Syncrétisme (psychologie)
En psychologie génétique ou en psychologique du développement, le syncrétisme est la perception globale des choses qui se développe spontanément chez l'enfant. « Le syncrétisme est une perception ou représentation globale de caractère primitif, marquée par une faible différenciation entre plusieurs éléments. »[1]
La perception de l'enfant ne part pas d'éléments isolés (détails) mais d'ensembles (globaux) qui restent cependant encore flous : « L'enfant pense d'abord par blocs cohérents entiers. C'est ce qu'on appelle le syncrétisme »[2] . Ces ensembles ne sont ni analysés, ni construits, ni organisés, ni structurés. Les rapports entre le détail et la globalité de l'objet ne sont pas conscients. Ces ensembles sont perçus « syncrétiquement »[3] (universellement, globalement) de manière singulière.
Avant sa signification actuelle dans le domaine de l'histoire des religions, Renan a emprunté le terme de syncrétisme à la théologie et à la philosophie[4]. Le terme a été ensuite repris en psychologie par Claparède, Jean Piaget. Lev Vygotski et Henri Wallon[5].
Origine de l'expression en psychologie
Le terme de syncrétisme dans ce domaine a été employé pour la première fois par Ernest Renan dans L'avenir de la science (1883) pour designer l'appréhension plus ou moins confuse d'un tout[6] : « une démarche de l'esprit générale, compréhensive mais obscure, inexacte ou tout est en tassé sans distinction »[7]. Ce concept a été repris comme tel par Édouard Claparède en 1908[8], puis plus tard à sa suite Jean Piaget dans les années 20, et de manière plus poussée dans la complexité par Henri Wallon.
- Ribot, T. (1887). L'évolution des idées générales (p. 39). Paris, 1897 (cf lois d'association in intelligence)
- Lévy-Bruhl (1910). Les fonctions mentales dans les sociétés inférieures (p.110). Paris
- Bergson, H (1917). Matière et Mémoire (p.180).
- Cresson, A (1922). Les réactions intellectuelles élémentaires.
- Pierre Janet et Georges Dumas, Journal de psychologie normale et pathologique, Presses universitaires de France, 1924
- Dewey, J. (1925). Comment pensons nous. Paris (trad par O. Decroly)
- Werner, H (1933). Einführung in die Entwicklungspychologie. Leipzig
- Segers, J.-E. (1939) Psychologie de la Lecture et l'initiation à la lecture par la méthode globale. Anvers
Claparède montre que l'enfant a une perception globale mais que celle-ci reste floue[8]. La « perception syncrétique » correspond chez lui un stade perceptif :
- La perception visuelle et la fonction syncrétique chez l'enfant. Archives de Psychologie. Vol. 7. 1908. p.195.
- Psychologie de l'Enfant et Pédagogie expérimentale. Genève - Paris 1922. p. 522
- Sur la percpetion syncrétique. L'Éducateur. 7 fév. 1925. p.42
- A propos d'un cas de perception syncrétique. rchives de Psychologie. Vol. 26. 1938. p.367
Revault d'Allonnes parle de « schématisme ». Mais, ce phénomène implique cependant une analyse préalable et suppose une synthèse consciente chez l'enfant :
- Revault d'Allonnes G. L'attention. ds G. Dumas, Traité de Psychologie. Tome 1. Paris. 1923. p.846
- La schématisation. ds G. Dumas. Nouveau traité de Psychologie. Tome IV. Paris 1934. p. 161
La méthode globale en pédagogie d'Ovide Decroly a été inspirée par ses études en psychologie sur la perception syncrétique : La fonction de globalisation et l'enseignement (1929). Il montre que « l'enfant globalise plus aisément qu'il analyse »[10]. La « globalisation » est confirmée par Claparède entre autres :
- Jonckheere, T. Note sur la psychologie des enfants arriérés. A propos de la mémoire d'un arriéré mental. Archive de Psychologie. Vol. 2. 1903. p.253
- Dr Simon, Th. Observation d'un timbre poste à l'École Maternelle et conclusion générale sur l'observation des enfants. Bulletin de la société libre pour l'étude de l'enfant, 19013, p.208 et 231
- Segers, J.-E., La perception visuelle et la fonction de globalisation chez les enfants. Bruxelles, 1926
- ...
Ce phénomène de globalisation est également confirmé par les expérimentations de Jean Piaget.
- La Causalité physique chez l'enfant en 1927
- Le langage et la pensée chez l'enfent en 1924
- Le jugement et le raisonnement chez l'enfant en 1924
Lev Vygotski discute dans Histoire du développement des fonctions psychiques supérieures (1928-1931) et Pensée & Langage (1934) du syncrétisme chez l'enfant qui est en rapport avec le concept d' « égocentrisme » de Piaget :
« Le syncrétisme est pour Piaget, on l'a dit, comme d'ailleurs les autres traits de la logiques enfantines, le résultat direct de l'égocentrisme de l'enfant. »[11].
Henri Wallon met aussi en avant les « confusions syncrétiques » chez l'enfant dans ses études :
- Les origines du caractère chez l'enfant (1934)
- La vie mentale (1938)
- L'évolution psychologique de l'enfant (1941),
- De l'acte à la pensée - essai de psychologie comparée (1942).
