 1940
- ↑ Jean Collot, maréchal des logis Chef au 11e Chasseurs à Vesoul, Vesoul, Les Editions Comtoises, , 138 p. (ISBN 2-914425-14-7)
- ↑ « Vesoul consacre une exposition à Jean Collot né il y a cent ans et mort au front en 1940 »,
Article publié sur Wikimonde Plus
- Portail de l’Armée française
- Portail de Vesoul