Transvisible

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Le transvisible est une théorie selon laquelle il existerait, entre le visible et l'invisible, un passage, le temps d'un éclair, l'instant d'une vision[1].

Présentation

Pour bien comprendre cette théorie qui demeure à forger, il faut revenir à d'autres notions fondatrices du transvisible, car nous ne sommes toujours pas sortis de la caverne de Platon, puisque nous prenons encore l'apparence de la réalité pour la réalité elle-même, dans un monde aux prises avec le piège de l'image, où l'absence d'image est une preuve de non-réalité, de non-vérité et donc de mensonge, où la réalité même devient fiction, et inversement, et où enfin, « dans un monde réellement renversé, le vrai est un moment du faux », selon Guy Debord[2], dans un monde où le virtuel est devenu une réalité.

La première de ces notions est le posthumain[3], où l'on voit mourir le vieil humanisme né avec la Renaissance italienne[4]. Au-delà de cette notion, comme en une deuxième étape, on se réfère au transhumain[5], comme une nécessité de dépasser la précédente notion. Le trasumanar du Dante demeure une référence capitale à cette problématique. « Transhumaner », aller au-delà de l'humain, « par delà le bien et le mal » selon la parole de Nietzsche.

Le transvisible pourrait, sur le plan symbolique, être matérialisé par une flèche qui partirait du visible pour se perdre dans l'invisible. Figure de la philosophie du devenir et donc de la transformation de l'être, le transvisible est un moment de bascule entre le déjà plus et le pas encore, moment proche de ce qui est onirique, où l'esprit chavire du subconscient de l'état de veille dans le rêve nocturne, et parfois devient rêve prémonitoire. Selon Henri Bergson, retenir ce qui n'est déjà plus, anticiper sur ce qui n'est pas encore, voilà donc la première fonction de la conscience[6].

L'eau aussi semble être une excellente métaphorisation entre le monde liquide (le visible) et la vapeur d'eau (l'invisible). Le vent également, capable d'agiter le feuillage des arbres sans être visible, ou inversement, quand rien ne semble bouger et qu'un souffle vient balayer le visage, à la semblance de la lumière. Autrement encore, quand faute de règles bancaires strictes, l'argent, en tant que valeur monétaire, est devenu de plus en plus immatériel, voire virtuel, transvisible.

D'où la difficulté à clarifier cette fulgurance du passage entre ce qui est visible pour l'œil et l'esprit et ce qui ne l'est plus, comme le dévoile par exemple le fameux procédé du fondu enchaîné au cinéma ; ce passage de transition d'une image à une autre, l'une disparaissant progressivement et l'autre s'intensifiant à son tour. Il en est de même en musique entre un thème et un autre thème.

Entre science et art, un exemple est donné avec l'ingénieur florentin Maurizio Seracini, spécialiste de la réflectographie grâce aux infrarouges, pionnier de la restauration des oeuvres de Léonard de Vinci qui a su utiliser les techniques de pointe, afin de retrouver La Bataille d'Anghiari et de visualiser sous l'inachevée peinture actuelle de L'Adoration des mages, un des premiers dessins sous-jacent du maître. Voir, sous l'apparence d'une représentation, une autre réalité. Nous sommes dans le transvisible. Regarder au-delà du voir. Pour Pablo Picasso qui pointait cette difficulté, sous un autre angle, « il faudrait pouvoir montrer les tableaux qui sont sous le tableau. »

Entre l'« étant » et le « non-étant » donc, dans un monde où les échanges entre les personnes se dématérialisent toujours plus, plus on avance dans le temps. Certains cartésiens n'y voient qu'une forme de l'indéterminé, de l'improbable, de l'« anommable », et rejettent ainsi cette problématique. Tout ce qui n'est pas formulé, n'ayant aucun statut propre, ne mérite donc guère de considération.

Pourtant, quelques-uns comme Merleau-Ponty furent en leur temps passionnés par les rapports du visible et de l'invisible. Ce philosophe y voyait même une profondeur charnelle[7]. Quelques poètes ont tenté par la parole de toucher la chair de l'invisible. Le vide, le rien, l'impensé dans la matière est riche de potentialités. Il s'agit bien de voir, de passer de l'opaque au translucide, avant d'atteindre la transparence de l'invisible[8]. Insistons sur la perméabilité de ces mondes, car certains esprits trop cartésiens sont étrangers à ce dialogue. Les poètes, vecteurs de transvisibilité, passeurs de lumière, porteurs du feu de la parole, sont d es êtres à mi-chemin entre ces deux mondes[9]. Dans le passage du visible à l'invisible, le transvisible transfigure le temps.

Notes et références

  1. Serge Venturini, « Le pont franchi du transvisible » [lire en ligne (page consultée le 30 avril 2008)].
  2. Guy Debord, La Société du spectacle, Éditions Champ libre, Paris, 1977, p. 11.
  3. Serge Venturini, Éclats d'une poétique du devenir posthumain, résumé disponible sur Chapitre.com.
  4. Serge Venturini, « Réfléchir le passage entre visible et invisible », janvier 2008, [lire en ligne (page consultée le 30 avril 2008)].
  5. Christophe Barbier, « Comment éviter l'apocalypse? », entrevue avec Jacques Attali, L'Express, 26 octobre 2006 [lire en ligne (page consultée le 30 avril 2008)].
  6. Henri Bergson, L'énergie spirituelle, éd. Alcan, p. 5-6.
  7. Voir le chapitre « Philosophie » de l'article Maurice Merleau-Ponty.
  8. Serge Venturini, « Le tigre de l'œil », 22 décembre 2007, [lire en ligne (page consultée le 30 avril 2008)].
  9. Serge Venturini, « La sandale d'Empédocle, autre signe », 23 janvier 2008, [lire en ligne (page consultée le 30 avril 2008)].

Voir aussi

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