- Les origines de la pensée chez l'enfant (1945),
Le syncrétisme complexe de la petite enfance chez Henri Wallon est proche de la notion d' « égocentrisme » de chez Jean Piaget[12][13], mais la dépasse dialectiquement. Il présente aussi un certain rapport avec le terme de « condensation » chez Freud[12]
Égocentrisme chez Jean Piaget
Cette vision cognitive du syncrétisme qui fait peu de place à l'affectif et au social est critiquée par Lev Vygotski (Pensée et Langage) et dépassée par Henri Wallon. Cependant, dans les années 50 et surtout après la mort d'Henri Wallon, contrairement aux néo-piagétiens et aux neurocognitivistes, le regard de Jean Piaget s'harmonise dialectiquement avec ceux de Vygotski et Wallon.
Conférence sur les trois systèmes de pensée enfantine (1928)
=> cité par Émile Jalley (2006) in Wallon et Piaget - pour une critique de la psychologie contemporaine (p.31-32), L'Harmattan.
p.31 > « Piaget déclare tout d'abord se proposer d'exposée qu'il « il y aurait, antérieurement au langage et à la pense proprement dite, une organisation motrice intelligente qui constituerait la substructure de la raison ». Tout est déjà dit, d'une rationalité dont le langage ne serait que l'humble serviteur. Dans un autre domaine évidemment, Lacan pensera exactement l'inverse... . »
p.32 > « Les « trois systèmes de pensée de l'enfant » sont :
- L'intelligence motrice qui assure l'adaptation de l'organisme au chose.
- La pensée égocentrique - de deux-trois à sept-huit ans -, qui construit une représentation des choses dominée par le point de vue propre et échappant aux normes de réciprocité et d'objectivité.
- La pensée rationnelle qui, en se situant la perspective individuelle par rapport aux autres, permet à la pensée de se donner une représentation objective des choses, et de retrouver ainsi le bénéfice de l'[intelligence]] adaptative, de l'adaptation motrice préformée par l'action.
Par une triple « acquisition », la distinction du subjectif et de l'objectif, la réciprocité et la logique des relations, « la pensée devient susceptible de prolonger l'intelligence motrice ».
L'auteur développe encore a propos de l'articulation du deuxième « système » à l'égard du premier et du troisième, qu'
« entre l'action est la raison s'interpose le moi, avec les illusions de perspectives propres à l'égocentrisme... La socialisation de la pensée... en réduisant le moi à sa juste perspective... sera alors nécessaire pour permettre à la raison de construire ses normes et de rétablir le contact entre la pensée et ses schèmes moteurs »
p.32 > Toujours à propos de cette « pensée égocentrique », lit-on aussi,
« lorsqu'à l'action pure se superpose l'imagination, et au mouvement le langage, la pensée est libérée et se déploie en récits, monologues, jeux et rêverie... pensée intérieure... Il en résulte un déplacement d'équilibre : l'assimilation au moi l'emporte sur l'accommodation aux choses ». De sorte que « la pensée spontanée et inconsciemment asservie par le moi... par les sentiments et tendances égocentriques ». Ce « long intermède de la pensée égocentrique... colorée de subjectivité... échappant à toute norme interpersonnelle... interpose entre l'action et la pensée un milieu réfringent, qui est le moi. »
p.32 > Au cours de ce second stade, les ropos de l'enfant témoignent souvent d' « insupportables contradictions » provoquées par les « discordances de l'expérience » (par exemple dans le désajustement du poids et du volume, mis en évidence dans l'illusion de Demoor), et liées à la dissociation de la prévision et de l'explication, soit de l'action adaptée et de la pensée, caractérisant deux « plans divers d'intelligence...
Le premier souci de la pensée, libérée de l'action, est de chercher la satisfaction... avant la vérité... Il y a croyance sans preuve... L'imagination atténue la conscience des échecs... D'autre part, dès qu'il y a langage, il y a heurt avec la pensée d'autrui... L'égocentrisme crée, parce qu'il est inconscient, l'illusion, de l'universalité. La pensée égocentrique consiste à assimiler l'univers au moi... L'enfant conçoit tout à son image tant qu'il ne se connaît pas lui-même...
Ces caractères de l'égocentrisme... ont une signification. Si la raison est seule à fournir des normes que l'égocentrisme ignore, l'imagination est peut-être seule à pouvoir servir de moteur à l'invention, et si l'invention mène au rêve quand elle n'est pas disciplinée, une raison trop précoce mènerait sans doute à la stérilité...
p.33 >
La raison ne saurait triompher qu'à la suite d'une « conversion» progressive du moi... L'assimilation initiale est déformante et n'est pas comparable encore à l'assimilation rationnelle... La pensée ne saisit d'abord que des absolus. La relativité ne peut être aperçu que sous la pression des contradictions... L'intelligence motrice comporte un mélange d'élément dont les une demandent à^être éliminés, les autres développés et disciplinés pour que devienne possible la pensée rationnelle... qui permet à l'esprit de retrouver l'élément d'accommodation esquissé par l'intelligence motrice primitive... La continuité entre l'action et la pensée, le mouvement et la raison ne se réalise complément après coup
Par la coopération mentale avec son entourage... L'enfant prend conscience de sa subjectivité... et aboutit à une représentation objective des choses, l'objectivité se définissant par la communicabilité... la nécessité d'un accord lui suggère la notion de réciprocité... qui n'est pas une croyance, mais un idéal... Toute notion est tenue de renoncer à son caractère d'absolu pour se muer en relation. La construction d'un univers de relation succède dès lors au réalisme des qualités conceptuelles
La raison apparaît ainsi comme un système de normes permettant l'adaptation de la pensée individuelle au milieu physique et au milieu social. La raison exige une conversion du moi. Mais, le sacrifice du moi permet à l'individu de se trouver lui-même. Promu comme personnalité au plan moral, il conquiert l'autonomie dans le domaine intellectuel. Alors seulement s'établit la continuité entre l'action et la pensée. »
Globalisation chez Ovide Decroly
Syncrétisme complexe chez Henri Wallon
Terme technique par Émile Jalley
=> Émile Jalley (1981). Wallon Lecteur de Freud et Piaget (p.537). Éditions Sociales.
