Footballeurs et politique

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Les années 60-70 : naissance et apogée de l'engagement

La naissance de l'engagement

Jusqu'aux années 60, l'engagement des footballeurs dans le monde de la poltique est très limité. Il résulte de circonstances exceptionnelles. Ainsi, pendant la Seconde Guerre Mondiale, l'ailier du Red Star, Rino Della Negra, immigré italien et communiste, membre des FTP-MOI, est fusillé par les nazis le 21 février 1944, comme 21 autres membres du groupe Manouchian[1]. Les années 60 vont voir naître la notion d'engagement des footballeurs dans la vie politique. En Italie, où football et poltique sont étroitement liés, la Démocratie Chrétienne et le Parti Communiste Italien attire certains footballeurs. Renzo Ulivieri, entraîneur mythique entre autres de Bologne FC ou de Parme AC, prend sa carte au Parti Communiste Italien et devient conseiller municipal. Pour lui, football et poltique sont indissolublement liés. Gianni Rivera, qui affiche des idées proches de la gauche non-communiste, est décrit par Pasolini comme l'image de l'Italie démocrate-chrétienne. En France, Serge Mesonès, dans les années 60-70, milite pour le PCF et n'hésite pas à engager des débats poltiques avec les autres joueurs comme à l'AJ Auxerre[2].

Mai 68, l'explosion

Mais ce sera Mai 68 qui constituera l'électrochoc. Aux quatre coins de l'Europe occidentale, des engagements politiques naissent. En Norvège, le footballeur international Egil Olsen, qui deviendra sélectionneur national trente ans plus tard, milite au Parti Communiste des Travailleurs[3]. En RFA, le défenseur international Paul Breitner se déclare maoïste avant d'afficher sa sympathie pour les mouvements hippies. En Italie, Paolo Sollier, avant-centre prolifique de Pérouse, explique dans son livre autobiographique « Calci e sputi e colpi di testa » son engagement poltique dans le groupe d'extrême-gauche Avanguardia Operaia[4]. En France, une centaine de footballeurs amateurs ainsi que les deux joueurs du Red Star, Mérelle et Oriot, occupent les locaux de la fédération dans le XVIème arrondissement de Paris[5].

A l'Est, rien de nouveau ?

Dans les pays socialistes, il est difficile de mesurer l'engagement des joueurs, entre la caricature de l'étouffement dans une société totalitaire et liberticide et la réalité d'une société où la carte du parti communiste est souvent nécessaire à une carrière réussie. Néanmoins, quelques figures charismatiques émergent. Antonin Panenka, bourreau de la RFA en finale de l'Euro 1976, membre actif du Parti Communiste. Malgré un départ à l'étranger en fin de carrière, il revient en Tchécoslovaquie en 1988 et assiste, désillusionné, à la Révolution de Velours[6]. Plus marquant est la figure de Valeri Lobanovski, entraîneur de grand talent du Dynamo Kiev et de l'URSS, il déclarait être marxiste jusque sur le terrain, où la lecture de Karl Marx lui permettrait de trouver de meilleurs systèmes de jeu[7]. Enfin, l'engagement des joueurs de l'Est était aussi, parfois, collectif. Comme lorsque l'équipe d'URSS se prive de la coupe du monde 1974 en solidarité avec le peuple chilien, à cause d'un match qualificatif à jouer contre le Chili.

80-90 : le creux de la vague

L'Amérique latine, entre démocratie directe et démocratie représentative.

Dans les années 80-90, les pays d'Amérique Latine connaissent le retour de la démocratie. A ce moment, les légendes brésiliennes s'engagent dans la vie poltique. Socrates, meneur de jeu des SC Corinthians, avait déjà percé la carapace de la dictature avec le concept de « Démocratie corinthienne »[8]. Il met en place des organes de démocratie directe au sein du club des SC Corinthians, visant à restaurer la démocratie dans la dictature. Socrates et Wladimir, les deux instigateurs du projet vont ensuite inciter les brésiliens à voter le 15 novembre 1982 pour sortir de la dictature. Plus discret, et plus ancré dans la démocratie représentative, sont l'engagement de Pelé et Zico. Zico devient ministre des sports en 1990 dans le gouvernement de droite de Fernando Collor de Mello et Pelé occupe la même fonction en 1995 sous le gouvernement social-démocrate de Fernando Henrique Cardoso.

L'entrée des ballons d'Or au Parlement

Le vide de ces années voit néanmoins apparaître une nouvelle forme d'engagement, peut-être plus politicienne que politique, quoique les deux Ballons d'or en question ne sont pas concernés par cette critique. Gianni Rivera, ballon d'or 1969, très actif poltiquement, après sa retraite sportive, adhère successivement à la Démocratie Chrétienne, au Pacte Segni, aux Démocrates de gauche de Romano Prodi et enfin à la Margherita. Il devient député en 1994 avec le Pacte Segni, puis député européen en 2004 sous la bannière de l'alliance pour L'Olivier. En Ukraine, Oleg Blokhine suit le même parcours avec moins d'ardeur. Adhérant dans les années 1990 du le Parti social-démocrate d'Ukraine (unifié), il est élu député en 2002 avant de cesser toute activité politique après la déroute électorale récente de son parti.