« ... Wallon applique la notion de syncrétisme au domaine affectif et social, au domaine intellectuel, et il parle aussi du syncrétisme de la personne. Le syncrétisme désigne un état encore global, confus, indifférencié, fusionnel des conduites et des phénomènes psychique.
La première année de développement est marqué selon Wallon par la sociabilité syncrétique, où l'échange circule entre partenaires non encore différenciés comme tels, du moins du point de vue de l'enfant.
La transition entre la première année et la deuxième années amorce une différenciation du syncrétisme affectif sous l'effet d'expériences comme la sympathie (9 mois) et la jalousie (14 mois).
Le stade de personnalisme (de 3 à 6 ans) marque le début de la sociabilité différenciée, mais aussi l'apogée simultanée du syncrétisme intellectuel et du syncrétisme de la personne.
Sur le plan intellectuel, le syncrétisme marque le fonctionnement de la pensée par couple. il consiste à un « confusionnisme généralisé », en une prédominance de l'affectivité sur l'objectivité, en une incapacité d'analyse et de synthèse. L'activité mentale est morcelée par des mouvements contradictoires qui aboutissent à des formules de compromis instables.
La période de la scolarité élémentaire (de 6 à 10 ans à peu près), « précatégorielle », se caractérise par la résorption progressive du syncrétisme tant de l'intelligence que de la personne, grâce à l'apparition d'un pouvoir d'analyse et de synthèse, et aussi d'une « personne polyvalente ». ... »
Misère et Grandeur du syncrétisme par Tran-Thong
=> Tran-Thong (1992) Stades et concept de stade de développement de l'enfant dans la psychologie contemporaine. 11 éditions. Librairie Philosophique J. Vrin.
p. 202 > L'activité intellectuelle de l'enfant à ses début, avec les structures élémentaires du couple et d'interactions des couples dont dispose sa pensée, évolue à travers es conflits et des contradictions multiples et incessants résultant des conditions internes et externes de sont déploiement. La mentalité puérile et ses productions peuvent être décrites par la notions de syncrétisme qui cependant n'est pas pure insuffisance mais comporte aussi des aspects positifs.
Négativement, l'activité intellectuelle de l'enfant est syncrétique ou globale ,
« c'est-à-dire qu'il ne sait pas décomposer l'objet ou les situations en propriétés ou en circonstances diverses, et qu'entre tout ce qui les manifeste à sa sensibilité ou à sa connaissance, y compris ce qu'il y met de lui-même, il y a fusion et confusion, de telle sorte que chaque trait, même accidentel, semble vouloir tous les autres et peut-être donné comme exprimant la totalité. Mais la confusion va plus loin encore. Non seulement les différentes espèces de qualités ou de circonstances semblent sembles équivalentes dans l'ensemble où elles se rencontrent, mais elles sont données es unes pour les autres, comme s'il n'y avait pas entre elles de diversité qualitative ou comme si elles étaient, sous des noms variables, parfaitement interchangeables. À l'âge de 7 ou 8 ans encore les explications de l'enfant fourmilles de ces substitutions » (Wallon, 1945, p.263).
Positivement, le syncrétisme constitue des formules ou solution de compromis.
« Il n'est pas simple insuffisance; il est, à sa façon, une activité complète en présence des choses » (Wallon, 1941, p.181)
Aussi,
« il a ses niveaux et sa signification fonctionnelle » (Wallon, 1945, p.278)
Il débute lorsque l'intelligence discursive émerge de l'activité pratique et de la vie affective, comme compromis entre la représentation qui se cherche et la diversité du réel et des formules du langage.
très tôt, dit, Wallon, le langage pose, avec ses formules, des problèmes devant l'esprit de l'enfant; il cherche à manier ces formules comme il manie les objets » (Wallon, 1938, p.8. 32-12)
p. 203 > Puis le syncrétisme se développe s'élargir.
« La globalisation peut saisir des ensembles plus ou moins vastes et plus ou moins cohérents. Elle peut, suivant le cas, sembler fragmentaire ou à grand rayon... Suivant l'âge de l'individu, le nombre et la diversité des circonstances qu'il (le syncrétisme) agglutine peuvent varier. Il peut d'ailleurs montrer de l'activité encore chez l'adulte » (Wallon, 1945, p.278)
Lorsque le nouveau pouvoir de discrimination intellectuelle apparaît vers 6 ans, rendant possible l'activité d'analyse et de synthèse qui mène progressivement à la constitution des catégories, le syncrétisme se dépouille de son confusionnisme généralisé, caractéristique de son étape enfantine, mais reste à l'échelle de la connaissance, une démarche essentielle, un moment nécessaire à la pensée rationnelle.
...etc »
Syncrétisme et émotion
=> Henri Wallon (1987). Conscience syncrétique (p.95-96). In Les origines du caractère chez l'enfant (1934)
« Quand l'émotion reste maïtresse du terrain, c'est d'une tout autre façon que s'établit le contact entre ses manifestations et les situations diverses qui lui répondent extérieurement. En même temps que l'emportent les impressions organiques subjectives qui constituent la sensibilité émotionnelle, s'efface la délimitation du moi et du non-moi, qui repose, au contraire, sur la réduction des impressions intimes au profit de celles où semblent s'exprimer, quelles que soient les dispositions particulières du sujet qui perçoit, les qualités intrinsèques de la réalité. La sensibilité redevient confuse, globale, indivisible, et dans la mesure où l'influences extérieures y trouvent encore accès, c'est en se combinant de telle façon à son contenu qu'elles y deviennent individuellement indiscernables et qu'elles sont unies à la totalité de ce qui l'occupe actuellement. Cette absence de parties distinctes dans l'ensemble est l'état qui a été dénommé syncrétique. La perception peut être syncrétique comme la pensée. Il s'agit dans les deux cas, d'un stade primitif où vont de pair défaut d'éléments décomposables entre eux et subjectivité, défaut d'images ou de circonstances qui puissent être confrontées et affectivité. La sensibilité de l'émotion est essentiellement syncrétique. Il en résulte qu'elle agglutine, de manière en quelque sorte indissoluble, tout ce qui a pu participer d'elle, et qu'ainsi la circonstance la plus fortuite qui s'est trouvée introduite par les événements dans une émotion devient apte à la représenter ou plutôt à provoquer le retour de ses effets. »
La pensée syncrétique
=> Henri Wallon (1942). Chapitre II - La pensée syncrétique. De l'acte à la pensée - essai de psychologie comparée. Flammarion
Dans la formation de la connaissance
=> Henri Wallon (2012), L'Évolution psychologique de l'enfant (p. 185). Armand Collin . (1941)
Du syncrétisme infantile au syncrétisme formel
=> Henri Wallon, Les origines de la pensée chez l'enfant (p. 269). PUF. (1945)
« Il est devenu courant de définir l'activité intellectuelle de l'enfant comme globale ou syncrétique. Cette représentation de l'évolution mentale dans les débuts de l'ontogenèse a, pour sa part, contribué à montrer l'insuffisance et la fausseté des analyses qui mettaient aux origines de la vie psychique des éléments déjà individualisables, démultipliés, périphériques et taillés dans l'étoffe de la connaissance, comme sont les images et leurs soit-disant prototypes, les sensations. Avec le syncrétisme l'intelligence commence par émerger de l'activité pratique et de la vie active.
Dans la mesure où elle y est plus ou moins confondue, le syncrétisme est son étape infantile. Il ne doit d'ailleurs pas être décrit que négativement. Il a ses niveaux et sa signification fonctionnelle. La globalisation peut saisir des ensembles plus ou moins vastes et plus ou moins cohérents. Elle peut, suivant le cas sembler fragmentaire ou à grand rayon. C'est ainsi que se résout la contradiction d'une aperception limitée aux détails, comme elle est constituée chez l'enfant, et d'une vision globale. Les ensembles sont très limités, mais il ne présentent pas les articulations externes ou internes qui distinguent une pensée ordonnées du syncrétisme.
À un niveau très bas, en particulier chez l'animal, le syncrétisme peut réduire son champ au point de rappeler l'abstraction. Suivant l'âge de l'individu, le nombre et la diversité des circonstances qu'il agglutine peuvent beaucoup varier. Il peut d'ailleurs montrer l'activité encore chez l'adulte. Étudier sa disparition chez l'enfant, c'est évidemment voir les confusions initiales se résoudre selon des plans et des perspectives qui permettent d'ordonner entre eux les événements et les choses, de manières à en découvrir et en exprimer les relations constantes ou les propriétés stables. C'est là un progrès évident dont est possible de constater l'importance dans le développement intellectuel de l'enfant. Mais, la substitution radicale de ces invariants à la réalité perspective n'est pas sans inconvénient à l'échelle de la connaissance elle-même. Car, ils sont vites tenus pour la réalité originale, pour primitifs, inéluctables, nécessaires, pour l'absolu ou de l'a priori. Or, l'histoire de la pensée montre que, jamais encore, ils n'ont exprimé la réalité dans sa totalité, et ce reste qui est laissé s'oppose un jour à l'extension indéfinie de leurs conséquences.
Leur refonte s'impose alors, qui ne serait pas tenue chaque fois pour un scandale de la raison, s'ils n'avaient pas été pris pour les données initiales et fondamentales de l'expérience - ce mélange de l'être et de la connaissance - et si l'état de sensibilité et d'intelligence qui les a précédés, aussi bien dans l'espèce que chez l'individu, n'avaient pas été méconnu. Les nouvelles délimitations ou réductions mutuelles qu'ils doivent alors subir pourrait être interprétées comme un retour passager par le syncrétisme primitif.
Car à l'échelle de l'individu, la persistance d'un certain syncrétisme sous le formalisme usuel et collectif de la perception ou de la connaissance est sans doute la condition, dans tous les domaines, esthétique ou savant, d'une invention vraiment nouvelle. »
Synthèse sur le syncrétisme
Par Armand Cuvillier
=> Armand Cuvillier (1996). Cours de Philosophie - tome 1. Le livre de Poche
Contenu du jugement et assertion (§169)
p.260 > Cette définition « Juger, c'est affirmer ou nier » permet de distinguer deux problèmes d'un points de vue psychologique :
- Le jugement à un contenu : il consiste à affirmer ou nier quelque chose. Il n'est pas nécessairement constitué par deux idées. [Le contenu du jugement a un développement historique. Il passe d'une perception confuse à une conception claire et distincte, puis à une prise de conscience explicite.]