La réapparition timide d'une conscience poltique des footballeurs

Moins dans la durée que sur des évenements ponstuels réapparait, timidement, l'engagement poltique des footballeurs. En 1995, Robbie Fowler, nouvelle star de Liverpool FC, apporte son soutien aux 500 dockers licenciés à Liverpool en dévoilant, sous son maillot, un T-Shirt avec un message de soutien, ce qui lui vaut d'ailleurs une sanction discplinaire mais aussi le respect des supporteurs des Reds[9]. Le joueur de l'AS Roma, Damiano Tommasi, participe au service civil, plutôt que de faire le service militaire en 1994, alors que sa carrière débute parce qu'il « ne voulait pas servir la patrie un fusil à la main ». Il est aussi membre du syndicat des footballeurs italiens, milite dans des organisations d'aides aux prisonniers. Enfin, en 2006, il signe son dernier contrat avec l'AS Roma, un contrat de 1500 euros par mois[10].

Fin des années 90-2000 : retour des footballeurs dans la vie politique ?

Le footballeur reconverti dans la politique

La figure du joueur de football reconverti comme professionnel de la politique devient une réalité au tournant des années 2000. Serge Mesonès, fidèle à son engagement communiste, devient conseiller de Marie-Georges Buffet au ministère des Sports. Claude Le Roy, comme candidat sur la liste du Parti Socialiste aux municipales d'Avignon de 2001 ou Gernot Rohr, candidat UDF aux régionales en Aquitaine en 2004 marque leur engagement par leur participation aux élections. Parmi les partis de droite, l'UMP embauche certains anciens footballeurs comme Éric Di Meco, adhérant UMP et adjoint de Jean-Claude Gaudin, ou footballeurs en activité comme Frédéric Biancalani, ancien conseiller municipal UMP de Vandœuvre-lès-Nancy, et actif dans la campagne électorale pour inciter les jeunes à voter. Hors de France, deux exemples divers sont l'élection aux sénatoriales de 2003 du belge Marc Wilmots sur la liste du Mouvement Réformateur et la candidature de George Weah aux présidentielles au Libéria où il est battu au second tour.

L'engagement de coeur

Pas toujours d'une très grande signification politique, se mulitplient les engagements ponctuels, pour une cause ou alors des soutiens politiques liés à des trajectoires personnelles. Ainsi, Alex Ferguson soutient ouvertement le Labour, en lien avec son histoire familiale et son père militant syndical et politique, bien que son engagement véritable puisse être questionné[11]. En France, Lilian Thuram, par ailleurs très critique envers le président de la république Nicolas Sarkozy, et Patrick Vieira invitent pour le match France-Italie du 6 septembre 2006 des personnes expulsés du squat de Cachan, geste tout autant humanitaire que politique. Le joueur de l'Inter de Milan, Javier Zanetti, apporte, lui, son soutien aux autonomistes du Chiapas, l'EZLN mené par le sous-commandant Marcos, pour qui il a effectué une collecte d'argent, organisé un match amical entre autres, et dont il soutient l'initiative au nom du droit des peuples indigènes.

Spectres de 68

Le retour de Mai 68 et de l'engagement à l'extrême-gauche part avant tout d'Italie. Outre l'engagement discret de Riccardo Zampagna ou de Fabrizio Miccoli qui se contentent de tatouages et de poings levés, les déclarations de Gennaro Gattuso fier d'être un « footballeur-ouvrier », l'AS Livourne Calcio voit apparaître les joueurs porteurs du retour de la conscience politique dans le football. Avec son attaque du début des années 2000, Igor Protti (sympathisant communiste) et Cristiano Lucarelli, Livourne réaffirme son statut de club « rouge ». Cristiano Lucarelli devient le « Che » de l'AS Livourne Calcio, sympathisant et électeur de Rifondazione Comunista et fondateur du groupe de supporteurs sympathisants communistes des BAL. Figure publique, il n'hésite pas à afficher ses convictions politiques et à pester contre l'apolitisme ambiant dans le monde du football[12]. Ailleurs, la légende vivante Diego Maradona n'hésite pas à afficher ses positions anti-impérialistes, son soutien à Cuba et au Vénézuela et à ses « amis » Fidel Castro et Hugo Chavez. En Espagne, Oleguer Presas devient le symbole de ce nouvel engagement. Indépendantiste catalan, antifasciste, alter-mondialiste, il écrit un livre (Cami d'Itaca) pour afficher publiquement ses opinions politiques.

Le footballeur de droite, le nouveau canon ?