- Mais le jugement n'est pas simple conception du rapport : il est affirmation ou négation de ce rapport, il est assertion, c'est-à-dire qu'il pose le rapport cpmme vrai (jugements affirmatifs) ou comme faux (jugements négatifs)
Le syncrétisme primitif : le jugement comme analyse (§170)
[A.] p.261 > « ... une des caractéristique de la pensée enfantine est son syncrétisme, c'est-à-dire la confusion en un seul tout mental du sujet pensant et de l'objet pensé et bien souvent aussi des différents objets entre eux [§40 et 102]. D'où ces « contaminations » et ces « disgressions » (§165) qu'Henri Wallon[14] comme J. Piaget[15] signalent dans la pensée de l'enfant, par suite de l'insuffisance du « pouvoir discriminateur » de son intelligence, de son « inaptitude à dégager de la masse où ils plongent les éléments qu'exigerait le processus intellectuel ». c'est à dire que la psychologie de la Gestalt [Forme] pour s'opposer au postulat de ces psychologues trop logiciens selon lesquels il y aurait antériorité psyhologique des termes par rapport à l' aperception de la relations.
[B.] p.261 > « Ajoutons-y ces « confusions syncrétiques » inhérente à la représentation concrète des choses » et qui interdisent à l'enfant l'accès du « monde des relations » :
« Pour lui, chaque objet est un conglomérat de qualités, dont il peut bien faire l'inventaire successif à mesure qu'il imagine pour les besoins de l'explication ou de la description, mais sans savoir les discerner entre elles. Bien au cntraire, il leur attribue une sorte d'unité fondamentale qui est à la fois celle de son acte mental et celle de l'objet » (Wallon[16])
L'enfant est donc, primitivement du moins, incapable de poser un sujet logique et un attribut ou un complément, conçus de façon objective, qui fourniraient les deux termes du rapport. L'un et l'autre sont englobés sans distinction dans l'acte perceptif, d'autant plus que la perception de l'enfant elle-même a elle aussi un caractère syncrétique (§83). »
par René Zazzo
=> René Zazzo (1945). Le Devenir de l'intelligence. PUF.
Vision par la logique de Jean Piaget
p.33 > « Si l'évolution intellectuelle de l'enfant nous apparaît alors comme une socialisation progressive de sa pensée on supposera à l'origine une pensée purement subjective, égocentrique. L'égocentrisme se mesure, d'après Piaget, par l'importance des soliloques puérils et des pseudo-conversations - « monologues collectifs » - où les enfants parlent chacun pour soi sans se préoccuper, au fond de l'interlocuteur. caractère si fondamental que les psychologues en arrivent à considérer que tous les traits de l'intelligence infantile « se développent à partir de lui pour former un faisceau rayonnant »[17]: réalisme intellectuel, insensibilité à la contradiction,incapacité à manier des rapports logiques, animisme, artificialisme, syncrétisme. »
p.34 > « L'égocentrisme est un stade intermédiaire entre la pensée socialisée de l'adulte et l'autisme où l'enfant qui ne parle pas encore se trouve encore plus isolé. Un seul terme peu marquer une négation plus profonde du monde extérieur : le solipsisme [un égocentrisme radical selon Piaget]. » [...]
p.35 > [...] En fait, la théorie égocentrique de la mentalité enfantine traduit l'ostracisme de l'adulte, plus précisément du psychologue qui découvre l'étrangeté de l'enfant, elle procède aussi chez Piaget de cette croyance intellectualiste que la pensée logique est, pour l'être humain, le seul moyen de communique avec ses semblables. L'enfant n'est socialisé, dit-il, parce que son activité d'expression et de relation - jeu, imitation, émotion - - « ne s'accompagne pas d'un échange d'idée »[18].
[OR], La société est d'abord autre chose qu'un échange d'idées, elle est communion affective. [...]. p. 36 > La meilleur façon, pour l'enfant, de rencontrer ses semblables, c'est de jouer avec eux. [...]
[Ainsi], il n'y a pas d'autisme infantile que d'égocentrisme puéril. »
Regard par l'émotion d'Henri Wallon
p.36 > « Wallon nous a révélé, en même temps que la signification fonctionnelle de l'émotion, une forme toute primitive de sociabilité qu'il qualifie de « syncrétique »[19]. : les pleurs, les cris, les sourires deviennent très tôt un moyen d'agir sur les choses par l'intermédiaire des personnes; le petit n'est pas un être isolé du monde : il aime, il jalouse, il rivalise, il tyrannise; par mimétisme affectif il participe à tout ce qui l'entoure. Et c'est quelques années plus tard,vers 7 ans, à l'âge où Piaget croit observer un déclin de l'égocentrisme, que l'égocentrisme deviendrait possible d'après Wallon, à cet âge-là en tout cas que s'achèverait une première phase de grande sociabilité.
Si l'on dégage maintenant de leurs perspectives intellectuelles les riches observations de Piaget, si l'on constate que l'enfant ne sait pas échapper aux distractions du monde qui le captive et qu'il captive, que sa pensée est encore incapable d'exocentrisme comme d'égocentrisme[20] parce que la distinction n'est pas encore nettement tranché entre le subjectif et l'objectif, le désir et la réalité, la pensée et la chose pensée, le moi et le non-moi, alors c'est autour de la notion de syncrétisme que se grouperont le plus facilement tous les aspects de la mentalité puérile. »
Pointillisme et syncrétisme, ou singularité
p.37 > « Le syncrétisme est souvent déroutant pour l'adulte, non pas qu'il lui soit foncièrement étranger (le syncrétisme amalgame la plupart de nos opinions, de nos sympathies et de nos haines) mais comme il est en somme la négation de la pensée analytique celle-ci ne le saisit directement que sous son aspect négatif.
Est c'est ainsi que les psychologues se disputent encore sur cette allure contradictoire de l'intelligence enfantine qui serait tout à la fois syncrétique et pointilliste,
- tantôt capable de distinguer certains ensembles dans la complète ignorance des éléments, comme d'identifier par exemple une page de musique sans rien connaître du solfège,
- tantôt au contraire incapable de dominer le détail comme la description d'image (celle de Binet par exemple) où l'énumération précède de 10 ans l'interprétation de l'ensemble.