Le renouveau de l'engagement des footballeurs est lié aussi à l'affirmation d'un engagement à droite de l'échiquier politique. Outre les noms déjà cités (Frédéric Biancalani, Marc Wilmots ...) correspondant plus à un engagement limité, l'engagement réel et militant des footballeurs à droite se développe. Les cas Éric Di Meco (militant UMP) et Basile Boli (soutien de Sarkozy en 2007), anciens défenseurs de l'OM version Tapie sont symptomatiques de cette nouvelle donne. L'engagement est très divers, certains s'engagent au centre-droit comme Gernot Rohr qui adhère à l'UDF pour son action pro-européenne[13], ou Fabien Cool qui voit dans l'UDF un moyen de combattre l'extrême-droite[14]. D'autres n'hésitent pas à afficher leurs sympathies pour l'extrême-droite. Paolo Di Canio se revendique fasciste, et dit admirer Benito Mussolini dont il a toutes les biographies. Il fait scandale lors de l'année 2006 avec un salut fasciste prolongé en plein match de la Lazio Rome. L'espagnol Salva Ballesta se déclare, lui, admirateur de Francisco Franco, nationaliste, militariste (il ponctue ses buts d'un salut militaire). Pour lui, rien n'est meilleur que servir l'Espagne jusqu'à la mort et il serait parti en Irak si José Maria Aznar lui avait demandé. Il a déclaré, à propos d'Oleguer Presas, « qu'il avait plus de respect pour une crotte de chien que pour lui ».

Liste de footballeurs engagés :

La liste suivante n'est évidemment pas exhaustive, et les footballeurs cités ont une implication plus ou moins importante dans le monde politique au sens large, entendu comme la participation à la vie de la cité, qui va d'un engagement verbal, à un engagement partisan, voire une candidature à des élections ou la participation à un gouvernement.

Extrême-gauche, socialistes, communistes

Alternatifs, alter-mondialistes, libertaires, tiers-mondiste

  • Diego Maradona, soutient les mouvements anti-impérialistes en Amérique Latine, ami et admirateur de Fidel Castro et Hugo Chavez
  • Paul Breitner, ancien admirateur de Mao, proche des mouvements hippies dans les années 70
  • Oleguer Presas, milite avec divers mouvements de gauche, indépendantiste catalan, milita contre la guerre en Irak, opposé à la forme capitaliste de la mondialisation

Centre-gauche, sociaux-démocrates, socialistes modérés

Centre-droit, libéraux, conservateurs

Extrême-droite

Citations ou réflexions sur le lien entre football et politique

Renzo Ulivieri, un des plus grands entraîneurs italiens de tous les temps, considérait que c'était une obligation pour tout citoyen de parler et de faire de la politique et il ajouta, à l'interviewer de Football Illustrated qui le questionnait sur le lien entre le football et politique, qu'« avoir des opinions et les exprimer est une nécessité et même un devoir ».

"Le monde du football, actuellement, est foncièrement de droite car il est conformiste, il ne veut pas mettre un pied de plus là, dans le monde réel" (Cristiano Lucarelli)

"Entre les joueurs on parle de voitures, de montres, de choses superficielles. Pour qui n'a pas eu des parents, comme les miens, qui transmettent de idéaux, dans lesquels je me suis toujours reconnu, c'est difficile d'expliquer qu'on peut être de gauche et continuer à l'être". (Cristiano Lucarelli)

"Je suis fier d'être un footballeur-ouvrier et d'être apprécié comme tel. Le travail a toujours été présent dans mon enfance, je me rappelerai toujours les trente années de travail quotidien de mon père pour 500 euros par mois" (Gennaro Gattuso)

Notes et références

  1. http://www.allezredstar.com/archives/fr_della4.htm
  2. http://www.humanite.fr/2001-11-03_Sports_-Disparition-L-ancien-footballeur-d-Auxerre-succombe-a-une-crise
  3. Article d'un journal norvégien [1]
  4. Article en italien sur l'engagement de Sollier [2]
  5. "Le mai 68 des footballeurs français" sur wearefootball.com [3]
  6. http://www.wearefootball.org/portrait/25/lire/antonin-panenka/
  7. "Ukraine, quand Marx jouait au foot", article du journal suisse Le Temps [4]
  8. http://libcom.org/library/s-crates-midfielder-anti-dictatorship-resister
  9. http://libcom.org/library/robbie-fowler-fined-supporting-liverpool-dockers
  10. http://www.adnkronos.com/Speciali/P_Pm/It/tommasi.html
  11. cf L'article "Ferguson est-il encore de gauche ?" dans le n°42 de So Foot
  12. Un reportage de Stade 2 sur un site de supporters de Livourne [5]
  13. http://www.cahiersdufootball.net/article.php?id=1544
  14. cf So foot n°43 "Balle au centre"
  15. cf So foot n°43 "Patrice Rio, l'ex-canari devenu villieriste"
  16. [6]
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