/!\ les détails perçus par l'enfant ne sont pas les éléments d'une analyses ET que l'ensemble syncrétiques ne sont pas des synthèses.
La perception et la compréhension de l'adulte sont profondément structurées, c'est-à-dire que les parties sont par rapport au tout organisées, hiérarchisées [cf abstraction].
[A CONTRARIO], Chez l'enfant, ce pouvoir de structuration est encore très faible : le détail comme l'ensemble est une réalité singulière[21], antérieur à l'opposition de la partie et du tout, de l'individuel et du général; chacun de ces couples étant d'ailleurs une notion antithétique mais indissociable comme l'opposition analyse-synthèse qui les engendre [cf contradiction].
p. 38 > « En somme, il n'y a de détail et d'ensemble que pour l'adulte qui interprète la réponse de l'enfant.
[ex :
- image complexe et peu synthétique : perception des singularités que l'on nommera détail
- expérience simple et unifié : perception de l'ensemble dans sa singularité]
Incapable d'organiser ses expériences et d'enchaîner logiquement ses états mentaux, l'enfant procède par juxtaposition, par transduction, suivant l'expression de Stern.
- La juxtaposition - spatiale - est surtout apparente dans ses dessins où l'enfant, incapable de synthèse, étale vôlontier tous les détails aux ils pensent successivement.
- La transduction - temporelle - s'exprime avec le plus d'évidence dans ses récits où les « parce que » les « puisque » sont remplacés par les « et puis », les « alors », les « des fois ».
par ce passage du singulier au singulier - la transduction - Wallon explique métamorphisme et fixisme autres aspects contradictoires de la mentalité puérile :
- l'adulte continue de voir, sous leurs changements « l'identité des êtres et des choses »;
- l'enfant « se croit fixe à la fixité de tout » mais, du même coup le passage d'un état à l'autre se présente (p.39 >) pour lui comme discontinuité, une rupture d'être, une métamorphose : n'importe quoi peut se transformer en n'importe quoi. c'est le merveilleux des contes. »
Mots (Apparence et symbole), vers la fin du syncrétisme infantile
p.39 > « Incapable de dépasser la simple apparence des phénomènes, apparence qui n'est jamais sensoriel pur d'ailleurs mais perception active, l'enfant et phénoméniste ou, l'expression prend ici le même sens, réaliste. Réaliste est celui qui prend les apparences pour la réalité. Il fait en effet distinguer l'objectivité est le réalisme :
« L'objectivité consiste à si bien connaître les milles intrusion du moi dans la pensée de tous les jours et les milles illusions qui en dérivent - illusion de sens, du langage, des points de vue, des valeurs, etc. - que pour se permettre de juger, l'on commence par se dégager des entrave du moi. Le réalisme au contraire, consiste à ignorer l'existence du moi (c'est le théoricien de l'égocentrisme qui écrit cela) et, dès lors, à prendre la perspective propre pour immédiatement objective, et pour absolue » (Piaget, J. La représentation du monde chez l'enfant, p.4).
Il ne serais pas difficile d'ailleurs de trouver dans la pensée de l'adulte, et jusque dans ses théories philosophiques les plus subtiles, les traces de cette naïveté : c'est tout simplement l'anthropocentrisme. »
p.39 > « Toute l'évolution de la pensée consistant en somme à purifier les symboles, à dégager complétement le nom de la chose nommée, on doit s'attendre à trouver dans les croyances de l'enfant et même celle de l'adulte des symboles encore impurs, l'adhérence des noms aux choses. D'ailleurs ce qu'on appelle symbole dans le langage des poètes et des magiciens c'est un être à mi-chemin entre ciel et terre, une résonance affective et par là même un pouvoir. Le mot est l'apparence de réalité à laquelle l'homme se laisse le plus facilement prendre. Pour l'enfant il n'y a pas vraiment de magie parce qu'il n'y a pas de système. Mais, par son impuissance à l'abstraction, le nom est une qualité inséparable de la chose, une partie de cette chose, confusément la chose elle-même. »
p.40 > « Pendant bien longtemps l'enfant ne comprend pas qu'un même objet puisse avoir plusieurs noms; et d'ailleurs s'il sait fort bien que les mots de sa langue maternelle ont leur traduction dans des langues étrangères, l'adulte même cultivé ne parvient que très difficilement à sentir la réversibilité d'une telle traduction. »
[ex :
- pour un français, chien veut dire dog et non l'inverse
- le mot adjectif assimilé au mot verbe génère une « confusion de deux catégories verbales dont l'une sert de contenu à l'autre, c'est à dire sous une forme particulière complexe la confusion du nom et de la chose nommé : le mot adjectif désigne un substantif. »]
« L'enchaînement irrationnelle des pensées de l'enfant procède d'une « logique » plus profonde, affective. Logique du sentiment et de l'action qui ne connaît pas le va-et-vient de la déduction et de l'induction, de l'analyse et de synthèse. La pensée de l'enfant, comme le geste auquel elle reste adhérente, est irréversible : elle est incapable de remonter le courant de conscience, incapable de revenir sur elle-même « pour se lancer dans des directions nouvelles. Une pensée d'enfant [moins de 8-9 ans] n'est jamais une hypothèse.»
p. 41 > [...] « L'entrée à la « grande » école coïncide à peu près avec l'apparition d'une mentalité nouvelle. Ses aptitudes sensori-motrices et logiques se développent et conduisant l'enfant à l'objectivité. Son intérêt se porte alors sur les choses, il devient manipulateur, bricoleur, et capable d'une pensée plus intime. Moins syncrétique et plus égocentrique si l'on en donne à ce dernier terme le sens qu'il peut avoir pour l'adulte. Il parvint à la notion de causalité mécanique, à la compréhension des rapports concrets entre les choses, par là même à une maturité intellectuelle sur le plan sensori-moteur. [...] ».
Réactualisation au XXI : Pensée par couple et catégorisation
Pensée précatégorielle
=> Wallon Henri. La pensée précatégorielle chez l'enfant. In: Enfance, tome 5, n°2, 1952. pp. 97-101. DOI : https://doi.org/10.3406/enfan.1952.1235 URL : www.persee.fr/doc/enfan_0013-7545_1952_num_5_2_1235
La pensée catégorielle est celle qui sait rassembler sous la même rubrique les objets où se rencontre un même trait caractéristique. Ce pouvoir n'est pas simple et primitif. Il n'existe pas d'emblée chez l'enfant, et certaines lésions cérébrales peuvent l'abolir chez l'adulte.
Ce qu'on appelle syncrétisme chez l'enfant c'est précisément l'impuissance à distinguer entre elles dans un même objet ou dans une situation les qualités ou circonstances par où ils peuvent être perçus ou connus, et par suite à isoler ces qualités ou circonstances de manière à savoir les retrouver ailleurs.
A propos de certains aphasiques Goldstein a montré que parfois une qualité peut être dénommée dans chaque objet particulier sans être reconnue comme semblable dans tous : la fraise est rouge, le jeton est rouge, l'encre est rouge, mais sans que « rouge » leur soit un dénominateur commun et sans qu'on sache dire d'eux tous simultanément qu'ils sont rouges. La qualité adhère à l'objet, au lieu de le transcender, et le nom à la qualité perçue, sans être capable de la faire identifier comme telle, ni de la faire évoquer à propos d'objets quelconques. Chaque objet condense sur lui ce qui le touche, si bien que d'objet à objet il ne peut s'instituer de similarité, ni entre les objets de série continue. La qualité ne constitue pas encore un champ où chacun puisse être distribué suivant sa nuance particulière et en dépit des autres qualités qui lui sont propres.
Approche contemporaine
=> Santolini Arnaud, Danis Agnès, Tijus Charles, « Qualités, propriétés et couples : une approche contemporaine de la précatégorisation chez Henri Wallon », Enfance, 2002/4 (Vol. 54), p. 317-340. DOI : 10.3917/enf.544.0317. URL : https://www.cairn.info/revue-enfance1-2002-4-page-317.htm
« Selon Wallon, le descripteur central des activités de catégorisation verbale à cette étape du développement, dite « précatégorielle », syncrétique, est la « pensée par couple ». Opposée à la « pensée catégorielle », celle qui « sait rassembler sous la même rubrique les objets où se rencontrent un même trait caractéristique » (Wallon, 1945), la pensée syncrétique est celle dans laquelle « la qualité adhère à l’objet » (Wallon, 1952). On peut relever que les termes de qualité, de propriété, de catégorie, de syncrétisme, de pensée par couple, de pensée précatégorielle et catégorielle constituent le lexique wallonien de la catégorisation des objets (cf. Tran Thong, 1967, pour une présentation d’ensemble). À notre avis, le concept structural de « pensée par couple », en particulier, est méconnu par la psychologie contemporaine. Or, il présente pourtant l’avantage d’unifier des processus analysés de façon disparate et parcellaire dans les recherches sur la catégorisation, et celui de faire réfléchir aux mécanismes de passage d’une étape à l’autre (de la qualité-substance à la qualité-catégorie).
Mais nous pensons aussi que la psychologie cognitive contemporaine doit être interrogée dans une confrontation critique avec les descripteurs walloniens. Une différenciation plus élaborée du concept de « propriété », notamment, nous paraît capable d’aider à approfondir l’approche de Wallon. Mais sur bien d’autres points – d’autres « couples » – il y a une convergence frappante qui devrait inscrire les concepts de Wallon sur la catégorisation, plus d’un demi-siècle après leur élaboration, au cœur des préoccupations contemporaines sur les activités de catégorisation chez l’enfant.
Nous présenterons la théorie wallonienne du développement de la catégorisation, ses fondements, son apport à l’étude du développement cognitif, puis le concept de « pensée par couple », avant d’examiner comment les modèles informatiques de représentation des connaissances développés dans le champ des sciences cognitives peuvent contribuer au repérage et à l’analyse de certains des « couples » dégagés par Wallon et fournir des pistes pour la recherche. En retour, la conception wallonienne des couples présente une valeur heuristique pour la recherche en sciences cognitives sur le développement des activités symboliques. »
La pensée « précatégorielle », où les procédés fusionnants de l’intelligence pratique font encore sentir leurs effets, est donc syncrétique : le syncrétisme « identifie la qualité à l’objet et confond entre elles toutes les qualités du même objet » (Wallon, 1945, p. 444).
Notons, à cet égard, que les constats actuels sur la prédominance de la corrélation des indices chez les jeunes enfants – la couleur d’un objet servant encore à prédire, à 3,5 ans, ses propriétés causales dans la mise en œuvre d’un mécanisme (Nazzi & Gopnik, 2000) – sont très compatibles avec la vision wallonienne du syncrétisme. Ce processus est entretenu, comme le rappelle Malrieu (1993, p. 67), par la non prise de conscience par l’enfant des sources de ses connaissances et de ses énonciations. Le syncrétisme désigne ainsi une tendance générale de la pensée enfantine.
Mais comment opère-t-il plus précisément ? C’est à ce niveau fonctionnel qu’intervient la « pensée par couples », qui impose sa logique de couplage d’objets et de qualités/propriétés. Comme Tran Thong (1967, p. 194) l’a bien résumé :
« Elle est l’instrument intellectuel primitif dont dispose l’enfant durant sa période précatégorielle. Elle est à la base des manifestations du syncrétisme à travers ses différents niveaux. C’est d’elle et de ses différenciations successives que procèdent la constitution des catégories et la formation des opérations mentales. » »
Références
Notes de bas de page
- ↑ Hélène Ricaud-Droisy, Nathalie Oubrayrie-Roussel et Claire Safont-Mottay, Psychologie du développement: Enfance et adolescence, Dunod, 3 décembre 2008 (ISBN 9782100538683), p. 67
- ↑ Lev Vygotski, Histoire du développement des fonctions psychiques supérieure, La Dispute, 2014, 601 p. (ISBN 978-2-84303-253-0), p. 441
- ↑ Armand Cuviller, Cours de Philosophie, t. 1, Le Livre de Poche, 1996, 658 p. (ISBN 978-2253-040217), p. 103-106
- ↑ ↑ Motte, A., & Pirenne-Delforge, V. (1994). Du «bon usage» de la notion de syncrétisme. Kernos. Revue internationale et pluridisciplinaire de religion grecque antique, (7) : « note 10 : Il faut signaler aussi, à la même époque [à la fin du XIX], l'emploi du terme en un sens essentiellement psychologique. Dans L'avenir de la science (1883), RENAN désigne par là l'appréhension plus ou moins confuse, d'un tout. Le mot sera repris, avec cette même valeur, mais dans une acception plus technique, par Claparède et Piaget. ... » (p.16).
- ↑ Tran-Thong, Stades et concept de stade de développement de l'enfant dans la psychologie contemporaine, Vrin, 1993, 456 p. (ISBN 2-7116-0711-9), p. 323
- ↑ ↑ Tran-Thong, Stades et concept de stade de développement de l'enfant dans la psychologie contemporaine, Vrin, 1967 (ISBN 9782711607112) p. 194
- ↑ Renan cité par René Zazzo (1945), Le devenir le l'intelligence (p.37), PUF.
- ↑ Revenir plus haut en : 8,0 et 8,1 Claparède, É., « Exemple de perception syncrétique chez un enfant », Genève. Archives de psychologie (t.7)., 1908, p. 198
- ↑ Seger, J.-E. (1948). La psychologie de l'enfant normal et anormal d'après le Dr Decroly (p.262). Delachaux et Niestlé.
- ↑ Seger, J.-E. (1948). La psychologie de l'enfant normal et anormal d'après le Dr Decroly (p.260)
- ↑ Lev Vygotski (2013). Pensée & Langage (p. 85). La Dispute.
- ↑ Revenir plus haut en : 12,0 et 12,1 Émile Jalley (1981). Wallon Lecteur de Freud et Piaget (p.537). Éditions Sociales
- ↑ Émile Jalley, Wallon et Piaget : pour une critique de la psychologie contemporaine, Harmattan, 2006, p. 127.
- ↑ g. H. Wallon, Les Origines de la pensée, P.U.F., 1945, t.1
- ↑ c. J. Piaget, Le jugement et le raisonnement chez l'enfant, Delachaux, 1924
- ↑ g. H. Wallon, Les Origines de la pensée, P.U.F., 1945, t.1
- ↑ Bourjade, J. (?). L'intelligence et la pensée de l'enfant (p.144). (?)
- ↑ Piaget, P (?). Le langage et la pensée chez l'enfant (p.19). (?)
- ↑ Wallon, H. Les origines du caractère chez l'enfant.
- ↑ Wallon, H. L'évolution psychologique de l'enfant (p.183, 1ère éd.).
- ↑ Wallon, H (1941). L'évolution psychologique de l'enfant (p.180, 1ère éd).
Bibliographie
- Claparède, É. (1908) Exemple de perception syncrétique chez un enfant (p.198). Genève. Archives de psychologie (t.7).
- Piaget, J. (1924). Le jugement et le raisonnement chez l'enfant. Delachaux.
- Wallon, H (2012). L'évolution psychologique de l'enfant (p.183-188). Armand Colin (1ère éd. 1941)
- Wallon., H. (1989). Les confusions syncrétiques. in Henri Wallon (1989). Les origines de la pensée chez l'enfant (p. 264-304). PUF. (1ère édition 1945)
- Wallon, H (1942). Chapitre II - La pensée syncrétique. De l'acte à la pensée - essai de psychologie comparée. Flammarion
- Zazzo, R (1945). Le Devenir de l'intelligence. PUF.
- Cuvillier, A. (1996). Cours de Philosophie. t.1. Live de Poche (d'après l'édition de 1954, Armand Colin)
- H. Hannoun, « Syncrétisme (psycho.) », dans S. Auroux (dir.), Les Notions philosophiques, Dictionnaire, II, Paris, 1990, p. 2524.
Hélène Ricaud-Droisy, Nathalie Oubrayrie-Roussel et Claire Safont-Mottay Psychologie du développement: Enfance et adolescence, Dunod
- Boutillier Claire, « Trois modèles de référence en psychologie du développement », dans Mémento de psychologie du développement. à l’usage des professionnels de l’accueil des bébés, sous la direction de Boutillier Claire. Toulouse, ERES, « 1001 bébés », 2012, p. 13-22. URL : https://www.cairn.info/memento-de-psychologie-du-developpement--9782749215464-page-13.htm